les visites qu'il lui aurait, rendues et on lui de
mande pourquoi il n'a pas fait mention des canons,
alors qu'il en avait connaissance; il déclare en avoir
prévenu M. le ministre de la guerre le jour où il
eut avec lui celte vive explication si diversement
appréciée. M. le président l'invite s'asseoir et le
comte Vandermeere est introduit immédiatement.
Interrogé sur de prétendu^ propos qu'il aurait
tenus relativement un changement de gouverne
ment, il déclare que ses opinions sont connues et
que jamais dans aucune réunion il n'a parlé poli
tique. Il nie avoir remis de l'argent de Créhen, de
lui avoir donné l'ordre d'acheter des canons, et
toutes les relations, dit-il, avec de'Créhen n'avaient
pour but que de lui remettre des recours "réclamés
parce dernier pour les blessés de septembre. Enfin
il nie de la manière la plus positive tous les faits ou
propos qui lui sontimputés par "<le Créhen.
A midi et demi l'interrogatoire n'étaiL pas encore
terminé.
x
La séance suspendue midi et i'/4 est reprise i
heure moins un quart. Le public est toujours très-
nombreux.
On introduit l'accusé Jacques-Dominique Vàn-
dersmissen.
11 ne connaît bipn que Vandermeere et Parys. Il ne
connaît les autres que depuis peu de temps et indi
rectement.
Il n'allait pas chez de Créhen, mais celui-ci est
venu une fois l'inviter un dîner de blessés. Il ne le
voyait que lorsqu'il allait chez M. Le vae, et de Créhen
lui montrait alors différentes choses qu'il avait
achetées pour les blessés et lui faisait toujours des
politesses.
11 n'a pas eu connaissance de conversations où l'on
se plaignait du mauvais état de l'ordre de choses
actuel, et où l'on aurait parlé d'un mouvement qui
devait éclater en faveur du roi des Pays-Bas.
Il a rencontré plusieurs fois le major De Saegher
qui se plaignait toujours de sa position. Celui-ci lui
a demandé la permission de pêcher dans les étangs
de son frère. Il n'a pas fixé de jour. Il n'a pas parlé
De Saeger, de tenir prêt son monde. Il nie avoir
donné de l'argent ce major.
Il n'a pas été trouver M. de Créhen la Place des
Martyrs le 26 septembre. De Créhen n'est pas venu
chez lui pour lui indiquer l'heure du dîner qu'on
donnait aux blessés de septembre et auquel il l'avait
invité. 11 donnait d'habitude quelqu'argent de
Créhen, tantôt une pièce de 10 florins, tantôt cinq
francs pour aider lés blessés malheureux.
Il n'a pas donné d'ordre et n'a eu connaissance de
l'achat des canons et des déplacemens divers qu'ils
ont subis. Il a rencontré une fois au manège le géné
ral Vandermeere et Parys avec lesquels il est sorti.
Il nie avoir été chez MM. Jones.
Il n'a pas donné d'ordre de Créhen pour trans
porter les canons. Il n'a pas donné d'ordre de
Créhen pour l'achat des courroies et autres objets.
Il nie avoir reçu lui-même ces objets dans son do
micile. Il n'a point donné d'ordre d'acheter des
poudres ainsi que du mérinos, et de conduire le'
tou t chez son frère.
De Créhen a loué la petite maison inhabitée où
ces objets ont été saisis pour aller tirer la cible avec
les blessés. Au jour il a, en effet, recueilli de Créhen
dans sa voiture, après que celui-ci lui eut dit qu'il
11'avaiL pu aller jusqu'à la petite maison.
Il nie avoir eu jamais connaissance de la confection
des boîtes lances feu, et de mitraille. 11 nie avoir
vu ou eu connaissance des boulets de bois que de
Créhen a faitfairechezScholtnan.il n'a jamais parlé
de complot au nommé De Wevér, qui est un homme
qui n'a le plus souvent mangé que par l'argent qu'il
lui donnait, et qui constamment venait chez lui se
plaindre etdemander des secours. Il dit ne pas avoir
connaissance d'une lettre dans laquelle il se plaint,
et parle d'un complot qui devra bientôt éclater.
M. Parys, intendant de la gendarmerie, connaît
le général Vandermeere depuis 1880 et le général
Vandersmissen depuis 181Ô. Il ne connaît Parent
que depuis quelque temps. Il ne connaît pas du Lout
les autres accusés.
Il n'a jamais tenu les propos que lui impute l'aç-
cusalion, propos du malaise général qui existait
dans le pays et du mouvement qui devait éclater ici
en faveur du prince d'Orange régnant.
Il n'a pas connaissance d'une réunion entre les
généraux Vandersmissen et Vandermeere, lui et le
major Kessels, dans laquelle ce dernier aurait com
battu fortement la résolution de Vandermeere de
faire un mouvement. Il est allé seul Anvers où il
a rencontré le général Vandermeere sur le port, bon
voyage Anvers avait simplement pour but de voir
la British-Queen.
