JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2e ANNÉE. N° 108.
tJEUDI, 12 MAI 1842.
Feuilleton du Progrès.
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IATERIEIR.
YPRES, le II ITIai.
Dans un de nos précédents Nos, nous avons
annoncé nos lecteurs, que l'administration
communale avait chargé un architecte, membre
de la commission de la société royale des
beaux-arts, de dresser les plans du nouveau
Palais de Justice.
Ces plans, que l'on considérait comme une
chimère, viennent, dit-on, d'arriver et auraient
obtenu l'approbation de toutes les personnes
qui les ont examinés. Les bâtiments de l'ancien
Palais Episcopal seraient d'une grandeur suffi
sante pour fournir tous les locaux nécessaires
un tribunal de première instanceet les devis
qui les accompagnent seraient loin de s élever
la somme que l'exagération et l'esprit de parti
avaient fixée, sans connaissance de cause.
En répondant des mots par des faits, l'admi
nistration communale posera, espérons-le, un
argument sans répliqué. D'ici peu delempson
appréciera les améliorations que la ville d'Ypres
doit l'administration libérale qui la régit, et
la coterie qui cherche lui faire opposition en
tout et pour tout, rougira des vaines déclama
tions et des insinuations ridicules dont elle s'est
rendu coupable.
Nous ne pouvons trop engager nos magistrats
persévérer dans leurs projets primitifs en
mettant au plutôt la main l'œuvre; en con
struisant un Palais de Justice, ils prouveront
leurs adversaires qu'ils ne sont pas des
DÉMOLISSEURS.
C'est dimanche prochain que doit avoir lieu
l'inauguration solennelle du nouveau parc.
Les musiques de la ville et des deux régiments
qui y sont en garnison contribueront embellir
la fête qui doit célébrer cet heureux événement.
Depuis plusieurs jours les répétitions ont lieu
!'hôtel-de-ville.
Ces trois musiques réunies composeront un
orchestre de 80 musiciens au moins et quelques
personnes qui ont assisté aux répétitions assu
rent que les morceaux qui sont exécutés avec
un ensemble parfait produisent un effet mer
veilleux. L'orchestre sera dirigé par notre habile
maître, Mr Keyser, le doyen des chefs d'orchestre.
L'on avait dressé, il y a quelques jours, au
centre du nouveau jardin un pavillon destiné
abriter MM. les musiciens contre les rayons du
$oleil on vient de l'enlever et l'on a fort bien
fait, nous semble-t-il. Placé au point central
où tous les grands chemins viennent se joindre,
cette construction, peu élégante d'ailleurs, ne
pouvait manquer de rétrécir singulièrement la
vue.
Il nous paraît que l'on obvierait cet incon
vénient, en construisant un pavillon sur la
hauteur qui se trouve l'est du jardin.
Le bâtiment informe placé contre le mur
du côté du Marché au bois est, dit-on, destiné
devenir un joli café. Cet établissement agréable
aux promeneurs sera d un certain produit pour
la ville, car les locataires ne manqueront pas,
surtoutsi l'on ne tarde pas l'approprier sa
destination nouvelle.
La société de Guillaume Tell vient d'adopter
un nouveau costume. Cet uniforme élégant et
coquet fait honneur au bon goût de messieurs
les président et membres de la société, nous
sommes convaincus qu'aucune société rivale
n'osera désormais lui disputer la médaille de
belle tenue.
Le 7 dr, une femme qui avait quitté son mari,
par suite de disputesa été arrêtée en flagrant
délit de vol d'une couverture de laine, etc.,
commis chez Gillebert-Samyn, boutiquer, rue
de Dixmude.
Trois jeunes gens, dont le plus âgé n'a que
19 ans, viennent d'être arrêtés le même jour et
écroués dans la maison d'arrêt, prévenus
d'attentat la pudeur commis sur une femme
mariée habitant le village de Moorslede.
Ce crime a été suivi de vol commis par les
mêmes individus au préjudice de celte personne.
Les libéraux de Verviers se sont réunis en
assemblée préparatoire sous la, présidence de
M. Lys, représentant. Il y aura assemblée gé
nérale le la pour arrêter les bases d'une asso
ciation constitutionnelle.
On lit dans la correspondance bruxelloise du
Précurseur
M. Nothomb n'est pas certain d'obtenir la
modification qu'il demande la loi communale.
11 use de moyens incroyables pour vaincre les
difficultés. Ce qu'il a dépensé de mots demi-
voix et dits l'oreille ne saurait se calculer. Il se
fait borgne avec les aveugles pour leur promet
tre des nominations selon leur cœur il se fait
boiteux la Talleyrand avec les libéraux tièdes
pour faire chatoyer leurs yeux la belle arme
qu'il leur aiguise pour l'avenir. Il sort de sa
poche droite un coin de bonnet de la liberté,
et un bout de goupillon de sa poche gauche.
