JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
X
DIMANCHE, 14 AOUT 1842.
FEUILLETON.
2e AMÉE. N° 130o
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de la province et de l'état] et la fait descendre
au rang des écoles privées!
A-t-on jamais inventé un système plus mon
strueux. Quoi un caprice de l'autorité ecclé
siastique peut faire cesser toute instruction de
la part d'une commune. Voilà une prétention
que l'arrogance cléricale |a plus aveugle peut
seule soutenir!
Mais c'est reconnaître implicitement une re
ligion de 1 étal, donner le monopole de rensei
gnement au clergé, et admettre la suprématie
du pouvoir spirituel sur le gouvernement civil
Et c'est un ministre soi-disant libéral, un No-
thombqui ose préconiser un pareil projet! Où
en sommes nous donc? Et fait-on Subir assez
d humiliations la Belgique!
Non content de son indépendance illimitée
et de la position la plus belle, qu'aucun état
de l'Europe ait jamais faite l'église calbolique,
le clergé prétend qint n'exMera pîusrTésnrmais,
d autres établissements que Ceux du gouver
nement qui de fait lui appartiendront. Car ils
seront lui du moment que par un simple
refus d'y donner l'enseignement religieux, toute
école perdra le droit d être soutenue par l'état.
Le projet de loi tout entier de M. Dechamps
nous paraît vicieux et conçu de manière faire
tomber l'enseignement public entre les mains
de l'autorité ecclésiastique. Aucune loi d'in
struction primaire n'est possible avec l interven-
tion du clergé, que pour autant qu'il veuille
bien s y prêter, et qu'il n'ait plus cette arrière-
pensée, de se servir du mouopole de renseigne
ment. comme d'un moyen pour arriver la
domination et l'abrutissement des masses.
Sans avoir des gages assurés de cette bonne foi,
et nous ne pouvons y compter, la loi qu'on
votera n'aura d'autre effet que de mettre entre
les mains des prêtres une arme dangereuse
dont ils abuseront.
Qu'on fasse une bonne loi sur l'instruction pri-
INTEBIEVB,
YPRES, le 13 Août.
LA LOI SUR L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE.
A voir de quelle manière les feuilles cléri
cales s'élevaient contre la loi sur l'enseignement
primaireon aurait pu croire que les principes
avoués par l'épiscopat belge étaient abandonnés,
que cette question aurait été résolue de manière
amener une transaction entre les deux opi
nions qui divisent la Belgique.
Que nous étions trompés! Le parti clérical
n'a point abandonné sa proie, il letreint avec
colère, et ne la lâchera que quand une force
invincible, la répugnance unanime du pays lui
aura fait sentir que son domaine n'est pas de ce
inonde et que son règne est passé.
La nomination et la révocation des institu
teurs réclamées comme appartenant de droit
au clergé, ont suscité une répulsion énergique,
et qu'il n'eut pas été prudent de mépriser.
L'épiscopat, assemblé en synode Matines, a
donc daigné renoncer ce que cette prétention
exorbitante fût exprimée dans la loi. Mais on
y est arrivé d'une manière détournée.
L'art. 21 du projet, dit: Aucune école ne
pourvu obtenir ou conserver un subside ou une
allocation quelconque de la commune ou de
Vétat, qu'autant qu'elle se conforme aux con
ditions de la présente loi.
Comprend-on la portée si habilement dissi
mulée de cet article? Conçoit-on maintenant
l'idée de la section centrale? L'enseignement
religieux et moral est une des conditions né
cessaires pour toute école qui veut acquérir une
existence légale. Cette instruction doit être
donnée par des membres du clergé. Le refus
de concours de la part de l'autorité ecclésias
tique entraîne pour l'école communale, la
perte de loutsubside de la part de la commune,
maire, elle est de toute nécessité. Mais qu'elle soit
basée sur la Constitution. Dans cette question
si délicate, les droits des deux pouvoirs sont
assez distincts, pour ne devoir amener aucune
confusion. Au gouvernement civil appartient (e
devoir de former des citoyens, l'autorité ecclé
siastique celui déformer des hommes religieux.
Au gouvernement civil appartient l'enseigne
ment.scientifique et moral. Car jamais la morale
n'a exclusivement dépendu du domaine reli
gieux. Si le clergé refuse son concours, sans mo-,
tif. qu'on s'en passe qu'on conduise l'école
l'église pour y entendre l'enseignement dogma
tique, donné toutes les personnes qui s'y
présentent. Aucune raison ne pourrait la faire
refuser aux élèves des écoles du gouvernement.
Que l'instruction primaire s'établisse d'après
ces principes c'est le seul moyen d élever une
concurrence redoutable aux écoles du clergé,
et de réduire 1 impuissance la calomnie et le
dénigrement.
Mais pour que la Belgique soit dotée d'un
système d enseignement fortement organisé, la
majorité de la législature devrait posséder au
plus haut point ce sentiment intime, de I hon-
neur, de la dignité et de l'indépendance de la
Nation. Mais aux yeux du clergé le dévoue
ment servile dont la majorité fait preuve son
égard, lui paraît bien autrement impôt tant pour
ses intérêts. L'honneur et le dignité du pays
importent peu au parti dominant, pourvu
qu'il arrive l'entier asservissement de la
Belgique.