11 ignore complètement que de Créhen ait acheté
des canons. 11 n'a pas été chez les frères Jones.
Il estallé Moleubeek pour y louer un local, chez
M. Janssens-De Cuyper, mais il nie y avoir vu de
Créhen il voulait placer dans ce local une machine
faire des briques.
Il nie qu'on soit venu l'avertir de l'arrestation de
de Créhen. Il nie avoir tenu Mad. Vandersmissen
le propos que lui prêle l'accusation.
Joseph Vandersmissen. Il est propriétaire Etter-
beek de la petite maison inhabitée. Il n'a pas ren
contré le major De Saeger. Il n'a pas non plus été
chez ce major pour lui donner connaissance du com-
plotqni se tramait. Il n'a pasparléau docteur Demoor
de conspiration seulement il lui a dit, comme
beaucoup de monde disait alors, qu'à cause de la'
rétribution que l'on devait payer pour entrer dans
le Parc il y aurait quelque chose le 27. 11 nie lui
avoir dit qu'il y avait de la poudre dans une maison
Etterbeek. Il nie lui avoir aussi parlé de canons.
11 n'a aucune connaissance du transport de la
table et des quatre chaises.
Joseph Parent. Avant de répondre aucun inter
rogatoire, dit-il, je prie la cour de faire mentionner
au procès-verbal d'audience de ce jour, Ja protesta
tion que j'adresse au ministre de la justice, contre
les faits arbitraires posés mon égard parle juge
d'instruction Delcourt.
Il connaît les généraux Vandersmissen Vander
meere et de Créhen, depuis la révolution de 1880.
Il a été en 1841 avec de Créhen Paris, pourl 'ex
ploitation d'un nouveau système de percussion
applicable aux armes de guerre. 11 est revenu après
en Belgique, estallé àSpa, et n'y a jamais reçu aucune
lettre de de Créhen. Il n'est revenu Bruxelles que
le 19 octobre et n'a jamais eu d'autres rapports avec
de Créhen que des rapports d'association.
11 n'a réclamé au ministre de l'intérieur la somme
de 25o francs que parce qu'il y avait droit comme
blessé de septembre; elle lui a été refusée. Il connaît
Roczynski. Il n'a jamais été avec de Créhen en vigi
lante porter des boîtes et de la poudre. Il n'a jamais
ii—
A
pendant ce laps de temps. On permet également aux
témoins tant charge qu'à décharge de se retirer
pendant le même espace de temps. M. le président
fait retirer les prévenus l'exception de M. de
Créhen. Ce dernier interrogé sur les relations avec
l'accusé Vandersmissen (Joseph) prétend ne pas le
connaître. Le même déclare ensuite avoir prévenu
M. Hody des faits qui étaient sa connaissance, le
lendemain même du jour où le comte Vandermeere
lui aurait parlé d'un projet de renverser -le gouver
nement. Interrogé shr ses rapports avec le général
comte Vandermeere, il soutient que ce dernier lui
a offert la place de commandant militaire Anvers
et déclare avoir reçu de lui différentes sommes
notamment: 1800 francs pour l'achat de canons,
plus 80 guillaumes pour faire différens payemens et
embaucher des partisans. L'accusé déclare n'avoir
jamais assisté aucune réunion. Il soutient avoir
entendu MM. Parys et Vandermeere, avouer que le
gouvernement actuel ne pouvait exister plus long
temps, dans l'intérêt du commerce, de l'industrie
et du peuple; il ajoute que l'intendant Parys a
assuré qu'on pouvait compter sur l'obtention des
armes de la garde civique. Interrogé sur le général
Daine, il affirme avoir entendu dire que ce der
nier état du complot.
Malgré les nombreuses questions de M. le prési
dent sur la participation de S. M. le roi Guillaumell
au complot l'accusé déclare ignorer complète
ment, si le roi des Pays-Bas a eu connaissance de la
conspiration. Il affirme pusilicernenl ne rien savoir
cet gard.
Relativement aux canons, il répond M. le pré
sident qu'il a payé M. Van Leemput, Anvers, la
somme de 1,800 francs. Cet argent, selon lui, venait
du comte Vandermeere et avait été remis sur sou
ordre.
L'accusé déclare en outre que lorsque M. Levaelui
a enjoint de retirer les canons du ministère des
finances, il en a immédiatement informé MM. Van
dermeere, Vandersmissen et Parys.
L'interrogatoire roule ensuite sur les px'étendus
allées et venues des canons. M. le président adresse
ensuite de Créhen de nombreuses questions sur la
confection des boites mitraille, des sacs de cuir,
des gargousses, des boulets, ainsi que sur les divers
achats de poudre, sur ses visites journalières, soit
chez M. Vandermeere, soit chez M. Vandersmissen
et sur ses relations avec son co-prévenu Parent.
