JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2e ANNÉE. N° 124.
JEUDI, 7 JUILLET 1842.
INTERIEUR.
FEUILLETON.
On s'abonne Ypres, rne du
Temple, 6, et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
PRIX DE L'ABONflEMEHT
par trimestre.
Pour Ypresfr. 5-00
Pour les autres localités 6-00
Prix d'un numéro 0-25
Tout ce qui concerne la ré
daction doit être adressé,franco,
A l'éditeur du journal, A Ypres. -
Le Progrès parait le Dimanche
et le Jeudi de chaque semaine.
- PRIX DES INSERTIONS.
Quinze centimes par ligne.
t
YPKESle 6 Juillet.
La lactique employée par le parti clérical,
pour jeter de la défaveur sur l'opinion libérale,
si elle n'a point le mérite de la loyauté, ne manque
pas d'une certaine astuce. Elle consiste faire le
tableau le plus sombre des excès commis autre
fois par des anarchistes, que les organes cléricaux
décorent du nom de libéraux. Sous celte déno
mination, ils confondentsciemment avec les vé
ritables amis des libertés publiques, ceux qui
rêvent la républiqued'autres qui ne désirent
que l'anarchie. Les communistes, les chartistes,
tous ceux qui tendent au bouleversement de la
société actuelle, sont présentés par les organes
du parti démolisseur des libertés publiques,
comme libéraux et voués comme tels l'exécra
tion des honnêtes gens.
On doit sentir combien ce moyen est facile pour
décrier ses adversaires dans l'opinion publique.
Mais il offre en outre au parti clérical un autre
avantage, c'est celui de détourner l'attention
des empiétements, qu'il médite sur les libertés
publiques et qui sont déjà en voie d'exécution.
L'opinion libérale, présentée par les organes
de la faction ennemie des libertés publiques
comme capable de commettre tous les crimes
est loin de rêver un bouleversement social. Ce
n'est pas elle qui demande des privilèges, comme
la main-morte. Ce n'est pas elle qui souhaite
l'établissement d'un impôt particulier son pro
fit. Elle ne demande, elle ne veut que l'exécu
tion franche et loyale de la Constitution et de
nos lois organiques.
Mais tels ne sont point les vœux du parti dé
molisseur. Déjà la loi communale est tombée
sous les coups de hache de ceux qui rêvent la
contre-révolution. Par une courte halle, la fac
tion se prépare porter une main sacrilège sur
le pacte de 1830.
S'il existe en Belgique un parti qui veut bou
leverser ce qui est, c'est la faction cléricale. Nous
savons n'en pouvoir douterque la situation
actuelle n'est acceptée par elle, qu'en attendant
mieux. Déjà beaucoup d'hommes modérés ont
renié ce drapeau, et ne veulent point de la
contre-révolution. D'autres qui se montraient
naguère les partisans du partidéclarent qui
veut l'entendre qu'ils ont rompu avec cette
faction révolutionnaire r qui pousse la Belgique
vers sa ruine.
Les organes du parti clérical, en désignant
sous le nom de libéraux les anarchistes des
pays voisins, savent qu'il n'y a rien de commun
entre les principes professés par l'opinion li
bérale belge et ceux de ces diverses sectes poli
tiques. Le parli démolisseur est convaincu que
les sociétés secrètes sout impossibles en Belgi
que. Malgré celte conviction, les organes de la
faction répètent quotidiennement, que les libé
raux sont des anatchisjes et que si on les lais
sait faire, le retour des beaux jours de la révo
lution de 93 ne se ferait guère attendre. Bazile
n'a-l-il point dit: calomniez toujours, il en res
tera quelque chose.
Depuis onze ans, le hameau du Ploegsteert
est en instance pour obtenir sa séparation de la ville
de WarnêtonFlandre occidentale. Les motifs les
plus graves, les plus prépondérants, militent en fa
veur de cette séparation. Une population de près de
4,000 âmes, une superficie de près de 1,800 hectares,
une église desservie par uti curé et par un vicaire
un garde champêtre; l'éloigncment de Warnêton
(près de 5 quarts de lieue) l'impraticabilité desche
mins, surtout dans la mauvaise saison et après des
fortes pluies; les abus et omissions qui en sont ré-
sullés dans l'état civil: tels sont, en résumé, les mo
tifs graves et prépondérants nous le répétons, qui
militent en faveur des justes et longues réclamations
des habitants du Ploegsteert.
C'est ce qu'avaient parfaitement.apprécié MM.
les commissaires, délégués en dernier lieu par le
conseil provincial, saisis de la demande géminée de
ce riche et populeux hameau car ils conclurent en
faveur de la séparation. Malheureusement au vote,
23 voix (1) se prononcèrent pour, et 27, contre. Une
majorité de 4 suffrages fitdonc, malgré le rapport fa-
vorabledè MM. les commissaires, échouer les instan
ces des PldegsteCrtoïs
Cependant forts de leur bon droit, ayant la con
science de la stricte équité de leur demande intime
ment persuadés que ce bon droit et celte équité doi-
ventfinirpaririompher, prêts d'ailleurs, souscrire
tout ce qui serait légal et raisonnable, du chef de
la séparaliun d'avec Warnêton (2) (la loi et les anté
cédents administratifs, du reste, y ont pourvu), les
habitants du Ploegsteert se sont adressés, de nou
veau,ce que nous apprenons, au conseil provincial
assemblé.
