JOURNAL' DÏPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2e ANNÉE. N° US.
DIMANCHE, S JUIN 1842.
INTÉRIEUR.
FEUILLETON.
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cepteurs des postes du royaume.
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Quinze centimes par ligna.
YPRES, le Juin..
L'attitude de la Belgique pendant les débats
irritants, auxquelsdonnent lieu les modifications
introduire dans la loi communale, est certes
digne de remarque. Les projets en discussion
froissent ses plus chers intérêts et c'est avec
une anxiété silencieuse qu'elle en attend l'adop
tion ou le rejet. C'est là la réponse du pays
ceux qui ont osé incriminer sa haute moralité
politique.
Qu'on ne se trompe point cependant celte
apparente tranquillité. La nation ne se méprend
point sur la portée des lois%en discussion. File
sent que ce n'est pas dans son intérêt, qu'on
bouleverse ses institutions communales. Elle
sait que ce n'est qu'un premier pas, pour
arriver la destruction de tout ce qui fait
obstacle l'omnipotence, que certain parti veut
s'arroger.
Celle attitude calme prouve que la Belgique
a la conscience de sa force. Elle méprise les
vains efforts du parti clérical, pour ramener le
retour d'un passé impossible de nos jours.
Elle ne semble nullement prêle subir le joug
qu'on voudrait lui imposer.
Ce n'est cependant point le pouvoir qui
maintient le pays dans cette situation calme par
sa dignité et son influence morale. Jamais il ne
ne s'est avili lui-même ce point. Le ministère
composé d'éléments disparates et de rénégats
politiques, n'a jamais possédé la confiance de
la nation. La manière dont il a été formé, lui a
inspiré une défiance légitime etque l'expérience
a prouvé être méritée.
Toujours il a été regardé comme un instru
ment du parti clérical, qui s'en servait pour
obtenir ce qu'il n'aurait osé demander par ses
hommes. Des transfuges du parti libéra! se
sont ravalés au point de jouer ce rôle dégradant.
Dans les discussions actuelles de la Chambre
des représentants, la conduite du ministère est
pitoyable. Il ne guide point les débats et se
laisse traîner la remorque par la majorité.
On voit qu il est débordé par ses alliés. peine
le projet de loi sur la nomination des bourg
mestres était-il l'ordre du jour, que le parti
clérical, par l'organe M. De Theux, vint
déclarer que les modifications du ministère
n'étaient point assez étendues. Delà un déluge
d amendements qui sont autant d'attentats
contre les libertés communales. Exigeons beau
coup, a dit le parti clérical, nous parviendrons
emporter quelques lambeaux de celte loi, que
l'expérience a prouvé nous être peu favorable.
Si le ministère est tombé dansunétal d'abais
sement dont il se relèvera difficilement, l'oppo
sition gagne de jour en jour du terrain dans
L'opinion publique. Elle grandit et mérite la con
fiance de la nation, pour l'énergie et le courage
qu'elle met défendre nos libertés publiques.
Aux dernières élections, on ne se rendait point
compte de cet acharnement du ministère contre
les députés qui avaient toujours fait preuve de
la plus grande modération. Mais le ministère et
le parti clérical, qui voulaient fausser nos lois
organiques, craignaient leur opposition. Heu
reusement pour nos institutions, leurs efforts
combinés n'ont point réussi.
Ayons assez de confiance dans le bon sens de
la nation, pour lui dévoiler ceux qui veulent
la ruine des libertés publiques Le ministère et
ses alliés doivent inspirer la défiance pour leur
marche cauteleuse et sans bonne foi. L'opposi
tion mérite la sympathie de la nation pour la
franchise de ses principes et son dévouement
nos libertés. Les premiers ne sont-ils point les
hommes du passé, les autres, les hommes de
l'avenir
CHAMRRE DES REPRÉSENTANTS.
Les débats sur les projets de loi concernant
la nomination du bourgmestreprésentent le
plus grand intérêt.
La séance du 31 mai a été ouverte par un
discours remarquable de M. d'Hoffschraidt. Le
député de Baslogne s'est prononcé contre le
projet de loi. M. Devaux l'a suivi la tribune
et dans un discours qui a pris plus de la moitié
de la séance, il a attaqué les projets de loi au
point de vue administratif. Avec une forte
logique et une lucidité remarquable, M. Devaux
a fait justice des assertions de MM. les gouver
neurs et commissaires d'arrondissement. Il a dé
claré que le ministère précédent n'avait pas eu
connaissance de la circulaire de M. Liedts, alors
ministre de l'intérieur.
M. Deman a répliqué d'une manière assez
inconvenante M. Devaux. M. Liedts a pris la
parole, pour expliquer dans quel but il avait
envoyé celte circulaire aux gouverneurs et a
confirmé l'assertion émise par M. Devaux, que
jamais elle n'avait été communiquée au conseil
des ministres.
Après quelques mots de M. Rogier et une
réplique du ministre de l'intérieur, la séance a
été levée.
Séance du 1er juin.
