JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. 1 "ANNÉE. - N° 99. DIMANCHE, 10 AVRIL 1842. INTERIEUR. FEUILLETON. On s'a bonne Ypres, rue du Temple, 6, et chez tous les per cepteurs des postes du royaume. PRIX DE L'ABONNEMENT par trimestre. Pour Ypresfr. 5-00 Pour les autres localités 6-00 Prix d'un numéro 0-25 Tout ce qui concerne la ré daction doit être adressé, franco, i l'éditeur du journal, A Ypres. - Le Progrèe parait le Dimanche et le Jeudi de chaque semaine. PRIX DES INSERTIONS. Quinze centimes par ligne. l'PRES, le 9 Avril. Rien n'arrête le parti clérical dans ses projets d'envahissement. La Constitution et les lois sont son égard lettres mortes. Son ambition insatiable ne connaît plus aucun frein. Un reste de pudeur le maintenait jusqu'ici dans les bornes, mais le masque est jeté et c'est la tête haute que le pouvoir religieux prétend dominer la société. La loi électorale ouvertement violée, le monopole de l'enseignement hautement re clamé par un évêque, une législature docile aux impulsions des sommités ecclésiastiques, ne sont-ce point là des faits qui tendraient prouver, que désormaisice parti croit que rien ne peut plus arrêter ses empiétements. Les hommes indépendants et de bonne foi ouvriront-ils les yeux ou accepteront-ils la position humiliante que le clergé et ses alliés prétendent imposer Ta BelgiqueTTI n'est point encore trop tard pour s'y opposer. Mais alors il faut se dépouiller des illusions qu'on s'est créées. Dans quelques membres du clergé on ne doit voir que des ambitieux qui en 1830 n'ont pris le masque du libéralisme que pour étouffer plus sûrement toute liberté; que des hommes qui ne tendent rien moins qu'à exploiter le pays au profit des intérêts de leur caste; dans la haute noblesse, les alliés du clergé, que des hommes qui ne rêvent que la résurrection de cet ordre et de ses privilèges dans les ambi tieux de toufb espèce qui, en immolant leurs opinions, se mettent au service du parti clérical, des gens chez qui l'intérêt privé domine assez fortement pour leur faire préférer des avantages personnels au bonheur de la patrie. Le danger est imminent. Dans quelques an nées les destinées de la Belgique seront fixées pour longtemps. Maintenant se décide la ques tion dq savoir si on sera gouverné suivant les principes d'une constitution libérale, ou si on rétrogradera de quelques siècles pour se re mettre sous la férule cléricale. Il s'agit de voir si on se courbera sous le joug d'un parti qui a des intérêts opposés ceux du pays, et des projets qui n'ont point pour but la' prospérité de la Belgique. Un condamné mort a été exécuté Mons cent cinquante trois jours après, avoir présenté son recours en grâce. Depuis longtemps on savait que ce pourvoi avait été rejeté par le conseil des ministres. Pourquoi alors ne pas avoir procédé immédiatement l'application de la peine ordonnée par l'arrêt de la justice Pourquoi laisser cet infortuné pendant aussi longtemps dans une angoisse terrible et que nul ne peut décrire? Une pensée politique paraît avoir engagé le ministère reculer celte sanglante exécution. On n'a point voulu effrayer le jury dans un procès récent. Le désir de voir une condamnation couronner les débats de ce scandaleux procès politique, a fait commettre un acte d'inhumanité sans exemple et qui prouve que les moyens immoraux ne répugnent point au gouvernement quand il s'agit d'attein dre son but. Dans notre dernier n° nous avons dit qu'une des premières places du département de la justice avait été offerte un jeune député de cet arrondissement par l'archévêque de Malines. Nouvelle preuve que ce sont les évêques qui disposent des postes les plus élevés du gouver nement. Ils tâchent d'entourer le trône de leurs familiersafin que le roi ne puisse jamais par venir connaître l'opinion publique. Nous sommes assez curieux de voir comment les organes du parti qui ne prêche que le désintéressement et l'humilité des sommités cléricales, expliqueront ce fait. Cela tend prouver que les appréhensions que nous ayons tant de fois manifestées sont loin d'être vaines et juste titre nous pouvons nous écrier Pau vre Belgique quelle humiliation l'orgueil de vos prélats vops prépare-t-elle encore On nous assure qu'une commission de la Société des beaux-arts de Bruxelles se trouve en ce moment en notre ville. Nos monuments auraient particulièrement attiré son attention. -Nous espérons que la présence de ces mes sieurs ainsi que le zèle éclairé de nos magistrats et de MMv les membres de la fabrique de l'église de S1 Martin, pourront enfin mettre la ville d'Ypres même de participer la répar tition des subsides accordés par le gouverne ment pour la restauration des anciens monu ments. Notre cathédrale a été magnifique: faute de fonds elle perd de jour en jour son