JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2e ANNÉE. N° 120.
JEUDI, 23 JUIN 1842.
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YPRES, le 22 Juin.
COMMUTATION DE LA PEINE DE MORT EN CELLE DES
TRAVAUX FORCÉS A PERPÉTUITÉ.
Le ministère Nolhomb continue son système
de conciliation. Avant l'adoption de la loi du
fractionnement et pour faire diversion, croyons-
nous la commutation de la peine de mort des
quatre condamnés pour complot contre la
sûreté de l'état a été officieusement annoncée.
Mais quelle commutation Les travaux forcés
perpétuité, et cela pour un crime politique
C'est là, si nous ne nous trompons, une cruauté
digne d'un tyran, qui ne voulant pas supplicier
ses victimesdans l'intérêt de sa propre con
servation, les tue moralement, en les notant
d'infamie. Nous désirons nous tromper, mais
telle a été, croyons-nous, l'intention de nos
gouvernants.
Dans le temps, que de plaintes n'a-t-on point
proférées contre la Cour qui a condamné De-
polter, Tielemanset autres, un bannissement
temporaire. Cependant les preuves du complot
étaient plus palpables. Ici un jurysur
l'assurance du ministère public que le gouver
nement ne cherche qu'à pardonner, déclare les
accusés'coupableset on leur fait la grâce de
les vouer l'infamie Est-ce là ce qui avait été
promis
Nous accordons que le gouvernement est
dans son droit mais il y a des sentiments de
délicatesse qu'un ministère ne peut blesser
impunément. L'esprit militaire sera humilié de
voir deux anciens généraux dans les rangs des
forçais. La haute noblesse sentira vivement
l'humiliation qu'elle subit, dans la personne
d'un de ses membres. Le pays entier croira les
condamnés victimes d'un machiavélisme gou
vernemental car cette commutation qu'ils
auraient le droit de refuser comme aggravant
la peine, ressemble s'y méprendre non
une grâce, mais un raffinement de vengeance.
Le Moniteurdit-ondonne l'arrêté qui
commue la peine des travaux forcés perpétuité,,
en vingtannées de détention simple, pour MM.
Vandermeere et Vandersmissen et en dix années
de la même peine pour Vanlaethem et Yerpraet.
Que n'a-t-on pris cette résolution de suite?
Pourquoi cette grâce doit-elle avoir l'air d'être
arrachée au ministère? Le pays n'aurait point
éprouvé une sensation pénible. Involontairement
se présente la réflexionqu'il y a douze ans, pareil
sort aurait pu atteindre et avec plus de justice,
ceux qui maintenant se trouvent la tête du
gouvernement. La révolte heureuse doit être
clémente l'égard de ses ennemis 5 car sans le
succès et qui aurait pu en repondre, elle aussi
aurait eu besoin de pitié.
L'organe clérical d'Ypres s'occupe fréquem
ment du Progrès. Nous en sommes bien aises,
mais nous y faisons peu d'attention.
Depuis longtemps nous savons que notre but
est différent. II a pour mission de défendre les
privilèges et le monopole, nous avons celle de
les combattre. 11 est ennemi de l'influence légi
time du principe bourgeois, pareequ'il le soup
çonne d'être libéral; nous le voulons, pàrceque
les éléments les plus éclairés delà nation doivent
posséder de l'influence sur la marche du gou
vernement. A son avis la minorité doit faire la
loi la majorité. Nous croyons que le contraire
est de l'essence de notre constitution. Quand il
invoque les libertés publiques, c'est pour arri
ver l'oppression du pays. Qu'y a-t-il donc de
commun entre nous?
Mais pour un journal qui paraît sous les aus
pices de ceux qui se disent les gardiens vigilants
de la moralité publique, son insigne et calom
nieuse mauvaise foi a le droit de nous étonner.
Si les arguments du Progrès sont de vaines
allégations et faciles réfuter, pourquoi les
dénature-t-il Pourquoi prêter au Progrès des
opinions qu'il n'a jamais exprimées? Ce n'est
point ainsi qu'on parvient éclairer ses lecteurs.
Mais c'est là le moindre des soucis de l'organe
clérical. Son but est de tromperses concitoyens
sur les projets du parti qu'il a mission de pré
coniser. Aussi approuve-t-il hautement les actes
les plus insensés de la faction.
Le dernier nuftiéro de l'organe clérical nous
offre une preuve flagrante de la mauvaise foi de
la presse catholique. Nous .mettons les extraits
des deux journaiix en'cegard.
L'ORGANECLÉRICAL.
Cinquième argument. Si l'amendement est adop
té, les conseils communaux devront avoir soin que
la religion soit dorénavant la base de l'éducation,
dans les établissements qu'ils dirigent. Orc'est là
uneebose dont le Progrès ne veut aucun prix. Donc
l'amendement ne vaut rien.
LE PROGRÈS.