On lui soumet les pièces de conviction qu'il a
dit-il, fait confectionner, toujours par ordre du
comte Vandermeere. S'il faut l'en croire, ce serait
lui qui aurait prié Parent de porter la poudre chez
M. Vandersmissen.
Toujours d'après les déclarations de l'accusé il
paraîtrait que pour des fonds il s'adressait plus
spécialement au comte Vandermeere et que tout ce
qui était relatif au matériel concernait le général
Vandersmissen. Il répond assez évasivement aux
questions qui lui sont adressées sur Parent et
déclare ne point connaître le Polonais Roczynski
chez lequel il affirme n'être jamais allé. On lui
demande s'il connaît le Polonais Dulfus, il déclare
l'avoir rencontré, mais il nie formellement lui avoir
fait aucune offre, et, malgré les pressantes sollici
tations do M. le président, il refuse de s'expliquer
cet égard, laissant son défenseur le soin d'éclair-
cir cette affaire. On l'interroge ensuite sur ce qu'il
a écrit l'administrateur de la sûreté publique, sur
Entre les mains d'un empoisonneur... c'est vrai
Laissons-là, s'il vous plait, vos plaintes vénéneuses qui fou
droient, et permettez-moi de vous apprendre le véritable motif qui
m'amène....
Je vous écoute.
11 vous convient peut-être de la mort de Mnie Kœrner, cette
vieille parente qui a eu le bou goût de me léguer peu près toute
sa fortune
Eh bien?...
Eh bien l'exécuteur testamentaire a déchiffré tout coup,
dans un maudit codicille du testament, une condition slupide, et
que je dois remplir la hâte, sous peine de perdre mon héritage
tout entier.
De quoi s'agit—il?
Il s'agit de me marier... par ordre
Mariez-vous.
Il s'agit de me marier avec notre jolie cousine, Melle Koypell
Avec Mignon
Mon Dieu oui Mme Kœrner nous a mariés, par la grâce de sa
volonté dernière; il ne me sied pas de renoncer, de gaîté du cœur,
au bénéfice d'une succession opulente, et je viens vous prier offici
eusement de vouloir consentir ce singulier mariage.
Et Mignon?
Mignon ne demande pas mieux que d'être riche, indépendante
et heureuse, elle ne m'aime pas encore, mais elle m'aimera plus
tard,je l'espère; d'ailleurs dans un mariage d'argent, il faut
l'amour une si petite place
Et Mignon
Vous ne m'avez donc pas entendu, mon cher Frédéric? Je vous
le repète Mignon est enchantée de ma demande; Mignon consent
devenir la femme de Joseph Koypell, Mignon m'a chargé de vous
consulter, pour la forme, et je vous consulte, pour lui obéir et pour
lui plaire.
J'aviserai
A demain, Kœrner! D'ici là, je vais pensera mon prochain
mariage et la corbeille de la mariée!...
La mariée?..., pensa Frédéric.... Mignon mariée un tel
misérable
Frédéric s'en alla passer deux ou trois heures sur les bords du
fleuve et dans les allées du Frater il revint au logis, dans un état
vraiment déplorable, il était froid et pâle comme un mort il trem
blait, il chancelait en marchant, et cet honnête homme de génie,
qui possédait la science universelle n'avait plus assez de raison
pour avoir la force, ni assez d'esprit pour avoir du courage Kœrner
entendit, en coudoyant la porte du salon, la voix mélodieuse de la
jeune fille, et ses yeux se remplirent de larmes.
Elle chante! balbutia Frédéric... Que l'ingratitude lui soit légère.
Kœrner entra dans son laboratoire il écouta de son mieux, pour
entendre encore un écho de celte douce mélodie qui lui donnait,
la fois, le frisson du plaisir et de la colère... Mais les chants du piano
et de la jeune fille avaient cessé, et le pauvre amoureux s'imagina
qu'au bruit de son approche, Mignon avait eu pitié de sa jalousie
de ses regrets et de sa douleur...
Frédéric regarda longtemps, sans y toucher, une boîte entr'ou-
verte sur une table, et qui renfermait le poison terrible qui
avait tant effrayé Joseph Koypell... Il tressaillit soudain, avec l'in
fluence d'une pensée aflreuse, désespérée, infâme Il prit un grain
de cette poudre mortelle, et il se laissa tomber dans un fauteuil, en
disant d'une voix défaillante
Lequel de nous deux a mérité de mourir?... Je suis bon, et
Koypell est méchant il n'a jamais été utile personne, et j'ai fait le
plus de bien qu'il m'a été possible tout le monde; il a confisqué,
son profit, une grande fortune qui m'était destinée; il occupe,
grâce l'usurpation de l'intrigue, une place d'honneur que j'avais
conquise par mon travail enfin, il veut m'enlever aujourd'hui ma
seule richesse, mon seul trésor, ma Mignon adorée... Il mourra!
Au même instant, deux pouvoirs contraires, deux conseillères
mystérieuses, la science et la conscience, se prirent lui parler
tour tour l'une disait son esprit