M. de Villégas a pris la parole l'ouverture
de la séance. L'honorable procureur du roi
d'Audenarde s'est prononcé contre le projet de
loi. Il a cité l'appui de l'inutilité de ces
M. ROYER-COI.I.ARD. - LETTRE A UN BERLINOIS.
La philosophie de la reslauration a trouvé son expression la plus
complète et la plus juste dans un homme qui jouit, bon titre, de
l'estime de tous, et dont je parlerai avec d'autant plus de plaisir
que j'aurai beaucoup louer sa conscience et son talent: M. Royer-
Collard. Si vous voulez bien comprendre, monsieur, la valeur qu'a
eue pour nous ce philosophe distiugué, il faut que vous dépouilliez
un peu vos idées allemandes. Ainsi, vous me demandez la liste des
ouvrages de M. Koyer-Collard vous vous le représentez comme vos
Fichte, vos Schelling, vos Hegel, ayant beaucoup écrit et devaut sa
vaste renommée une succession d'ouvrages il n'en est pas ainsi
M. Roycr-Collard a peu écrit, et ne parle pas beauooup nous
n'avons de lui, jusqu'à présent, qu'un discours prononcé en 1813
qui résume son enseignement, et quelques fragments que M.
JoulIVoy Vest douné la peine de recueillir avec l'industrie la plus
patieute et la plus modeste. Je redoublerai votre étonnement en
vous apprenant que l'enseignement de M. Royer-Collard n'a duré
que deux ans, n'a roulé que sur une question, sur la perception des
objets extérieurs, et cela d'après les doctrines de Reid et de l'école
écossaise.
Ne vous hâtez pas, monsieur, d'accuser notre facilité élever des
réputalious; la renommée de M. Koyer-Collard comme métaphy
sicien n'est pas usurpée, mais elle veut vous être expliquée. Quand,
en 1811, ce philosophe co nniença contre l'école de Coudillac une
petite réaction, elle fut peu aperçue c'était au moment où l'empe
reur et la France allaient expier par de communes disgrâces leurs
communes prospérité.». En 1814 M. Royer-Collard passa de l'ensei
gnement une carrière politique. Les jeunes gens de l'école nor
male, sur lesquels il exerçait sou patronage, parlèrent de son ensei
gnement avec reconnaissance, et le firent considérer comme la
première date d'une nouvelle réforme dans la philosophie. Ils s'em
pressèrent l'envi de relever d'un homme grave, considérable, en
crédit dàilleurs M. Royer-Collard travailla lui-même augmenter
sa réputation de métaphysicien par sa notabilité comme homme
politique; celte dernière rejetait l'autre dans un loiutaiu majestueux
et favorable, et 1 homme parlemeutaire grandit beaucoup le
philosophe.
Je suis obligé de convenir avec vous, monsieur, qui me demandez
de tout un compte positif, que la carrière philosophique de M.
Royer-Collard se réduit limportation d une théorie de Reid; mais,
monsieur, cette iiuportaliou fut f.iite de bonne heure, eu hons
termes, en style remarquable lisez le discours prououoé en 1813,
et les fragments peu nombreux qui servent d escorte cette com
position d'au la ut plus précieuse qu'elle est uuique, vous y trouverez
une diction philosophique, noble et sévère, un tour de phrase qui a
de l'autorité; il est vrai qu'on y découvre déjà le germe des
défauts que plus lard M. Royer-Collard porta dans le genre
politique, je yeux dire une précision plus apparente que réelle, pltis
dans les mots que dans les pensées, quelque chose d'ambitieux et de
sec, de contraint et de stérile; néanmoins les qualités l'emportent
sur les imperfections, et l'on sent que M. Royer-Collard eût été un
écrivain philosophique éminent, s'il eût commencé écrire jeune,
ou si plus tard il eût pu en trouver le loisir.
Il est évident que, dans le champ de la philosophie, M. Royer-
Collard n'a pas même soupçonné l'étendue de la nouvelle carrière
qui s'ouvrait notre siècle; il n'a rien mesuré de l'œil, rien
ébauché où sont les principes positifs dont il pouvait descendre
une application sociale et politique? Sans.doute la question qu'ils
étudiée a son importance; je répéterai avec lui les paroles quj
terminent son discours de 1813: «C'est un fait'que la morale
publique et privée, que l'ordre des sociétés et le bonheur des
individus sont engagés dans le débat de la vraie et de la fausse
philosophie sur la réalité de la connaissance. Quand les êtres sont
en problème, quelle force reste-il aux liens qui les uuissenl?on
ne divise pas l'homme, on ne fait pas au scepticisme sa part; dès
qu'il a pénétré dans l'enteudemeut, il lVnvahit tout entier.
Je l'accorde, mais on ne triomphe pas non plus du scepticisme par
de petits commentaires sur un problême isolé, par une pensée qui
vivote au jour le jour, sans unité, sans système, sans avenir. Eh! si
le scepticisme s'empare de l'entendement tout entier, il veut donc
être combattu puissamment et partout, et sous toutes les faces; des
tinée de 1 homme institutions sociales, révolutions des peuples
on ne divise pas Thomme, j'y souscris; mais aussi on ne le conquiert