JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2e ANNÉE. N° Hl.
DIMANCHE, 22 MAI 1842.
INTERIEUR.
FEUILLETON.
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YPRES, le 21 Mai.
Les journaux du haut clergé jettent feu -et
flamme contre les efforts que font partout les
libéraux pour contrarier les tendances et les
prétentions surannées. Cela s'explique parfai
tement. Rien ne peine plus les hommes qui
la découverte de la vérité serait nuisible, que
de voir la lumière pénétrer par tout et para
lyser ainsi leurs tentatives contre le bien.
Car la presse ne peut assez le dire et le répé
ter le libéralisme c'est le maintien de nos
libertés, c'est la vénération pour la religion,
c'est le bien-être pour le peuple et son admission
aux affaires et aux emplois du pays. C'est in
struction sans condition. L'opposition cléricale
au contraire qui n'est en majorité dans notre
Chambre que pareeque le gouvernement la
soutient et l'appuie, que pareequ'il s'entend
avec elle et les débris d une noblesse d'autrefois,
l'opposition cléricale c'est le retrait successif
de ces libertés, c'est la spéculation sur le bigo-
tisme, c'est le désir de faire reculer tous ceux
qui ne doivent pas manger une part du budget
pour mieux les exploiter. C'est l'éducation des
ignorantius appliquée aux populations des
campagnespour les abrutir et les rendre
systématiquement impuissants aux choses intel
ligentes.
Les hommes progressifs ne défendent donc
pas seulement leur propre cause, mais la cause
du peupleet comme parmi nos populations
belges ses idées religieuses sont heureusement
générales, ils défendent avant tout ces idées,
parce qu'elles sont et seront toujours la conso
lation des classes laborieuses. Les hommes
progressifs tendent la main tout ce qui peut
sortir de ces classes pour les aider et les pousser
dans les roules de l'avenir. Les hommes les
plus remarquables de la Belgique sont sortis
des rangs du peuple élevé l'école du progrès.'
Les hommes du haut clergéne défendent
rien que leurs préjugés, que les ténèbres qui
empêchent le peuple de lire dans leurs cartes.
Ils veulent en faire un instrument qui obéit
aveuglement et qui paie bien. La main-morte
était un premier pas. Le reste viendrait ensuite,
si on les laissait commencer, par la confiscation
des libertés communales.
Peuple belgepeuple réputé pour ton bon
senschoisis
Pour apprécier ce que la situation actuelle
présente de grave et de menaçant pour les
institutions et l'indépendance de la Belgique, il
suffit de jeter les yeux sur la conduite des
organes du parti clérical, et de remarquer le
caractère de leur polémique.
La liberté de la presse n'est pour eux qu'un
instrument qui sert pallier les projets de nos
prélats et égarer l'opinion publique sur les
périls qui entourent nos institutions.
Les moyens les plus odieux ne sont point
négligés. La calomnie, l'hypocrisie leur parais
sent des utiles auxiliaires. Ils insultent au boa
sens du pays. La Nation Belge, en 1830, ne
pouvait être dotée d'une liberté assez étendue.
Maintenant qu'elle en fait un usage qui ne plaît
plus ceux qui veulent l'asservir, les journaux
du clergé la déclarent incapable d'en user, sans
mettre en danger la chose publique.
Ou veut lui ravir ses libertés, et pour attein
dre ce but toutes les mauvaises passions sont
exploitées. Aux yeux du clergé la fin, de tout
temps, n'a-t-elle pas justifié les moyens?
Quelles sont donc les causes de celle immo
ralité chez un parti qui se pique d'être si
CASIMIR PERIER. (Suite.)
Extérieurement, Casimir Périer semblait plus indépendant et
plus puissant que jamais. A lui réellement, son ascendant appar
tenait la majorité de la Chambre la Bourse ne jurait que par lui;
sa personne et son amour furieux d'ordre et de repos avaient rap
proché du gouvernement les banquiers étrangers, et surtout Roth
schild, que sous le ministère précédent on avait trouvé très-mal
disposé et très-difficile. Ainsi tout pliait en appaiepce devant
Casimir Périer, avec un respect et une soumission dont on n'avait
pas vu l'exemple depuis la chute de l'empire. Après le danger qu'il
avait couru au milieu d'une émeute sur la place Vendôme, il avait
nommé un commissaire de police, chargé pour toutes fonctions de
veiller sa personne. C'était un grand et beau jeune homme, connu
par sa résolution et son audace il était de Grenoble, et se nommait
Marut de I.ombre. 11 passait tout le jour dans l'antichambre du
président du conseil, examinant avec soin ceux qui se rendaient
son audience; et dès que le ministre sortait, il montait dans un
cabriolet toujours attelé, et s élançait sur les traces de la voiture. Sa
surveillance était si rigoureuse, qu il le suivait jusque dans l'en
ceinte de la Chambre; mais il en fut bientôt chassé, la demande
d'un député de l'opposition. D'autres agens de police, en assez
grand nombre, veillaient aussi sur cette précieuse vie, indépendam
ment de cet acolyte; et il fut même sérieusement question de leur
adjoindre un escadron de la garde municipale.
