JOrMAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. 1™ ANNÉE. - N° 86. JEUDI, 24 FÉVRIER 1842. FEUILLETON. On s'abonne Ypres, rue du Temple, 6, et chez tous les per cepteurs des postes du royaume. PRIX DE L'ABONNEMENT, par trimestre. Pour Ypres. fr. 5-00 Pour les autres localités 6-00 Prix d'un numéro 0-95 Tout ce qui concerne la ré daction doit être adressé, franco, l'éditeur du journal, Ypres. - Le Progrès paraît le Dimanche et le Jeudi de chaque semaine. PRIX DES INSERTIONS. Quinze centimes par ligne. VI I mil II. YPRES, le 23 Février. Le projet de loi dont nous avons parlé dans nos précédents nos, et qui tend donner au roi la faculté de choisir les Bourgmestres hors du sein du conseil, a soulevé de toutes parts de vives réclamations. On a généralement trouvé odieuses et exhor- bitantes les prétentions du gouvernement. En effet, ce qu'il demande la législaturec'est le droit d'imposer aux communes des chefs de son choix, dussent-ils d'ailleurs n'avoir aucun droit leur confiance, et cela dans certaines circonstancesdont l'appréciation serait laissée entièrement sa discrétion. Cependant trois autres projets présentés en même temps la chambre, qui tendent chan ger le mode de comptabilité des communes, et étendre l'action du gouvernement dans leur régime intérieur, sont propres inspirer des craintes bien plus vives. Si jamais les chambres les adoptenl, les franchises communales fondées par la loi du 30 mars 1836, sont détruites, et l'asservissement complet des communes est consommé. Le premier projet soumet la comptabilité de nouvelles formalités, et donne le droit l'autorité supérieure d'agir par voie de con trainte contre le receveur communal. Le second donne au gouvernement le droit de créer des impositions communales d'office, et la députation permanente celui de répartir les charges communales sous l'appro bation du roi. Le recouvrementseferait alors par un receveur de l'état. Enfin le troisième projet soumet les budgets des recettes et dépenses des communes possé dant un octroi, l'approbation du roi. Par ces changements la loi de 1836, le ministère veut parvenir une plus forte cen tralisation du pouvoir. Voilà son but avoué. Mais celui qu'il ne fait pas connaître, est le projet de punir les grandes communes de leurs adresses libérales, et de les mettre dans l'im possibilité d'en voter ehcore l'avenir. En votant la loi de 1836, les catholiques-poli tiques ont cru que la force de leur opinion était concentrée dans les communes, dont ils comptaient pouvoir nommer les administrations leur gré. Mais les élections faites sous l'empire de cette loi les ont détrompés. L'esprit d'indépen dance de nos ancêtres s'est reveillé, et la plupart des grands centres de population se sont soustraits l'influence du parti rétrograde. Le ministère et ses alliés, en déclarant une guerre acharnée nos institutions, tâchent de renverser celle qui opposera la plus forte résistance leurs empiétements. Mais la centralisation laquelle on veut parvenir, est loin d'être favo rable aux communes, l'expérience l'a prouvé. Sous l'empire, l'unité du pouvoir était poussée jusqu'à ses dernières limites, tout émanait du chef de l'état. Jamais cependant les communes ne furent dans une position plus précaire, et quoique la comptabilité fût hérissée de for malités, jamais elle ne fut plus irrégulière Le changement de domination leur fut plus favorable. Le règlement de 1817 les affranchit des entraves auxquels le gouvernement français les avait assujetties. Le bourgmestre devait être pris dans le conseil qui arrêtait et appurait les comptes communaux. Sous l'empire de ce règlement, la position des communes devint florissante leurs finances étant bien adminis trées, leurs revenus s'améliorèrent. Il fut prouvé que jamais les intérêts de la commune ne fu rent mieux entendus que par ceux qui tenaient leur mandat du vœu de leurs concitoyens. Le règlement de 1824 introduisit quelques changements dans la législation communale, mais les comptes et budgets ne furent point soumis l'approbation du gouvernement. Seu lement par arrêté du 20 juin 1817, l'adminis tration générale se réserva deux pour cent des revenus pour être employé par lui dans un intérêt purement communal. La révolution de 1830 amena peu de chan gements dans l'organisation communale. Ce pendant la publicité des comptes et budgets fut prescrite, et le principe de l'élection directe appliqué la nomination des magistrats muni cipaux. Les suites inséparables d'un boulever sement politique et les pillages qui eurent lieu dans quelques villes, jetèrent le désordre dans leurs finances. Enfin la loi du 30 mars 1836, fut votée après bien des remaniements c'est la charte qui régit les communes. Elle nous garantit les franchises