JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2e ANNEE. N° 106.
JEUDI, 5 MAI 1842.
INTERIEUR,
FEUILLETON.
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YPRES, le 4 Niai.
LA RÉFORME ÉLECTORALE.
Une question vitale pour les cités vient d'être
récemment agitée la chambre des représen
tants; nous voulons parler de la réforme élec
torale. Le ministre de l'intérieur demandait la
mise l'ordre du jour des projets de loi relatifs
l'organisation communale. Quelques orateurs
ont prétendu que le rapport sur les pétitions
tendant obtenir la revision de la loi électorale
dataitde 1835 et que, par conséquent, il méri
tait la priorité sur les projets qui doivent ravir
aux communes leurs franchises. Rien n'y a fait,
la chambre s'est empressée de se rallier l'avis
du ministre et loin de vouloir redresser un
grief dont de nombreuses pétitions ont indiqué
l'existence, on s'empresse de mettre l'ordre du
jour un projet de loi qui sera un grief de plus,
si on l'adopte, contre le parti qui domine la
chambre et le pays.
L'inégalité du cens exigé des électeurs des
villes et des campagnes place les cités dans une
telle condition d'infériorité, qu'excepté quel
ques grandes villes, les intérêts politiques et
matériels des autres ne sont point représentés
au palais national. Le parti clérical, dans le but
de diriger les élections et d'exécuter ses projets
de domination, a cru voir un auxiliaire puissant
dans les campagnes. L'expérience ne l'a point
trompé et, sauf quelques exceptions,les membres
de la représentation nationale ne sont nulle
ment les élus de la majorité éclairée de la nation,
mais bien des sommités cléricales.
Cependant, il est de principe que dans tout
gouvernement constitutionnel la majorité in
culte et ignare ne doit point avoir la prépon
dérance en influence politique. Il faut ou
égalité de cens comme en Angleterre, ou un
cens élevé comme en France ce n'est qu'ici
qu'on s'est imaginépour fausser le gouverne
ment constitutionnel dans l'intérêt d'un parti,
privilégier la partie la moins éclairée de la
ion.
de
nation
Pour soutenir ce système, le parti clérical
prétend que les campagnes ont le droit de voter
comme les villes, ce qui n'est point contesté; et
qu'avec le cens actuel les villes donnent encore
plus d'électeurs que les campagnes eu égard
la population. Mais les habitants des campagnes
étant plus nombreux, les électeurs, sous l'in
fluence directe de* membres du clergé, sont en
majorité et par conséquent les évêques envoient
directement ou peu s'eh faut leurs créatures
la représentation nationale.
Faut-il s'étonner d'après cela que le parti
catholique-politique défende avec autant d'a
charnement la loi qui lui assure la domination
du pays. Aussi le rapport de M. Dechamps sur
les pétitions conclut-il dédaigneusement l'or
dre du jour.
Ce n'est point seulement en matière d'élection
que les villes sont lésées dans leurs intérêts les
plus chers. En toute matière le fardeau des char
ges publiques qui leur incombe est rendu plus
lourd pour dégrèver les campagnes. La loi du
domicile de secours de 1818 vient enfin d'être
interprétée, après une multitude de décisions
contradictoires, tout au désavantage des villes.
Non seulement on leur dénie toute influence
politique, mais encore on désire ruiner leurs
finances en augmentant les charges déjà si éle
vées des secours publics.
Les projets de loi portant modifications
l'organisation communale sont destinés met
tre le sceau cette persécution des villes au
profil des campagnes. Si la majorité de la cham
bre des représentants n'était point animée d'un
esprit de réaction aussi violent contre les libertés
publiques, on pourrait encore espérer de voir
améliorer la position politique des cités. Mais
pour qui connaît les tendances de la majorité
de la chambre des représentants, nul doute que
les libertés communales ne soient sacrifiées
l'envie qui agite le parti clérical de. réduire les
cités l'impuissance politique.
Montieur l'Éditeur du Progrès,
L'habitude cordialement dégoûtante, contractée
par les laitières de ces contrées, de colporter le lait
de rue en rue et de porte en porte, dans des seaux
découverts contrairement aux usages adoptés
et jugés'de rigueur partout ailleurs, non dans:
l'esprit d'une coquetterie raffinée, mais-bien dans
l'intérêt de la santé publique, semblé mériter l'at
tention de nos magistrats communaux, Une pareille
inobservance des lois hygiéniques pourrait exercer
une fâcheuse influence sur les Consommateurs, par
les corpuscules délétères qui peuvent se trouver en
suspension dans la poussière soulevée, tels que
chaux, cuivre, arsenic même, provenant du balaya
ge soit des ateliers, soit des boutiques où de telles
substances sont manipulées.
Nou3 espérons que l'autorité de notre ville ne
lira pas ces observations avec indifférence, veuillez
donc, monsieur le rédacteur, en accorder l'insertion
dans votre journal.
