JOURNAL D'ÏPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2e ANNÉE. - N° 110.
JEUDI, 19 MAI 1842.
INTERIEUR.
FEUILLETON.
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YPRES, le 18
CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS.
La discussion des projets de loi modifiant la
loi communale continue toujours. Mais il ne
s'agit plus seulement de la nomination des
bourgmestresmais bien de la charte toute
entière des communes. Des amendements de
toute espèce ont été renvoyés la section cen
trale. Presque tous ont pour but de restreindre
davantage les franchises communales.
M. De Theux a proposé de diviser le collège
électoral en sections et par quartiers. Si on
adopte cette nouvelle disposition, il sera impos
sible de composer un conseil communal qui
agisse dans l intérêt général de tous les citoyens.
La ville divisée maintenant comme le pays en
deux camps, le sera alors en autant de parties
qu ily aura de quartiers ayant des intérêts diffé
rents de ceux de la majorité des habitants.
Un seul orateur du parti clérical a pris la
parole pour venir en aide au ministère. C'est le
noble comte de Mérode, qui, sans trop se gêner,
a appelé la constitution actuelle des communes
gâchis communal. L'honorable membre a voulu
prouver l'aide de l'arithmétique que la majo
rité doit être dominée par la minorité; que des
gens comme lui, et ses alliés les évêques, risquent
beaucoup de perdre toute influence sur les
destinées du pays, si on ne se hâte de rentrer
dans ce que 1 honorable comte appelle les vrais
principes constitutionnels. Par là il entend sans
doute la réaction qui s'opère contre les libertés
et les garanties, qu'en 1830, le noble comte
trouvait très-utile de donner au pays.
Nous n'attendions pas moins du noble comte
de Mérode. Il se souvient toujours de la der
nière lutte électorale. Une voix de moins et
celui qui n'est revenu en Belgique que pour
établir sous le manteau du libéralismela do
mination cléricale et aristocratique se trouvait
exclu de la représentation nationale. Un grand
collège électoral s'était presque chargé d'avance
de lui prouver que ce qu'il présente comme les
vrais principes constitutionnels ne sont nulle
ment admis comme tels par ses concitoyens.
Nos lecteurs qui ont lu les détails donnés
sur l'incendie de la ville de Hambourg, se sont
demandé sans doute quel a été la cause de ce
grand sinistre. Les opinions des journaux sont
si divergentes que la question pourrait paraître
difficile résoudre.
Le Nouvelliste a tranché le nœud gordien et
dans un article de trois colonnes, il a exactement
indiqué les causes de ce déplorable événement.
L'on pourrait croire que le feu a pris un
magasin et s'est communiqué de proche en
proche c'est une erreur Les Hambourgeois,
dit notre dévot confrère, ne reconnaissent qu'un
seul Dieu, et ce Dieu c'est l'or. Les sacrifices
offerts sur l'autel de œtte divinité ont allumé
l'incendie de Hambourg.
A l'appui de son opinion le béat journal a
puisé dans les dictionnaires géographiques la
description des désastres de la Gualimala, de
Messine, de Lisbonne, cités riches et luxurieuses.
C'est ainsi qu'une partie de la ville de Messine,
que l'on avait cru jusqu'ici avoir été engloutie
par le débordement de la mer, a été engloutie
par le débordement des passions et que Lis
bonne qu'on avait supposée renversée par un
tremblement de terre a disparu dans l'abîme
creusé par l'impiété de ses habitans.
Le Nouvelliste a oublié de parler de Sodome
etGomorrhe, de Babylone et Ninive ainsi que du
festin de Balthasar nous réparons cet oubli.
L'on dirait en vérité, que notre confrère a
puisé son article dans les colonnes d'un journal
français, le Drapeau blanc, décédé en 1830, ou
bien qu'il l'a emprunté la Quotidienne qui,
d'après le pronostic d'un Mathieu Laensberg du
Berry, a prédit que Paris, cette nouvelle Ninive,
serait couverte en l'an de grâce 1840, d'une
calotte de feu. En 1840 les parisiens ont
criés bien des fois bas la calotte; et cependant
Paris existe encore.
Le Nouvelliste commence son article par une
précaution oratoire. Cette figure était fort
nécessaire, car il lui eut été difficile d'expliquer
les causes de l'incendie des cathédrales de
Bruges et de Chartres, etc., etc.
L'article du confrère est une charmante
parodie de la chanson de Béranger: Mandement
des vicaires-généraux de Pari8, et qui a pour
refrain
C'est la faute dç Rousseau,
C'est la fauté de Voltaire.
L'administration locale fera continuer celte
année les travaux de restauration de la halle,
commencés depuis deux ans. La galerie sera
entièrement restaurée jusqu'à la tour. Déjà l'on
dresse les échafaudages.
