JOURNAL D'A PRES ET DE L ARRONDISSEMENT.
2e ANNEE. - N° M9,
DIMANCHE, 19 JUIN 1842.
INTERIEUR.
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YPRES, le 18 Juin.
LE FRACTIONNEMENT.
Comummatum est...
Dans sa séance du 14 juin, la chambre des
représentans a, par 49 voix contre40, adopté la
loi du fractionnement. Cette nouvelle ne peut
manquer de causer la plus vive sensation dans
tout le pays. Cette déclaration de guerre contre
les grandes villes, cet acte d'hostilité dirigé
contre les cités, foyers de l'opinion libérale,
fait voir évidemment que nos adversaires ne
reculentdevantaucune mesure, quelqu'odieuse
qu elle soit et présage ainsi pour l'avenir tout
ce dont ils sont capables. Dominé, le clergé
se montre humble et soumis; maître, il jette le
masque, et rien ne lui coûte pour assurer sa
domination l'histoire est là pour le prouver.
Nous sommes en pleine voie de réaction et
l'on sait de reste, ce que les réactions ont coûté
aux peuples. Aussi est-ce sous ce point de vue
surtout, que le vote du 14 juin nous afflige, car
la mesure adoptée n'atteindra en rien le but
qu'on se propose. En se voyant attaqué de près,
le parti libéral comprendra qu'il importe de
serrer ses rangs. 11 a foi en ses doctrines,
l'avenir est pour lui un gage assuré de succès
car il est aussi impossible de faire rétrograder
la civilisation que de faire remonter un fleuve
vers sa source. Pendant quelque temps on
peut reserrer un fleuve dans son lit, mais il
finit toujours par rompre les digues qu'on lui
oppose et ses débordements sont d'autant plus
terribles que les obstacles vaincre ont été
plus puissants.
Il en est de même des idées. L'absolutisme
fort et puissant des derniers rois de France a
créé la révolution de 92 le ministère de
M. de Polignac a amené la révolution de
juilletLe ministère Nothomb, toléré par un
parti, vivement combattu par l'autre, finira par
succomber; un cabinet conciliateur sera impos
sibleet peut-être un ministère fièrement
réactionnaire sera bientôt au pouvoir. Il est
impossible de prévoir les conséquences d'un
pareil événement. Nous ne sommes pas des
premiers jeter le cri d'alarme plusieurs
honorables députés ont déjà fait retentir la
tribune de leurs sinistres prophéties, que
l'expérience du passé ne tend que trop
justifier. Amis de notre pays avant tout, nous
voudrions lui épargner de terribles catastrophes,
car nous savons ce que coûtent les boulever
sement et les révolutions.
Le ministère Nothomben arrivant aux affaires,
a déclaré emphatiquement que sa mission était
toute conciliatrice; il -plantaitdisait-il, son
drapeau entre les deux camps; Modération était
sa devise. Le chef du cabinet prononça de sonores
paroles sur ce texte; on y crut peu, et l'on avait
raison car les faits sont bientôt venus donner
un éclatant démenti ces solennelles paroles.
La loi du fractionnement a pour but de jeter
au moyen d'intérêts locaux opposés, la discorde
entre les habitants des villes les ministres en
votant pour le projet, ont pleinement rempli
leur mission conciliatrice.
L'union fait la force telle est notre devise
nationale diviser pour régnertelle est celle
que nos adversaires ont emprunté un mi
nistre altier d'un roi absolu. Fidèles la pre
mière la Belgique eut accompli de grandes
choses mais semer la discorde c'est vouloir
récolter la guerre civile.
MM. les. membres de la fabrique de l'église
de S'-Martin se proposent de faire restaurer
le portail de celte église qui se trouve en face de
la halle et que l'on nomme généralement le petit
portail.
Cette restauration sera faite conformément
au style primitif du monument et les ornements
détruits par le temps seront rétablis.
Nous ne pouvons trop applaudir la réso
lution prise par MM. les membres de la fabrique.
Le portail du côté du sud est peut-être la seule
partie de toute l'église qui ait conservé son ca
ractère. C'est un morceau d'architecture admi
rable que les artistes ne peuvent assez admirer.
On nous assure que par suite de la nouvelle orga
nisation du corps de l'artillerie, le i™ régiment de
cette arme doit bientôt quitter la ville, pour aller
tenir garnison Gand. Ce régiment sera vivement
regretté par les habitans d'Ypres.
Espérons que M. le ministre de la guerre, appré
ciant les grands sacrifices faits par l'administration
locale pour la construction de casernes, écuries,
manège, etc., ainsi que pour l'acquisition récente
d'une plaine d'exercice, ne laissera pas longtemps
notre ville sans garnison de cavalerie.