Le comte de Mérode a été plus loin. Il s'est plaint
de ce que la religion ne faisait point la base de l'édu
cation dans les établissements communaux. Mais
qui la faute?On ne demande pas mieux. Le clergé qui
adresse ce reproche aux institutions communales,
en est seul la cause. L'autorité religieuse, dans un but
facile comprendre, refuse des ecclésiastiques pour
y enseigner la religion.
Peut-on pousser plus loin le mensonge et la
perfidie? Eh mais un mensonge fait dans une
bonne intention n'est-ce pas une œuvre méri
toire suivant les casuistes? Et celui-ci sera d autant
plus méritoire, qu'il calomnie ces libéraux dé
testés, qui ne veulent point courber la tète sous
le pouvoir usurpé de la faction cléricale. D'ail
leurs la béate feuille ne sait-elle point que ses
lecteurs ne lisent pas les journaux libéraux, et
pour cause. Ainsi leurs yeux, il sera constant
que le Progrès et les libéraux ne veulent point
de la religion pour base de l'éducation.
Rarement nous nous sommes occupés des
diatribes de celte feuille d'annonces. Une polé
mique déloyale et de mauvaise foi nous a
toujours paru digne de mépris. Si nous devons
UNE LUTTE AÉRIENNE.
Un mouvement inaccoutumé régnait dans la ville de Nuremberg,
d'ordinaire si tranquille. Une population immense se dirigeait vers
la roule de Ralisbonne jeunes et vieux, riches et pauvres avaient
quitté leurs demeures. La rueRoyale avait peine contenir les équi
pages, les cavaliers, les piétons. Les ligures étaient joyeuses, et tout
semblait indiquer que cette multitude empressée se préparait
assister un spectacle extraordinaire. En peu de temps, la vaste plaine,
appelée le Ludwigsfcld, située près de la grande route de Ralisbonne,
non loin de la ville, fut oouverte d'une foule compacte, accourue
tant de la ville que des environs.
Le spectacle qui se préparait était du reste bien de nature piquer
vivement la curiosité des habitants de cette cité aux mœurs simples
et patriarcales.
Le docteur Weideukeller, célèbre aéronaute, devait faire sa 32®
ascension, l'occasion de la fête qui se célèbre tous les ans Nurem
berg, en l'honneur du roi Louis.
Tout était prêt pour l'ascension, le ballon, empli de la quantité de
gaz nécessaire, semblait vouloir briser les liens qui l'attachaient la
terre.
L'aéronaute avait pris place dans la nacelle où se trouvaient disposés
plusieurs sacs remplis de terre destinés former le lest, des cordages
et différents autres accessoires propres une ascension. Il n'attendait
plus que l'arrivée du compagnon de voyage, qui s'était offert l'ac
compagner dans son expédition aventureuse. Ce dernier était un
jeune étudiant de l'université de Hall. Mais lorsque le moment de
prendre place dans la frêle nacelle fut arrivé, ce jeune homme sentit
faiblir son courage, sur lequel il avait sans doute trop compté, et
renonça son projet,
L'aéronaute l'attendit vainement pendant assez longtemps. Enfin
pour satisfaire au désir de la foule impatiente, il se disposait entre
prendre seul l'ascension. On allait détacher la dernière corde qui
retenait le ballon la terre. Tout-à-coup un homme d'une tour
nure extraordinaire s'avança précipitamment, et demanda occuper
la place vide. Cet homme était fort proprement vêtu, quoique sans
recherche. Tout en lui avait une apparence de désordre, quefon pou
vait considérer du reste comme le résultat d'une émotion bien
naturelle dans un semblable moment. L'aéronaute hésita quelques
instants admettre cet inconnu mais il manifestait un si vif désir
de raccompagner, qu'il y consentit enfin, après lui avoir fait
promettre une obéissance entière pendant tout le voyage. Aussitôt
l'inconnu s'élança dans la nacelle, en témoignant la joie la plus
vive, et un instant après le ballon l'enleva majestueusement aux
acclamations de la foule.
Le temps était maguiRque et ils atteignirent bientôt une grande
hauteur.
Déjà le bruit des rumeurs de la foule avait cessé de parvenir
leurs oreilles.
L'aéronaute s'étonnait de voir l'extrême sangfroid de son corn"
pagnon, il ne se rappelait point d'avoir jamais rencontré dau3
aucune de ses ascensions, un homme aussi maître de lui, et
possédant un calme plus parfait.
Cependant la situation extraordinaire où ils se trouvaient, était
bien de nature émouvoir l'homme le plus intrépide; car il faut
être doué d'une bien grande force de caractère, pour coulempler sans
frémir l'abîme, où l'aérostat semble àebaque instant prèsde s'englou
tir. A 1 horreur de cette vue viennent se joindre différents sujets de
terreur, ce sont tantôt les explosions du gaz qui secUappe du
ballon, puis les violentes secousses qu'éprouve la nacelle, enfin une
infinité d'autres phénomènes de toutes espèces, de nature produire