JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2e ANNÉE. N° 112.
JEUDI, 26 MAI 1842.
FEUILLETON.
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IIVTEBIEIJB.
YPBESle 25; liai.
OPINION DES JOURNAUX
SUR LES PROJETS OE LOI MODIFIANT L'ORGANISATION
COMMUNALE.
Le pays commence comprendre où le parti
clérical veut le conduire. Tous les journaux
indépendants combattent avec fermeté l'esprit
de réaction qui menace de détruire nos libertés
communales.
Les journaux cléricaux et ministériels osent
seuls approuver la marche contre-révolution
naire du ministère. Nous donnons ici l'opinion
de quelques journaux sur les modifications
qu'on veut introduire dans la charte communale.
On verra que sur tous les points du pays, ces
changemenls inspirent la crainte et agitent les
esprits. Tous comprennent le sort qui menace
nos institutions libérales, si la législature adopte
ces projets.
ÉMANCIPATION.U Indépendant i confirme
en quelque sorte le résumé fait par l'Observa
teur de ce qui s'est passé dans la réunion de la
section centrale du 17, car il se borne faire
remarquer que M. Nolhomb n'a pas demandé
que les bourgmestres fussent nommés vie,
mais seulement qu on les nommât sans assigna
tion de lerme leurs fonctions.
Il n'en résulterait pas moins par le fait que
les bourgmestres une fois nommés, le seraient
pour toute la vie.
Le droit de révocation est beaucoup en prin
cipe il n'en est pas tout fait de même
l'application un bourgmestre pourra devenir
antipathique la population de la commune et
constituer plutôt un obstacle au gouvernement
qu'un aide, sans qu'on puisse trouver dans les
actes de son administration des motifs assez
graves pour le destituer, et alors il faudra le
subir ou paraître agir selon les règles du bon
plaisir si ses fonctions expiraient une époque
déterminée, l'administration pourrait le rem
placer sans sortir de son droit et sans qu'il en
pût résulter pour le magistrat remplacé ni
pour 1 administration elle-même rien de fâcheux
Si les bourgmestres ne peuvent sortir de leur
emploi que par démission ou par destitution
ils seront réellement nommés vie et comme
on veut leur confier une plus grande partie
d'autorité en ce qui concerne l'exécution des
lois que par le passéil se trouveraune
époque donnée, que les agens communaux
exécutifs seront presque tous hommes d'un âge
très-avancé.
Indépendamment des inconvénients que nous
signalons et qui pourraient amener plus tard
d assez graves difficultés, n'y a-t-il pas aussi
quelque chose de bizarre voir les bourgmes
tres être les seuls fonctionnaires qui viennent
en quelque sorte partager I inamovibilité des
membres de l'ordre judiciaire, et d'ailleurs cette
nouvelle disposition ne devra-t-elle pas amener
pour ceux qui auraient rempli le poste de
bourgmestre pendant unefongue suite d'années
et que l âge ou les infirmités forceraient seuls
1 abandonner, la nécessité de pensions de re
traite
Ou nous nous trompons fort, ou tous ces
changements devront eu amener d'autres, car
la pente des réformes est glissantequ'elles
s'accomplissent dans un sens ou dans un autre.
L'organisation de la commune se lie l'organi
sation de la province et si aujourd'hui on
demande que le conseil de la commune se rap
proche des conditions dans lesquelles se trouvent
les conseils de la province, ne pourra-t-on pas
demander plus tard que le pouvoir exécutif
provincial se rapproche aussi son tour des
conditions dans lesquelles se trouverait le pou
voir exécutif communal et qu'au nom de l'har
monie, on revendique aussi pour l'administration
le droit de nomination, de révocation et d'ina
movibilité des déptrtations permanentes.
JOURNAL DU COMMERCE D'ANVERS.Les
conséquences d'une telle disposition seraient
déplorables et la division ne tarderait pas
pénétrer au sein des villes dans l'enceinte de
la communede quartier quartier, comme
nous la voyons déjà régner dans les chambres
de province province de ville ville. La
Belgique est-elle donc si grande qu'elle veuille
s'amoindrir encore par des subdivisions l'in
fini dans son propre sein, d'intérêts, de vœux
de prétentions isolées Quand tous ses efforts
quand l'esprit de ses loisles tendances de sa
politique intérieure devraient converger sans
cesse vers un centre communvers un but
d'homogénéité de toutes ses parties, vers l'ag
glomération des intérêts de tousc'est un de
ses hommes d'État qui met en avant l'un des
principes les plus dissolvants de l'unité admi
nistrative, puisqu'il attaque celle-ci sa source,
son premier dégréau foyer même de la
commune? Ignore-t-il que légoïsme n'envahit
déjà que trop les esprits, et que le moyen de le
chasser des cœursn'est pas de l'introduire et
do le répandre dans les institutions?