Depuis longtemps lesdeuxdemi-tourejles qui se
trouvent au haut de la tour de l'église de S'Martin
menaçaient ruine; le conseil de fabrique les a
fait abattre; mais loin d'imiter les précédentes
administrations, elle les fera reconstruire telles
qu'elles étaient primitivement.
C'est en conservant nos beaux monuments
publics leur style et leur caractère original, que
nos administrateurs mériteront la reconnais-
sauce de leurs contemporains et de la postérité.
Lundi 16 de ce mois a eu lieu la société de
l'Union le tirage au roi. L'oiseau placé sur le
but et qu'il fallait abattre avec une flèche
pointuene présentait pas un centimètre de
prise.
M. Nagels père a abattu cet oiseau il a été
proclamé roi et décoré immédiatement de la
médaille, insigne de sa royauté nouvelle.
Notre nouveau jardin public, notre parc, a été
inauguré dimanche 13 de ce mois. Le concert
donné par les trois musiques réunies a produit
le plus grand effet. La foule qui assistait cette
CASIMIR PERIER. {Suite.)
Casimir Périer, ainsi que beaucoup d'hommes illustres, ressem
blait au Félix de Polyeuctequi a desmouvemens généreux, qui en
a de pitoyablesquien a de basIl avait contre M. Laflitte une de ces
haines de rivalité, sans retenue et sans lumières, qui faisait gémir
dans un tel homme, et qu'on ne saurait comparer qu'à l'inimitié d'un
épicier pour le voisin, son confrère, dont la boutique est plus
achalandée que la sienne. Cette préoccupation était si forte en lui,
qu'elle s'emparait de son esprit tout moment, en toute circonstance,
et qu'il se sentit presque l'aise quand, après la révolution de juillet,
la marche des opinions les ayant jetés dans deux camps opposés, il
put ouvertement combattre son adversaire et se réjouir de ses em
barras politiques et financiers. Enfin, rien n'égala sa joie, lorsqu'il
crut pouvoir l'humilier par sa générosité, en votant, en qualité de
membre du conseil de la Banque, un secours de quelques millions
M. Laflitte. Ses familiers le virent rentrer ce jour-là avec une de
ces mines radieuses qu'on ne lui voyait plus depuis longtemps, et il
s'écria plusieurs fois, en se frottant les mains: La révolution l'a
ruiné, et moi je suis debout, plus solide que jamais!
La maladie de M. Périer, sa toux et sa faiblesse, copiées de Sixte-
Quint, lui revinrent vers le commencement du ministère Laflitte,
et plus les embarras de ce ministère croissaient, plus on parlait de
M. Périer et de la nécessité de lui faire accepter un portefeuille pour
rétablir l'ordre et le crédit, plus les souffrances de M. Périer et son
incapacité physique augmentaient. On le voyait au Palais-Royal,
dans les cercles, la Chambre mais il se disait hors d'état de parler
et d'écrire, impuissant réparer le mal et le désordre qu'il voyait
grossir, je ne dirai pas avec joie, mais avec ce sentiment d'affection
personnelle, un peu parent de celui que Larochefoucauld a défini
en disant qu'il y a dans le malheur de nos amis quelque chose qui ne
nous déplaît pas. Pendant ce temps, les partisans de Périer publiaient
son de trompe que tout autre ministère que le sien était impossible;
lui, au contraire, disant chaque jour, que rien n'était moins possible
que de tenir les rênes d'un état en désordre avec des mains affaiblies
et tremblantes, et se montrant maladif ou convalescent tour-à-tour,
selon qu'on lui offrait la présidence du oonseil ou simplement un
portefeuille, la correspondance diplomatique sans contrôle, les télé
graphes, en un mot le pouvoir avec ou sans condition. Il savait
(Benjamin Constant, qui a pu déjà l'observer avant que de mourir,
et dout le désespoir n'était peut-être pas motivé sur autre chose, le lui
avait fait voir clairement), il savait que M. Laflitte et le ministère
débile qui l'avait précédé, avaient péri en cédant de hautes
volontés, en se soumettant exécuter un autre système que le leur,
et en se laissant tirailler de droite et de gauche par des iuilueuces
opposées. Poussé bout par les instances qu'on lui faisait d'accepter
le ministère, iustauces qu'il avait soin de provoquer, il fit alors ses
conditions d'une manière assez rude, et comme on n'avait pas le
choix des hommes en ce moment, ces conditions furent acceptées.
Dès lors Casimir Périer se trouva réellement maître absolu des
affaires.
Elles étaient effrayantes, les affaires! Aucune question importante
n'était résolue. Les finauces, livrées M. Thiers, premier commis
sous M. Laflitte, que les embarras de la présidence absorbaient tout
entier; les Gnanccs, déjà fort difficiles conduire, servaient alors
d'apprentissage ce jeune novice en administration. Le service du
trésor n'était pas assuré pour quatorze jours quand le baron I.ouis
reprit la haute direction des fonds publics La question belge, la