dont nos ancêtres étaient si jaloux, et il a fallu un ministère dévoué au parti rétrograde pour chercher détruire celle de nos libertés qui doit nous être la plus chère. (La suite un -prochain N°.) Le 17 de ce mois, un incendie a éclaté dans l'habitation de la veuve Vandenkendelaere au hameau de Couckuyt, commune de Moorslede. Le dégât est évalué 600 francs. Rien n'était assuré. Le 19 de ce mois, la gendarmerie de Pope- ringhe a écroué en la maison d'arrêt d'Ypres, 3 individus de Boeschepe (France), arrêtés en flagrant délit de fraude. Ils ont été saisis avec des charges d'esprit d'eau-rde-vie. Voici les noms des villes du royaume qui se proposent de pétitionner ou qui sont déjà péti tionnaires contre le projet de loi ayant pour objet de conférer au roi le droit de nommer le bourgmestre en dehors du conseil; ce sont Verviers, Liège, iNamur, Gand, Bruges. Jamais les corps communaux n'ont été plus compétents pour adresser des requêtes aux chambres législatives. Le projet de loi contre nos libertés communales touche dune manière directe les conseils de régence. Nous voyons avec satisfaction les mandataires de la commune user du droit de pétition, plutôt pour le maintien des franchises de la cité que pour la réforme électorale, comme ils le firent naguère. Tournai dMatines.) LES ASSIETTES CASSEES. [Suite et fin.) Cette humble servante, qui se nommait Gabrielle, se mit réaliser, au plus vite, la sainteté de sa pieuse promesse elle adora les en- fans de son ancienne amie, et j'ose peine vous apprendre qu elle ne craignit point d'adorer en secret, le malheureux qui avait perdu toute cette pauvre famille. Le devoûment de Gabrielle devint exemplaire elle trouva le moyeu de dérober son service assez de temps pour surveiller, malin et soir, le petit ménage de l'ouvrier Bernard elle songeait tout, la bonne fdle elle prévoyait les besoins pour mieux les satis faire, et bien des fois elle vendit ses belles hardes du dimanche, afin de prévenir un regret, une plainte ou une souffrance. Indiffé rent aux détails de la vie matérielle, comme la plupart des enthou siastes qui vivent beaucoup par la pensée, Bernard ne prenait la peine ni de bénir, ni seulement de deviner la main secourable qui le faisait vivre. Chose étrange! Suzelle était morte en maudissant l'orgueilleuse ambition de son mari Gabrielle s'avisa d'applaudir l'intelligence et la noble ardeur de Bernard. L'une avait déploré l'enthou- siame dangereux de l'artiste; l'autre approuvait, au foud de son cœur, les rêves de gloire qu'il fesait tout éveillé. La première n'avait pensé qu'au présent la seconde songeait l'avenir. La femme ne s'était guère inquiétée que du bien-être de ses enfans l'amoureuse s'inquiétait delà réputation et de l'honneur de celui qu'elle aimait; Gabrielle croyait au génie de ce rêveur populaire, et pour le voir réussir, pour le voir briller dans le monde, la jolie servante aurait donné son bonheur sur la terre et son salut dans le ciel Depuis la mort de Suzette, Bernard avait renonqé, faute de cou rage, et peut-être faute d'argent, ce travail équivoque, ces recherches mystérieuses qui avaient tué sa femme et ruiuésa famille; une circonstance assez extraordinaire rouvrit l'artisan la petite porte de son atelier, et Gabrielle vint l'obliger, sans le vouloir, poursuivre ses travaux, ses expériences et ses rêves le hasard est une divinité bienfesanle qui arrive presque toujours l'aide de l'intelligence, de l'ambition et du travail Un jour, Bernard se promenait tristement dans la campagne, aux environs de Beauvais; quelques petits garçons, qui le connaissaient bien, sans doute, s'amusèrent le pourchasser, en se moquant de lui, un d'eux ramassa, sur le bord de la roule, une grosse boule de terre glaise, et la lui jeta méchamment la figure; aussitôt, sans se plaindre, sans s'émouvoir, sans mot dire, Bernard recueillit, miette miette, la terre grasse qu'on lui avait jetée sur le front; il l'exa mina fart attentivement; il s'approcha d'une large fosse où le petit garçon avait ramassé son innocent projectile; il s agenouilla dans la vase, et il se prit remplir les grandes poches de son pourpoint d'une matière argileuse qui lui sembla convenir l'exécution définitive de ses chefs-d'œuvre. A son retour au logis, Bernard éprouva bien de la surprise et du chagrin l'aspect de son amie Gabrielle qui pleurait, qui sanglottait comme une désespérée; il voulut connaître la cause de cette douleur, de ce grand désespoir, et il demanda la jeune fille Mes enfants sont-ils morts, Gabrielle Us vivront cent ans, M. Bernard Sont-ils malades Us se portent merveille Souffres-tu -« Il n'y a que mon cœur qui souffie.... Mais les peines du cœur ne font pas pleurer!

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