JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. 2e ANNÉE. N° 133. DIMANCHE, 7 AOUT 1842. INTERIEUR. FEUILLETON. On s'abonne Ypres rue du Temple, 6, et chez tous les per cepteurs des postes du royaume. PRIX DE L'ABONNEMENT, par trimestre. Pour Ypresfr. 5-00 Pour les autres localités 6-00 Prix d'un numéro 0-25 Tout ce qui concerne la ré daction doit être adressé, franco, A l'éditeur du journal, Ypres. - Le Progris parait le Dimanche et le Jeudi de chaque semaine. PRIX DES INSERTIONS. Quinze centimes par ligne. YPRES, le 6 Août. PROJET DE LOI SUR L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE. Après avoir été enfoui pendant huit ans dans les cartons de la chambre des représen tants le projet de loi sur l'enseignement pri maire vient d'être mis inopinément l'ordre du jour. Nous ne faisons pas un reproche au ministère de tenir ce que la discussion de cette loi ait lieu promptement. C'est un devtjir sacré pour tout gouvernement, de propager l'instruction parmi toutes les classes de la société, et surtout parmi les moins élevées de l'échelle sociale. Mais nous craignons, et juste litre, d'après les antécé dents du cabinet, que cet intérêt soudain pour l'instruction primairene soit un piège tendu au pays. Pourquoi ne pas avoir accordé de bonne grâce, le délai demandé par l'opposition? Que les représentants inféodés certain parti n'en aient pas besoin nous le concevons la rigueur. L'avis de leur curé peut leur faire trouver inutile d'examiner cette question, qui intéresse un si haut point l'avenir de la Belgique. Examinons la question de l'enseignement en général d'après notre loi fondamentale, avant de nous occuper du projet soumis la chambre. L'article 17 de la constitution porte L'en- seignement est libre, toute mesure préventive est interdite. La répression des délits n'est réglée que par la loi. L'instruction publique donnée aux frais de l'état est également réglée par la loi.» L'instruction publique donnée aux frais de l'état, a été reconnue obligatoire et non facultative. En 1834 une commission spéciale composée des membres les plus modérés de la chambre des représentants, présidée par M. de Gerlache, rédigea un projet de loi sur l'enseignement. C'est ce projet qui a servi de base au récent travail de la section centrale, qui néanmoins y a introduit quelques modifications essentielles. Ce projet présenté par M. Dechamps, vient d'être l'objet de critiques acerbes de la part des organes de l'opinion cléricale. Ce ne sont point tant les dispositions de la loi qui sont désap prouvées, que le principé de la loi elle-même. Sans l'intervention efficace du clergéon refuse au gouvernement le droit de s'occuper de l'enseignement. Or, désire-t-on savoir ce que l'évêque Van Bommel et d'après lui les feuilles cléri-^ calesentendent par l'intervention efficace du clergéle voici Le clergé a seul le droit de donner la mission d'enseigner aux instituteurs et de la révoquer suivant son bon plaisir. Si le clergé ne possède pas de droit (car de faitil pourrait bien enpore la prendre) l'in fluence prépondérante sur l'enseignement pri maire, cet enseignement offrira peu de garantie aux parents. Ce qui doit être ainsi compris, qu'à l'aide de la calomnie et de la fourberie, on le déconsidérera au profit des nombreuses écolesqui ont été érigées de toute part par le clergé. Souscrire ces prétentions exorbitantes du clergé, serait pour le gouvernement consom mer son propre suicide. Désormais toute son influence sur l'instruction publique qui cepen dant rentrede l'avis de M. Royer-Collard, dans les intérêts généraux de la société, et non d'une caste, serait anéantie. Ses fonctions pourraient être assimilées celles d'un intendant, qui paye rait les frais de l'enseignement sur l'ordonnance de l'église. Le clergé atteindrait par une voie détournée, le but constant de ses efforts qui est de faire reconnaître, en dépit de la Constitution, lareli- ligion catholique comme religion de l'état. Mais là ne se bornent point les prétentions du clergé. Les idées ultramontaines commen cent germer parmi nous. Déjà par quelques observations présentées par les feuilles cléricales contre le projet dè loile clergé veut parvenir nullifier le gouvernement civil, et prêche la prépondérance du pouvoir spirituel sur le tempo rel. Son orgueil ne tend rien moins qu'à se met tre, en vertu du droit divin, au-dessus des lois. Qu'on y fasse bien attention. Les Jésuites ont dit, et on peut les en croire, ils s'y connaissaient L'homme appartient la main qui a fait son éducation. Si un pareil pouvoir se trouvait con centré entre les mains du clergé, où en serait la nationalité de notre patrie. Car, de l'aveu même de nos évêques non-seulement leurs inspirations religieuses mais même politiques leur viennent de Rome. La fameuse formule Romea parlé, est admise sans contestation par notre clergé. Celte question de l'enseignement primaire est d'un intérêt si palpitant pour la Belgique que de la manière dont elle sera résolue dépen dra la fusion ou la haine implacable des partis le progrès des institutions, ou la marche rétro grade de la Belgique. Nous verrons si le parti qui fait constamment des appels l'union, se