JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
I e ANNÉE. - N° 90.
JEUDI ,10" MARS 1842.
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INTERIEUR.
YPRES, le 9 Mars.
Quand le ministère effrayé reculait devant
les représenlans de la nation quand il retar
dait de jour en jourjusqu'aux dernières
limites posées par la constitution, l'ouverture
de la session législative; ses craintes, on a pu le
voir depuis, n'étaient que trop fondées. Avec
la conscience de sa nullité politique et adminis
trative, il avait le pressentiment de la misérable
position où nous le voyons tombé.
Suivez-le dans sa marche incertaine et chan
celante, et vous le verrez se précipiter, de faux
pas en faux pas, vers une chute piochaine et
fataledont aucun de ses membres ne se
relèvera.
Sa situation fut nettement dessinée dès la
première discussion politique. Ce fut celle, on
ne l'a pas oublié, où M. Nothombépuisa vaine
ment toutes les ressources d'une réthorique
embrouillée, pour prouver que le cabinet dont
il est le chef de fait, était un cabinet d'ordre et
d'impartialité; où NI. le comte Camille de
lii iey, jetant pleines mains les (leurs de sou
éloquence biblique, procurait la chambre
de si beaux moments d'hilarité.
Tout ce qui s'est passé fut prévoir dès lors.
La manière indélicate (nous employons ce mot
au lieu d'un autre qui serait plus exact, mais
qu'il nous répugne d'écrire;) la manière indéli
cate disons-nous, dont le ministère a cherché
se défendredans l'affaire si verreuse de la
British- Queen l'accusation aussi mesquine
qu'absurde de M. de Maizières contre son hono
rable prédécesseur, propos de changements
A l'encre ronge, effectués sur des pièces comp
tables; ses petits moyens d'espionnage, ses ré
ponses colériques, puisées au vocabulaire des
écoliers mutins, aux interpellations de l'honora
ble M. Yerhagen, tout cela n'a dû surprendre
personne.
Le sénat ep flétrissant énergiquement toute
cette conduite mauvaise et déloyale, a été l'or
gane du pays. Si, jusqu'à ce jour, il n'y avait
pas eu d'exemple en Belgique, d'une assemblée
législative faisant insérer au procès-verbal de
ses séances, un blâme sévère contre des ministres,
c'est que jamais ministres n'avaient bravé comme
MM. les membres du cabinet actuel, toutes les
convenances politiques et sociales, manqué aux
règles les plus vulgaires de la bienséance.
Il serait bien temps nous semble-t-ilque
tout ceci eût une fin. Il y a trop longtemps que
quelques hommes nous ridiculisent plaisir aux
yeux de l'Europe entière. Certes, M. Nothomb,
comme écrivain, ne laisse pas que d'avoir un
certain mérite il a pu faire, nous le croyons
un secrétaire-général fort distingué.
M. Van Volxembien qu'il ait vu par deux
fois échouer sa candidature au tribunal de lre
instance et la cour d'appel de Bruxelles, peut
être un jurisconsulte remarquable, un très-bon
bourgmestre.
M. De Maizières, malgré sa conduite mal
séante ses réponses incivilespeut bien avoir
reçu une certaine éducation.
M. De Briey, nous le voulons encore, a été un
garde-du-corps estimable il était beau sous les
armes. Maisdans tous ces messieurs pris en
semble, et nous les jugeons par leurs actes, il
n'y a pas, en conscience, leloffe d'un ministre.
Pourquoi donc attendre
Dans la nuit du 4 au 5 de ce mois, le briga
dier Claerhout et le gendarme Lambin, de
Dixmude, étant en patrouille de nuit, ont ren
contré et arrêté les nommés Auguste Vande-
wynckel. Ange Kock, de la commune de Merc-
kem, et Mathieu Geldof, de Woumen, qui étaient
porteurs chacun d'un sac de froment et de
quelques poules qu'ils venaient de voler avec
effraction chez la veuve Bert, fermière Per-
vyse. Vandewynckel était armé d'un pistolet.
Dans la même nuit, des malfaiteurs ont volé
une truie prête mettre bas, qu'ils ont saignée,
une soixantaine de mètres de la maison. On a
trouvé dans un fossé les entrailles et six pour
ceaux.
M. Chavaete qu'une longue détention préven
tive a exaspéré, vient d'envoyer la plupart des
journaux les circulaires suivantes
Braves Bruxellois
M. le ministre de la justice (Van Volxem) est un
meurtrier,je prends Dieu témoin deceltevérilé.
S.-F. Chavaete.
La loi où la mort
Le prénommé ministre ne sa pas justifié.
P.S. Le roi en est informé.
Je commencerai distribuer les circulaires,
samedi5 courant9 heures du matin
partir de la place des Barricades, Montagne de
la Cour, rue de la Madelaine, etc.