D'ailleurs avec des fractionnements de celte
nature dans le système électoralil serait plus
difficile encore de soustraire les bourgmestres
et les conseillers l'influence des électeurs. Or,
si dans l'état actuel des choses, les partisans du
nouveau projet de M. Nolhomb se fondent sur
celte prétendue dépendance pour réclamer la
nomination du bourgmestre en dehors du con
seil, comment veulent-ils aggraver cette dé
pendancepour les conseillers eux-mêmes?
Serait-ce l'effet de demander plus lard que
ceux-ci leur tour fussent également choisis
par le pouvoir?
Il nous semble que la proposition de M. de
Theux permet qu'on se fasse soi-mêmeet
qu'on adresse ces messieurs une pareille
question.
PRÉCURSEUR. M. de Theux sait par
faitement bien que la loi communale une fois
adoptée par les chambres ne sera point confiée
par son parti aux mains peu sûres du cabinet
actuel. M. de Theux sent encore qu'il sera
CASIMIR PERIER(Suite et fin.)
Ace récit, rien ne semble plus ridicule. Eh bieu rien n'était
plus, imposant. L émotion de Casimir Périer, la chaleur de son
apostrophe, l'impossibilité où il était de parler d'une manière suivie,
ce poing qu'il levait avec fureur coutre les bancs de l'opposition, le
danger qu'il avait couru le matin de ce même jour où il avait failli
périr sur la place publique (on l'avait cm au moins), le bruit du
tambour et les rumeurs qu'on entendait au dehors, tout, jusqu'à
l'obscurité qui régnait dans la salie, contribuait faire de ce moment
l'une des scènes les plus solennelles de notre histoire parlementaire,
une de ces scènes dont votre Chambre des communes, plate et ob-
longue, ne peut fournir d'exemple. Ces sortes de discussions sont
-peu-près inexécutables dans le parlement d'Angleterre, pays assez
paisible d'abord, où les allocutions se fontens'adressant au président,
tierce personne désintéressée, où l'on parle de son banc et n'inter
pellant jamais son adversaire par Sun nom propre, et séparé seule
ment de lui par la longueur d'une table. Je sais un homme qui
s'abstient, lorsqu'il est pied, de parler aux personnes qu'il rencontre
en voiture, parce qu'il est impossible, dit-il, qu'involontairement
on n'ait pas, du haut du carosse, un air d insolence envers le piéton.
Il en est ainsi de la tribune, du sommet de laquelle les paroles
tombent plus rudement sur les bancs inférieurs, et où une parole
cavalière devient aussitôt une insolence. Puis ces gradins en amphi
théâtre dont la cime, par une fatalité singulière, est toujours
occupée par les esprits les plus elFervescens, semblent des hauteurs
couronnées de troupes qui vont se précipiter contre la petite for
teresse occupée par l'orateur. Ajoutez cet ellet les groupes qui se
forment dans l'enceinte, et qui escar-mouchent dans cet espace, en
attaquant ou eu défendant, souvent par des mots très-vifs, celui qui
a la parole, la pétulance et les mouvçmens français?et vous aurez
une faible idée d'une séance de la Chambre des députés au jour
d'émeute. Je désire que vous soyez forcé de vous en tenir ma
description, et que vous ne trouviez; jamais l'occasion de jouir de ce
spectacle, soit Paris, Soil Londres.
Je vous ai montré Casimir Périer ce jour-là, parce que ce fut son
dernier jour de bataille. Depuis, sa colère et sa verve allèrent
toujours diminuant, comme sa puissance. Avec sa défiance contre
ceux qui l'entouraient, augmentaient ses soucis. Il se sentait déchu
ses propres yeux il se voyait responsable devant les Chambres,
devant la nation, devant l'Europe, d'un système qui, chaque jour,
devenait moins le sien il s'apercevait qu'on l'avait pris, comme
tant d'autres, pour user de son influence sur la classe qu'il était
nécessaire de gagner eu ce moment, et que, quand sa popularité
serait usée, on le jetterait de côté, comme on avait jeté les hommes
de juillet, l'aide desquels on avait agi sur les classes inférieures et
sur le parti exalté, qui était alors maître des choses. Casimir Périer
était d'autant plus malheureux, qu'il se sentait complètement dupe;
il ne pouvait aller d'un bout l'autre de son cabinet, sans rencontrer
sous ses pas deux ou trois de ses amis doctrinaires, qui guettaient sa
succession sur son visage, et qui avaient tellement arrangé les choses
que de ses mains chancelantes son portefeuille devait cheoir infail
liblement dans leurs mains. S'il allait au conseil il trouvait un de
ces doctrinaires blotti sous le pan de l'habit du prince; un doctri
naire avait l'oreille des diplomates étrangers; un doctrinaire s'était
emparé du droit de lui faire ses discours un autre, élève de celui-ci,
s était installé dans les fonctions de secrétaire-général et tenait la
correspondance des départemens. Les divisions ministérielles de la
Chambre ne manœuvraient que sur les ordres de M. Guizot, de