caractère monumental. Durant leur séjour MM. les membres de la commission ont contribué aplanir une diffi culté qui s'était élevée entre l'administration communale et MM. les membres de l'église de S4 Nicolas, relativement l'alignement de la nouvelle Eglise. Le collège des Bourgmestre et Echevins vient de faire afficher aux endroits accoutumés, un avis tendant informer le public que les listes électorales pour le conseil provincial et le con seil communal se trouvent déposées au secré tariat de la ville, dater du Ier jusqu'au 15 avril que les listes sont soumises l'inspection du publicet que les personnes qui auraient des réclamations fairepeuvent les adresser l'administration communale jusqu'au 16 de ce mois. LA. DISTINCTION DE RACE. L'égalité absolue n'est passible que devant la loi pour le reste, elle est chimérique; les vices, les vertus, les facultés du corps et celles de l'esprit établissent entre tous les hommes de telles diffé rences, que, semblable en cela aux feuilles des arbres, pas un ne res semble l'autre et qu'on n'en pourra jamais trouver deux qui de tous poiuls sont égaux. Cette proposition si simple fut méconnue par l ancien régime, de là sa perte dans les premiers moments de sa victoire, elle fut forcément dépassée par la révolution, de là quel ques-uns de- ses excès, excès que néanmoins il était impossible d'éviteret qui sauvèrent alors le pays de la servitude et de l'invasion. Ces premiers moments passés, arriva le 9 thermidor deux partis étaient alors aux prises, dont l'un s'attacha aux moyens révolutionnaires comme indispensables et voulut prolonger ce qui ne pouvait être que passager; dont l'autre irrité des maux extra ordinaires, oublia les services rendus par cette organisation et voulut l'abolir comme atroce. Au milieu dece conflit, les émigrés; une femme, fille du banquier espagnol Cabarrus et mariée récemment ïallien, leur en faeditait le» moyens, fière devoir adouci la sévérité proconsulaire que son mari avait déployée dans la Gironde, et de l'avoir ramené des sen timents plus humains, elle voulait lui donner le rôle pacificateur. NJmc Tallien attirait donc autour d'elle tous ceux qui espéraient jeter la France dans des voies nouvelles, ou qui, fatigués de l'exil, voulaient revoir leur patrie. De ce nombre était M. le marquis de Lassay, colonel de cavalerie sous Louis XVI et émigré de 95.G était un homme de quarante-trois ans qui avait brillé TOFil-de-bœuf par sa grâce et son amabilité, et, l'armée, par ses talens militaires il avait perdu sa femme dix-huit ans auparavant et il revenait d'Angleterre avec son fils Horace de Lassay, jeune homme de vingt ans, aussi fatigué que son père de l'émigration. Ils entrèrent Paris pied et déguisés, tous deux coufians dans l'influence de Mme Tallieu laquelle ils étaient recommandés et voulant poursuivre, au péril de leur vie, leur radiation de la liste des émigrés et le recouvrement de leurs biens confisqués et peut-être vendus. Il fallut se cacher en arrivant. Ils louèrent un gatelas dans le faubourg Saint-Honoré, et Horace, dont la jeunesse éloignait tout danger et qui sa jolie figure servait de passeport, était dépêché tous les matins chez M.me Tallien. IL revenait toujours avec des nouvelles plus consolantes, le moment de la radiation approchait quelques jours encore le marquis et son fils seraient libres. XJn matin Horace rentrait comme son ordinaire, on heurta violem ment la porte du galetas et le jeune homme ouvrit. G était uue femme de trente-huit ans peu près, grasse, fraîche, potelée, une belle fermière qui entra les bras ouverts et qui les jeta au cou du jeune homme en s'éoriaut Eh parbleu,je ne me trompais pas,c'est bien lui, c'est Horace, mou fîllot.. Allons, mon garçon embrasse ta petite mère. Mais, mon Dieu c'est Mme Grégoire! dit de son côté le marquis. C'est elle-même, monsieur le marquis. La bonne fermière de notre terre de Lassay et ta mère nourrice, Horace. Toujours votre servante, monsieur le marquis, c'est-à-dire citoyen, car présent nous sommes tous égaux et les marquis lie sont plus l'ordre du jour.... Comment te portes-tu Le marquis ne cherchait pas rentrer en France pour contrarier les idées du moment; il adopta volontiers le langage républicain de la citoyenne Grégoire et comme il avait toujours la fermière son gré, ce fut avec plaisir qu 'il embrassa ses joues roses et rebondies. Tu dois savoir, Madeleine, lui dit-il, en l'appelant par son prénom, que je tutois volontiers les jolies femmes et que je suis heureux de m entendre tutoyer par elles... parlons donc de les allaites comme d'anciens amis... Mais mon Dieu ajouta-il en se reprenant, que tu es belle, Madeleine te voilà pat ée comme une

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Le Progrès (1841-1914) | 1842 | | pagina 1