Ypres, le 50 avril 1842.
Un Habitant.
Il est bon d'observer, en passant, que ces seaux serveut quelque
fois d'autres usages, que le bois s'imprègne et peut transmettre les
propriétés moléculairesquelque soit la nature des substances
absorbées.
Aux Chambres Législatives.
Messieurs,
Sous la date du 7 février i84i, les soussignés ont
eu l'honneur de vous présenter une requête dans le
but d'obtenir une loi contre la libre sortie des lins.
En même temps ils vous ont fait hommage d'un
Recueil de lettres sur l'industrie linière, auquel ont
adhéré un grand nombre de notabilités administra
tives, ecclésiastiques et commerçantes de divers
points des Flandres.
Il importe, Messieurs, que vous ayez connaissance
de ces adhésions.
Quelque soit la controverse dont a été l'objet la
question de la sortie des lins, on ne saurait plus nier
l'existence d'une majorité imposante dans le pays
en faveur du système restrictif.
LE MARECHAL DUC DE RAGCSE.
Il va paraître Paris une histoire de la période décennale de
1830 1840; par M. Louis Blanc. Nous reproduisons ci-dessus,
d'après un journal français, un fragment d&j'introduotion l'Histoire
de dix ans, dans lequel la défection du duc de Raguse est présentée
sous un jour tout fait nouveau.
Napoléon était Fontainebleau, rêvant encore aux moyens de
conjurer un dernier malheur, quand le prince de Tarenle lui mon
tra une lettre qu'il venait de recevoir décachetée. Elle était du
général Bournouville, membre du gouvernement provisoire. Remise
d'abord au duc de Raguse, qui l'avait lue, elle contenait de vifs en
couragements la défection. A la lecture de cette lettre Napoléon
sentit redoubler son découragement. On lui parla d'abdiquer eu
faveur de sou fils sans que l'orgueil de son âme en parut trop pro
fondément blessé. L'immensité de son infortune l'avait étourdilui
que son élévation fabuleuse n'avait pas même étonné. Il rédigea cet
acte conditionnel d abdication, qui est resté gravé dans toute mé
moire; et pour discuter les intérêts de son fils, pour négocier une
moitié de déohéance, il désigna le maréchal NeyCaulaiucourt et
le duc de Raguse. Puis, se ravisant tout-à-coup. Marmontdit-il,
est mieux placé Essonne, comme soldatqu'à Paris comme négo
ciateur. Il connaît les lieux qu'il reste l'avant-garde. Et
Macdonald fut nommé la place de Marmont.
Le duc de Raguse, cependaut, avait reçu de Paris un message
funeste. Se promenant dans un jardin, Essonne, avec le colonel
Fabvier, il lui demanda ce qu'il pensait des tentatives commencées.
«Je pense, répondit le colonel en montrant un arbre planté au
milieu du jardinqu'en temps ordinaire il faudrait pendre là le
message. Mais ces sentiments n'étaient pas ceux qui animaient
l'âme des chefs.
Les trois négociateurs désignés par Napoléon passèrent par Es
sonne en se rendant Paris. Us allèrent voir le duc de Raguse et lui
apprirent l'objet de leur mission. Marmont fut ému jusqu'au fond du
cœur; la confiance que l'empereur avait en lui l'accablait comme un
remords. 11 avoua qu'il avait ouvert l'oreille aux propositions de
SchwarUemberg qu'ensuite il ayait rassemblé ses généraux qu'il
les avait consultés sur les ouvertures des alliés et que d'après leur
avis, il s'était résolu donner l ordre d'un mouvement sur Versailles.
Mais, ajouta-t-il avec un accent passionné, puisque vous êtes
chargés des intérêts du roi de Rome, je me joins vous et j'arrête
le mouvement sur Versailles. Il donna contre-ordre, et, en effet,
monta dans la voiture qui transportait Paris les commissaires.
Après une station assez courte au château du Petit-Bourg où
s'était installé le prinoe de Wurtemberg qui commandait l'avant-
garde ennemieils arrivèrent dans ces salons dorés de la rue
St.-Florentinthéâtre de tant de bassesses. Les négociateurs plai
dèrent la cause du fils de Napoléon. Mais M. de Talleyrand s'était
déjà compromis en faveur de Louis XVIII; il mit en jeupour faire
échouer la négociationtoutes les ressources de l'intrigue.
L'heure fatale allait sonner pour l'empire Alexandre se résolut
enfin les prononcer, ces paroles qui allaient commencer l'agonie de
Napoléon et la sienne. Il avait peine fini de parler que la porte de
l'appartement s'ouvrit un officier russe parut et dit, en accompagnant
sa voix d'un geste expressif Toium. On ne devait que trop con
naître le sens de ce mot mystérieux. Car voici ce qui s'était passé a
Essonne depuis le départ de Marmont.