L'exposition de tableaux formée d'ouvrages
d'artistes Yprois ou d'élèves de l'académie royala
de notre ville, a été, conformément l'avis pu
blié par l'administration locale, ouverte pendant
toute la semaine de la Tuindag.
Ce'le exposition a attiré un grand nombre de
visiteurs.
IGNACE DE LOYOLA,
TONDATEUR DE LA SOCIÉTÉ DE JÉSUS. (Suite et Fin.)
Pédro Ortez,docteur de l'université, et Diégo de Gorea, recteur de
Ste.-Barbe, se distinguèrent par leur ferveur parmi ces prosélytes
nouveaux. La France avait aussi sou inquisition maître Mathieu
Ory, inquisiteur pour la foi, voulut bien faire attention au pauvre
écolier. Ignace l'apprit et n'attendit pas que l'on dirigeât contre lui
des poursuites. Avec son audace et la décision de caractère qui lui
appartenaient et que nous avons vues se déployer si souvent dans le
Coursde sa vie, il se présenta devant Mathieu Ory, homme fougueux,
fanatique, impitoyable, dévoré d'un zèle exterminateur que rien ne
pouvait modérer» Ignace sut le conquérir en lui témoiguaul une
confiance sans réserve, et finit par obtenir de lui un certificat d'or
thodoxie. Le coudisciple qui lui avait dérobé sou trésor tomba ma
lade Dieppe et osa demander Ignace des secours, Ignace partit
pied, et lui porta quelque argent, veilla près de sou lit, le soigna, le
sauva, et fit de cet être vil un disciple dévoué. Ce dévouaient de
Loyola est un des plus beaux actes que la charité chrétienne ait ja
mais inspirés.
Ainsi s'affermissait peu-à-jeu le singulier pouvoir créé parce
mendiant et cet liom.ne ignare. A Venise, Rome, Salauianque,
Barcelone, en Flandre, Paris, il avait jeté les premières fonda
tions de son édifice, sans trahir son secret, sans admettre aucun mor
tel dans le sanctuaire iuLiuie de sa pensée. Les élèves de St. Barbe
le voyaient avec vénération. Les théologiens, séduits par sa modes
tie, sa douceur et la pauvreté de sa vie, croyaient n'avoir rien
craiudrede lui. Sa gravité plaisait au peuple et les bizarres exploits
de sou fanatisme ajoutaient encore l aduiiration qu'on avait pour
lui. Un écolier de Sle.-Barbe avait coutume de rendre visile pen
dant la nuit uuc femme qu'il aimait, et de passer parles Gobelins,
village auprès duquel se trouvait le logis de la dame. Ignace piia ce
jeune homme de cesser ces entrevues et dabandouner sa maîtresse;
prières, menaces, représentâtious, tout fut inutile. Voici le singulier
remède auquel Loyola eut recours, remède dont peu de personnes se
seraient avisé, s. L'amoureux traversait un petit pont de bois jeté
sur le ruisseau de Bièvre; c'était au cœur de l'hiver; neuf heures du
soir allaieut sonner. Uue voix s'éleva tout-à-coup du milieu de
l'eau Si tu ne reviens sur tes pas, s'éo.ia Ignace, si tu ne renon
ces pas ton péché, je resterai ici jusqu'à demain matin. Amende
ta vie, ou sacrifie la mienne. Ignace était dans l'eau jusqu'aux
genoux le jeune homme eut pitié de lui et après une assez longue
explication, il céda aux prières du fanatique, et rebroussa chemin.
Sans doute il prit une autre route. Cette ridicule prouesse est, il
faut le dire, la seule du même genre dont le souvenir soit consigné
dans les biographies de Loyola.
Luther grandissait Loyola de son côté marchait sou but d'un
pas forme; Faber, aristotélicien érudit saint François-Xavier, Es
pagnol, h tome opulent, d'une famille distinguée et célèbre, d 1111
dévouaient sans bornes; Xavier, 1 Atnadisde celte croisade catholi
que Diego Laiuez, Alouso Salmeron, qui sur uu théâtre plus bril
lant a joué dans la suite un rôle remarquable Bobadilla et Siinou
Eodrigues, formèrent sous les ordres de Loyola le premier noyau de
l'association jésuitique, lisse réunirent dans 1 église d un monastère
situé Montmartre, où ils prononcèrent le serment solennel de tra
vailler ensemble l'affermissement du tiôue papal et de la foi chré
tienne. Tel est le berceau de cet institut ihéocratique, dont le fan
tôme épouvante encore l'Euiope.
La destinée d'Ignace avait pris son cours, et rien ne pouvait plu3
l'arrêter; l'exemple du maître créa des disciples, aussi habiles, aussi
paliens, a.ussi sagaces que lui. Cette longanimité,cette patience, cette
adresse mettre les hommeset les circonstances profit; tout ce qui