Mais la majorité, quelque mauvaise qu'elle soit,
ne se laissera peut-être pas prendre ce sic vos
non vobisécrit des deux côtés du drapeau
ministériel, et le machiavélisme en sera pour
ses frais, vu sa naïveté.
Le roi, de retour depuis trois jours, aurait
peu ménagé, dit-on, ses reproches au cabinet
tout entier et notamment MM. Desmaisières
et Van Volxem, qui n'ont pas suffisamment
couvert sa couronne. Il paraît que la renommée
a transporté jusqu'à Paris le mot simple et
profond de M. Van Volxem, l'espèce de: 1Mon
sieur ri y est pasqu il a lancé de son banc
SŒUR THÉRÈSE DE LA CHARITÉ.
NOUVELLE. {Suite et fin.)
II.
I.a matinée était très-avancée, lorsque Réginald se réveilla. Le
sommeil avait ranimé ses forces et son esprit. Il se leva, plein de
sauté et de bonnes dispositions. Mais son étonnement fut grand
lorsqu'il vit sur une chaise, au pied du lit, ses haillons de la veille,
remplacés par des habits très-propres, bien que peu élégants j il s'en
revêtit tout joyeux.
Sa surprise redoubla quand il trouva, sur la table, un petit rouleau
contenant soixante-dix francs en monnaie, et un billet conçu
f»eu-près en ces termes
Après mille réflexions sur les moyens d'assurer votre avenir,
voici le projet auquel je me suis arrêtée.
Reprenez vos études avec courage et persévérance, tout me dit que
vous parviendrez. L'argent que je vous abandonne est le seul que
je possède, mais vous pouvez en disposer sans scrupule et sans crainte;
mon travail suffit tous mes besoins et au-delà, puisqu'il nie procure
encore le plaisir de subvenir aux vôtres. Désormais celte demeure
vous appartient,je n'y mets qu'une seule condition c'est que vous
ne chercherez jamais me voir; vous comprendrez assez les motifs
qui me dictent cette condition. Cependant j'habiterai encore cette
maison, où mon plus grand soin sera de veiller sur vous. Si, ce que
je n'ose prévoir, les jours de malheur renaissaient, ne perdez pas
courage, Dieu et Thérèse ne vous abandonneront pas.
Noble fille! s'écria Réginald, en pressant contre ses lèvres cet
écrit si naïf, si simple, dicté pourtant par une pensée si sublime;
non, ton espoir ne sera pas trompé, et le misérable, que tu retires
aujourd'hui d'un abaissement honteux, récompensera dignement
un jour, ton saint dévouement.
Dès ce même jour il se livra au travail avec un zèle admirable.
Il suivit les cours de l'école de médecine avec une assiduité, et un
succès qui le firent remarquer par ses professeurs. Le premier
l'amphithéâtre, il en sortait toujours le dernier. L'un des membres
de la faculté, Mr Doussais, auquel ses occupations nombreuses ne
laissaient pas le temps de copier ses volumineux manuscrits, en
chargea Réginald et le récompensa largement.
Thérèse qui suivait pas pas les progrès du jeune homme, s'inté
ressait lui davantage chaque jour. Sa sollicitude inquiète s'alarma
plus d'une fois de l'ardeur studieuse de son protégé, et souvent celui-ci
trouvait sur ses livres des avis et des conseils qu il ne songeait pas
suivre, tourmenté qu'il était par l'ambition et la nécessité de parvenir.
Le moment approchait où un brillant succès allait récompenser
la conduite, et les travaux de Régiuald. Déjà il avait reçu la pro
messe positive d'entrer comme élève interne l'Hôtel-Dieu. 11
devait se trouver ainsi l'abri du besoin. Mais depuis longtems les
veilles et les privations de tout genre, qu'il s'imposait, avaient
affaibli sa santé, et les symptômes d'une fièvre cérébrale violente, se
déclarèrent chez lui. Son état s'empira chaque jour et bientôt, en
proie au délire, il ne reconnut plus ni le lieu où il se trouvait, ni ceux
qui l'environnaient.
Thérèse ne l'abandonna pas. Elle lui prodiguait les soins les plus
minutieux, el veillait sans cesse auprès de son malade. Mais hélas!
ses faibles ressources s'épuisèrent aussi. Poussant l'exoès le dévoue
ment dont elle avait jusqu'alors donné des preuves si éclatantes, elle
vendit tout ce qu'elle possédait. Sacrifices inutiles Malgré son ardent
désir de veiller sur Réginald, elle fut enfin forcée d'avoir recours
la ressource ordinaire des pauvres, l'hôpital. Régiuald fut admis
l'Hôtel-Dieu.
Ainsi dans ce même asile dont il avait espéré devenir l'un des
Dieux tutélaires, il entra comme un pauvre malade, recommandé
la charité publique. Étrange vicissitude des destinées humaines!
III.
Un mois après, grâces aux soins dont il avait été entouré et la
vigueur de sa constitution, Régiuald fut déclaré hors de danger.
Il reprit lentement l'usage de ses esprits.
Un matin, en sortant d'un long assoupissement, il se trouva sous