Osons espérer que la session de 18^2 sera plus fa
vorable aux Ploegsleertoisque les précédentes et
qu'enfin, le conseil provincial mieux éclairé et re
venant sur sa dernière décision admettra le prin
cipe de la séparation de ce hameau d'avec la ville de
Warnêton, hameau dont la population, l'étendue et
les moyens matériels équivalent pour le moins,
ceux des plus grandes communesterme moyen.
En résumé, aucunecommune, ou portion de com
mune réunie mais 'séparée depuis n'eut faire
valoir en Belgique des considérations et des motifs
aussi évidents,aussi puissants, que ceux sur lesquels
le Ploegsteert appuie sa demande en séparation de
Warnêlon.
(1) Entre autres, M. le commissaire d'arrondissement, feu l'hono
rable M. Ferdinand Hodenbachfait qui prouve, toute évidence,
au point de vue administratif surtout, le fondement, la nécessité
même de la séparation.
(2) Allusion la dette communale que Warnêton pourrait avoir
contractée, et dont, au besoin, le mode de division et de liquidation
avec le Ploegsteerts'établirait d'un commun accord, et, le cas
échéant, sous la sanction de qui de droit.
On nous communique l'article suivant. Nous
l'insérons mais n'ayant pas eu le temps de
UNE AVENTURE DE CHARLES XII. {Suite.)
II.
Le lendemain, une jeune fille se présentait aux portes du palais.
Elle était d'une beauté ravissante, que rehaussait la grâce de son cos
tume bien qu'il parût appartenir une simple villageoise plutôt
qu'à une dame de la ville. Elle essayait de fléchir par ses prières la
sévérité des gardes qui, obéissant leur consigne lui refusaient
impitoyablement l'entrée. Le comte Sparre arrivait au même
instant il s'arrêta saisi d'admiration, la vue de la jolie solliciteuse,
et) frappé d un souvenir en l'examinant plus attentivement, il lui
sembla que cette physionomie si séduisante ne lui était pas tout-à-
lait inconnue.
Qui êtes-vous, ma belle enfant? luideraanda-t-il, et que désirez
vous?
-« Je me nomme Christine, et je veux voir le roi.
-«Christine!... Attendez donc... Je crois me rappeler... N'êtes-
vous pas la fille ou la ]nièce du vieux Rozen, un des gardiens de la
maison royale de Jacobdal
Je suis sa nièce, monseigneur.
Et vous désirez voir le roi
Tout de suite, monseigneur, si c'est possible.
Je ne doute pas, Christine, que vous ne soyez parfaitement ac
cueillie, sa majesté m'a plus d'une fois parlé du plaisir qu'elle pre
nait se reposer chez vous, lorsqu'elle allait la chasse et elle y al
lait souvent; et ses halles paraissaient bien longues aux seigneurs de
sa suite, lorsqu'ils ne partageaient pas avec elle le bonheur de vous
voir.
Le roi se souvient de moi s'écria la jeune fille toute joyeuse,
oh mercimonseigneur merci pour cette bonne nouvelle Vous
m'avez rendu le courage et l'espoir.
Elle est aussi naïve que belle, pensa le comte que son cœur
soit susceptible de reconnaissance, et je la dirigerai comme je voudrai.
C'est ma bonne étoile qui m'envoie cette occasion, je ne la laisserai
pas échapper.
il présenta donc son bras Christine, l'introduisit dans le palais
et la conduisit daus un salon d'attente où il la laissa pour entrer
dans le cabinet du roi. Quelques instants après, il en sertit avec un
sfcurire de satisfaction sur les lèvres; et presque aussitôt un huissier
vint annoncer Christine que sa majesté lui accordait immédiate
ment la faveur d'une audience
Charles XII était seul. Assis devant une table sur laquelle était
ouvert un atlas, il tenait ses grands yeux bleus fixés sur la carte du
Danemarck. De temps autre, ses sourcils se rapprochaient, et son
front se plissait en signe de mécontentement. Sa physionomie avait
déjà contracté l'babiludc d'une expression sévère et mélancolique,
qui contrastait singulièrement avec la juvénilité de ses traits. Cepen
dant, la vue de Christine, uu rayon dcplaisir éclaira son regard;
son front se dérida, sa bouche trouva même d'encourageantes paroles
et un gracieux sourire pour enhardir la jeuue fille, qui, après avoi»
fait quelques pas assez résolument, s'était tout-à-coup arrêtée, inter -
dite et tremblante.
Pourquoi cette timidité, Christine On disait que tu n'oses ap
procher de moi.
Sire....
Allons, un peu d'assurance. Je me souviens très-bien que, lors-
quej'allais te voiraprès une partie de chasse, tu venais au-devant de
moi sans façon et tu mettais me parler beaucoup moins de céré
monie.
Je ne sais comment cela se fait, sire, avant d'arriver ici, j'avais
une foulejde choses vous dire, et voilà qu'à présent je ne puis trou
ver une parole.
Enfant regarde-moi £est-oe que j'ai l'air plus sévère depuis
que je lègne car je règne, Christine.
Je le sais bien, sire c'est pour cela que je suis venue vous trou
ver.
Ah Ah
Au fait, reprit Christine, qui commençait se remettre de son
premier trouble, pourquoi n'au rais-je pas la hardiesse de vous parler
comme auparavant car vous n'avez pas changé, Vest-ce pas Et»