On s'étonnera moins que Casimir Périer pût concevoir cette
idée de garde prétoriennelorsqu'on saura qu'on avait poussé
si loin la llatlerie dans son intérieur, que la petite horde doctrinaire
qui avait planté ses tentes autour de lui, le nommait hautement
devant lui le -premier consul. Tout était sur ce ton même hors de
sa présence, il était de consigne de le louer avec emphase. Il y a
plus c'est qu'après sa mort, les doctrinaires, qui ne sont peut-être
pas fâchés de l'avoir vu si tôt passer parmi les dieux, les doctrinaires
ne tarirent pas sur la grandeur et la noblesse de ce caractère, dont
le bon côté leur a échappé, je crois. 11 n'y a pas longtemps encore,
j'entendais M. Cousin le comparer Napoléon, et jurer que, dans sa
pensée, c'était le seul homme vraiment remarquable qui se fut pré
senté en Europe depuis la chute du colosse. M. Thiers, présent
ce panégyrique, applaudissait des deux mains. JNous étions douze
dans le salon, et je me demaudais, comme don Bazile Qui
trompe t-on ici
XJne conversation, ou plutôt une discussion que le président du
conseil eut avec l'ambassadeur russe, qui se plaisait exciter sa bile
pour lui arraoher ses pensées secrètes qu'il ne savait plus contenir
alors, dissipa totalement les illusions de Casimir Périer. Quelques
scrupuleux Cette conduite est utile et néces
saire l'exécution de ses projets.
Le clergé émancipé en 1830, trouva la société
sans défense contre ses empiétements. Profon
dément versés dans l'art d'employer ces armes
dangereuses qui sont particulières leur ordre,
et engagés par un premier succès, nos prélats
conçurent Iç projet, non-seulement de dégager
leur action religieuse de toute entrave, mais de
se réserver la haute main sur le. gouvernement
du pays.
Un système d'envahissement fut habilement
organisé pour mettre ce plan en exécution. Le
clergé travailla dans l'ombre sans relâche, et
ses empiétements continuspour n'être point
remarqués n'en furent que plus assurés.
Bientôt le pouvoir que les évêques s'étaient
acquis dans le gouvernement de l'état ne leur
suffit plus. Les attaques des journaux cléricaux
contre les lois fondamentales firent prévoir une
réaction. Elle ne se fit pas attendre.
Onze années seulement ont suffi au clergé
pour conquérir une prépondérance marquée
sur tous les pouvoirs de l'état. Mais c'est
l'entier asservissement de la Belgique qu'il
poursuit. Ce sont les lois organiques qu'il pré
tend changer au gré de ses passions. Nous en
sommés arrivés au point de nous trouver forcés
d'entrer en lutte ouverte avec une faction, pour
le maintien de celle de nos libertés qu'aucun
souverain étranger n'a osé nous enlever.
Cependant il est temps encore de résister
ces projets liberticides. Qu'on songe donc quel
serait l'avenir de la Belgique, si la faction
cléricale parvenait l'accomplissement de ses
desseins. Notre patrie n'existerait pluscar
ceux qui veulent nous opprimer n'ont d'autre
patrie que Rome. Là se trouve leur véritable
souverain. Il deviendrait le notre. Les intérêts
mots, lâchés certainement dessein, lui révélèrent qu'on avait des
raisons pour ne pas regarder sa parole comme définitive, et que sa
colère et ses menaces n'étaient que des démonstrations vaines. 11
sut bientôt ce qu'il ignorait seul encore, il démêla la source des
obstacles qu'il trouvait partout, et un abattement profond succéda
cette ardeur qui le faisait se jeter au-devant de sts ennemis de
toute espèce. Cet abattement était si visible, qu'il fallut bien lui
trouver une cause, et son entourage publia que les attaques violentes
de la presse, les calomnies et les injures d'un certain parti, exci
taient en lui cette amertume allégation la plus fausse, car Périer
faisait profession de inépri.-er les clameurs des journaux, et elles ne
lui causaient que de la colère et une émotion de rage peut-être
nécessaire son tempérament. Du reste, il se confia peu ses par
tisans doctrinaires, qu'il soupçonnait en secret de participer au
gouvernement occulte du château; mais son découragement aug
menta chaque jour, et il était arrivé son plus haut degré au
moment où il tomba si gravement malade. Alors il avait déjà
courbé sa tête sous la nécessité. Cet homme si impérieux, si jaloux
de restaurer les droits et les prérogatives d'un premier ministre
responsable, qui avait chicané si longtemps avant que d'entrer au
ministère, qui, le jour de 1 ouverture des Chambres, suivait sur un
papier le discours que lisait le roi, afin de bien s assurer que rien
n'avait été changé dans la rédaction arrêtée au conseil, cet homme