Dans la nuit du 13 au 14un incendie a
éclaté en la commune de Wercken, et a réduit
en cendre une maison deux demeures l'une
occupée par le propriétaire Charles Penninck,
était assurée ainsi que les meubles l'autre ap
partenant Pierre Devriere et occupée par Pierre
Denduyverjournalier l'était également.
La perte causée par ce sinistre est évaluée
1,800 francs. La cause en est inconnue.
CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS.
Séance du lijuin.
Après le beau discours de l'honorable M.
Devaux, MM. Dubus et Brabant présentent
L'ART DE PARVENIR.(Sut/9 et Fin.)
III.
Les petits esprits se réjouissent des fautes des
grands génies; comme les hiboux se réjouissent
d'une éclipse de soleil. Un maxdari» chinois.
Monsieur Campagnol, en quittant sa famille, pensa qu'il ne serait
point inutile d'aller recommander son protégé au gouverneur.
D'ailleurs un petit voyage serait une distraction pour lui; de plus
il allait revoir un vieil ami, un ami d'enfance, et ne faisant part de
sa résolution qu'à ses enfants, il se mit inoontinent en route.
Un huissier l'annonçait dans le cabinet du gouverneur que
M. Jules du Lac en sortait, il venait de se poser en solliciteur et
d'abjurer sabien-aimée paresse. Cette révolution s'était opérée, grâoe
l'influence de la belle Hortense. Elle lui avait dit je n'aimerais
rien moins qu'un homme désœuvré; et son regard avait rendu bien
des paroles inutiles, il avait été si expressif que le plus paresseux
des élégants ou le plus élégant des paresseux, se réveilla le lendemain
non-seulement avec le chaleureux désir d'être bourgmestre de
village, mais mieux encore, représentant. Après cela qu'un esprit fort
vienne soutenir que les femmes sont des machines bonnes
tricoter des chaussettes; ah lorsqu'une noble passion s'empare
d'elles, leur mission est sainte et sacrée
M. Campagnol et le gouverneur étaient depuis l'enfance amis
très-intimes, quoique différant parfois d'opinions. Aussi derrière le
paravent se traitaient-ils avec la plus cordiale franchise.
Je devine, dit M. Campagnol, que celui qui nous quitte est
venu solliciter votre influence, pour le faire parvenir aux Chambres.
Et vous, mon ami, ne venez-vous pas en faire autant
M. le gouverneur, je n'ai jamais douté de votre perspicacité,
oui, vous avez deviné, mais veuillez croire que si je viens donner un
rival M. Jules du Lac, de puissants motifs m'y engagent celui
que je vous présente, est un jeune homme charmant et vraiment
capable.
Dites donc que c'est M. "Victor iTOrgy
Oh! homme sublime, rare et profond, vous devinez encore!
Rien n'est aussi facile, je suis assommé de demandes en sa
faveur et toutes par des dames. L'aristocratie, la bourgeoisie, les
vieilles, les jeunes, toutes s'en mêlent, o'est dono le Don Juan de
votre ville? Franchement, mon ami, malgré toutes ces recomman
dations, j'estime plus mou protégé que le vôtre.
Eh quoi! malgré le libéralisme avéré de ses opinions.
Raison de plus pour ne point l'épauler, car c'est aujourd'hui
prudence que desavoir louvoyer entre les deux opinions.
M. Jules du Lac ne oombattra la Chambre que par des
saillies spirituelles.
Eh mon ami, ignorez-vous que l'avantage d'une discussion
piquante et spirituelle, est de mieux faire ressortir la grossièreté de
l'erreur.
Oui, oui, mais les affaires politiques ne doivent pas se traiter
légèrement et par des phrases, il est vrai que votre protégé les
choisit parfaitement, qu'il enchaîne les mots aveo un rare bonheur
les uns aux autres, que tout cela est d'uue rigoureuse exactitude
mais son opinion, son opinion
C'estc'est celle du juste milieu, et vous, vous et vos amis
ne l'estiment point, parce que
Tout homme de parti n'estime d'ordinaire
Que ceux de son état et de son caractère. D'ailleurs, M. Victor
d'Orgy parle trop et pour ne rien dire. Croyez-moimon ami, la
journée n'a que vingt-quatre heures et les séances de la Chambre
sont parfois trop courtes.
Mais il y a deux nominations faire et l'une ne doit point
nuire l'autre.
Mon ami n'en parlons plus, mon opinion est formée depuis
longtemps et ma décision irrévocable, quittons ce cabinet
demain les aflaires importantes, aujourd hui je veux être tout la
joie de retrouver un ancien ami.
M. Jules du Lac était rentré chez lui le cœur plein «le joie,
comme si cette seule démarche était une pleine garantie d'un
succès prochain.