montrera conciliant, et abandonnera des pré tentions qu'il n'aurait jamais dû élever. Le Nouvelliste de Brugeseffrayé de l'irrita tion et du malaise qui règne dans le pays, continue signaler les périls de la situation présente. Cette irritation que nous avons souvent prévue, est une conséquence de la conduite des hommes, dont notre confrère de Bruges est le soutien et l'organe; nous l'avons démontré dans notre précédent N°. IGNACE DE LOYOLA, FONDATEUR DE LA SOCIÉTÉ DE JÉSUS. {Suite.) Quelques femmes pieuses le soignèrent pendant sa maladie. Déjà les disciples venaient recueillir la manne de la parole évangélique et l'éloquence d'Ynigo, simple soldat qui ni savait pas mêmelelatin, devint célèbre en Espagne. Ce n'était pas assez pour Loyola. Sa réputation de sainteté ne re posait pas sur d'assez solides bases ses exploits avaient été jusqu'ici l'abnégation, le mépris des choses terrestresle triomphe remporté sur les sens et leurs exigences. Il voulut couronner sa vie par une ex pédition plus glorieuseet partit pour la Terre-Sainte. Il y avait dans ce dessein un mélange d'orgueil, de dévotion réelle et d'ambi tion. Un voyage en Orient n'était pas au seizième siècle chose aussi facile qu'aujourd'hui. La vieille haine des Serrazins contre les Francs avait conservé toute sa ferveur primitive. Ynigo partit ce pendant. Sans argent, sans protection, sans amis, il se mit en route aborda Gaëte et se dirigea sur Rome. La peste régnait alors. On le prit pour un pestiféré. Pâle, mal vêtu, malade, il justifiait par l'ex térieur le plus repoussant les craintes dont il était l'objet. On le chassait des hameaux on le fuyait dans les villes. II s'étendait sous le porche d'une églisej il reposait sur une pierre de la route, ses membres nus et amaigris. La faim le dévorait j quelques âmes chari tables lui jetaient du pain et des débris de repas. Ce fut ainsi qu'il traversa l'Italie, le berceau et le chef-lieu du ca tholicisme. Quelques-uns de ses concitoyens eurent pitié de lui et voulurent lui faire accepter de l'argent. 11 l'accepta pour le distri buer des pauvres. Longtemps, dit son biographe Orlandini, il hésita, se demandant s'il ne ferait pas mieux de jeter cet or dans le Tibre; mais des réflexions plus mûres le décidèrent en faire meilleur usage, secourir les misérables et offrir Dieu ses propres souffrances. Lœtior inde perrixitœrumnis et mendicitaie ditissimus A Venise, un riche Espagnol qui le rencontra, le présenta au doge, le logea dans sa maison et obtint pour lui passage sur un navire qui mettait la voile pour l'île de Chypre. Comment Ynigo n'aurait-il pas eu foi dans sa mission céleste Dès que sa position devenait critique, un secours inattendu le sauvait. Le doigt du Très-Haut était là pour le protéger. Que les philosophes, au lieu de tourner en ridicule les annales de la superstitionles étudient; ils trouveront de curieux phénomènes. On voit clairement, dans tous les actes d'Yiiigo, cette force d'esprit et cette profondeur de crédulité, ce courage et cette faiblesse, cette adresse et cette abnégation qui com posent Je caractère complexe et bizarre des gens de sa trempe et de son caractète. Il se fiait implicitement, d'une part, la vénération qu il inspirait, d'une autre la Providence qui le conduisait par la main. Il roulait sans doute dans un cercle vicieux; maison voitque définitivement le sort était complice de sa crédulité, où si l'on veut de son hypocrisie. Les matelots vénitiens le raillèrent ces incrédules de l'Italie avaient déjà secoué demi la domination papale, a Pourquoi, lui demandait le capitaine, faites-vous cette traversée sur mon bord Un saint n'a pas besoin de ces moyens matériels et vulgaires. Il marche sur les eaux et imite le Christ. Les matelots pour expéri menter la sainteté d'Ynigo furent sur le poiut de le jeter la mer. Quelques-uns d'entre eux opinaient ce qu'on le laissât seul dans une île déserte. Cependant le temps devint orageux et la mer hou leuse il fallut s'occuper de la manœuvre Ynigo fut oublié. Il visita les saints lieux, vit le mont des Oliviers, les traces du Christ, le lieu où reposa la crèche divine et pour obéir au Père provincial de s Franciscains chargé par le saint père de diriger les pèlerins et de fixer le temps de leur séjour et celui de leur départ, il revint en Europe. L'Italie était le théâtre de la guerre. 11 la traversa. Les Espagnols l'arrêtèrent comme espion. Ses vêtemens délabrés et sa mauvaise mine justifiaient ce soupçon injurieux. Ici trouve place une de ces étranges scènes dont se compose la vie humaine, drame tissu par notre volonté, notre caractère et le hasard. Le gouverneur d'une place-forte, espagnol de Guypuscoa, vit une troupe de ses soldats amener un prisonnier enchaîné c'était Ynigo. Le gouverneur était parent d'Ynigo. Ce dernier, dont l'esprit d'humilité et l'ardeur pour le martyre avaient augmenté pendant son pélérinage, ne crut pas devoir faire au gouverneur l'aveu de sa parenté. Après un assez long interrogatoire, le gouverneur réprimenda ses soldats, et leur dit de mettre en liberté ce misérable fou, ce mendiant, ce vagabond

HISTORISCHE KRANTEN

Le Progrès (1841-1914) | 1842 | | pagina 1