Voici ce que nous lisons ce sujet dans le
Fanal du 6
h1 Observateur vient de trouver un aide dans
M. Chavaetede Poperinghe pour renverser
le ministre de la justice; ce nouveau Messie écrit
tous les journaux Si vous daignez faire
insérer quelques articles en ma faveur, je vous
assure que dans deux ou trois jours nous pou
vons espérer le renversement du ministre; cet
effet j'ai apprêté mille circulaires que voici
Braves Bruxelloisetc.
Lesjournauxquiont reçu les communications
de cet intrépide publiciste sont: 1"Observateur,
le Patriote, le Belge, le GlobeY Emancipation,
le Lynxelc.
Il est évident qu'avec de tels auxiliaires le
ministre de la justice doit être renversé dans
les 48 heures, ou se brûler ce que l'on sait.
Avis aux postulans de portefeuilles! Lynx
On écrit d'Ostende
Lorsque les passagers au nombre de vingt
ainsi que l'équipage du steamer City of Edim
bourg, furent sauvés, ce navire a eu ses amarres
brisées par la violence du vent et le ressac de la
marée le courant a alors drossé le steamer
derrière le couronnement de l'estacade de 1 est
où il se trouve échoué. Dès que la marée a laissé
Feuilleton «lu Progrès»
JUANA UBERTI.
Au commencement de la campagne dTlalie de l'an IV, après les
brillants combats des 2 et 5 frimaire (25 et 24 novembre 1795)
devant Loano, Melogno et Rocca-Barbenne, où 5,000 prisonniers,
quarante pièces de canon et des magasins immenses tombèrent au
pouvoir des français, la division Augereau prit ses cantonnements
dans les faubourgs de Gènes et les environs.
La 51e demi-brigade d'infanterie de ligne, faisant partie de
cette division, se trouva cantonnée Onéglia (Oneille), charmante
petite ville située sur les bords de l'Arno.
Quelques officiers de ce corps se promenaient un soir sur les
bords poétiques du fleuve. TJne discussion animée sur les opérations
de la campagne fut interrompue tout-à-coup par l'arrivée'de deux,
personnages qui fixèrent l'attention curieuse des officiers français.
C'était un vieillard accompagné d'une jeune fille.
Ce récit est historique. lie père de l'auteur était un des
compagnons d'armes du capitaine Michel.
Le vieillard avait une physionomie distinguée mais altière;
l'âge n'avait pas allaibli l'éclat de ses yeux perçants, ni courbé sa
taille majestueuse.
La jeune personne était une de ces belles filles de Toscane aux
cheveux noirs et lisses, aux sourcils de velours fortement arqués,
placés là comme pour tempérer l'ardeur de ces longs yeux noirs;
chacune des lignes de cette charmante figure de forme ovale, révé
lait une passion énergique. Puis, ces épaules dorées par le soleil
d'Italie, ce sein voluptueusement agité, emprisonné dans un corsage
de velours noir, cette main admirable qui aurait pu servir de
modèle aux madones de Raphaël, tant de charmes réunis sur un
seul être, en faisaient un chef-d'œuvre de la création.
Le groupe d'officiers s'était arrêté, frappé d'admiration. Le vieil
lard passa lentement appuyé sur le bras de la jeune fille.
J'ai parcouru toute l'Europe, mais, sur mon âme, je n'ai jamais
rien vu d'aussi admirablement beau que cette jeune italienne
Ces mots prononcés-avec chaleur, en italien, frappèrent l'oreille
de la toscane; elle se retourna vivement et aperçut un jeune
homme d'une taille élégante et d une figure spirituelle, qui la
coutemplait avec ravissement. C'était le capitaine Michel, l'un des
plus braves officiers de la 51®.
Les regards de la belle jeune fille rencontrèrent ceux du capi
taine, et elle pâlit extrêmement.
Ceci est une chose digne de remarque. Les italiennes rougissent
rarement. Qu'elles soient dominées par une émoliou douce, ou par
uue sensation douloureuse, la pâleur de leur figure est habituellement
l'interprète des agitations de leur âme.
Le capitaine Michel qui avait acquis cette connaissance par plus
d'uue expérience, comprit l'instant tout ce qu'il pouvait espérer.
Il quitta ses amis et suivit le vieillard et la jeune fille. Ceux-ci
s'arrêtèrent devant une maison de belle apparence; mais, avant d'y
pénétrer, la jeune fille se retourna instinctivement, aperçut le capi
taine, et s'élança toute joyeuse dans la maison. La porte ne s'était
pas refermée sur eux depuis une heure, que le capitaine savait déjà
leurs noms et qualités.
Le vieillard, riche médecin d Oneille, se nommait Andréas Uberti.
Il était aïeul paternel de la jeune fille qui s'appelait Juana. Sléfano
Uberti, le père de Juana, avait été tué eu défendant sou pays contre
les fiançais aussi rien n'égalait la haine que le vieux Uberti avait