JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT
JEUDI, 18 AOUT 1842
2' ANNÉE. N° 136.
INTÉRIEUR.
FEUILLETON.
eondo,
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YPRES, le 17 Août.
II y a peu de temps, le Nouvelliste de Bruges
fit ud appel tous les partis il prêcha l'union
et la concorde. Nous applaudimes aux efforts
conciliateurs de notre confrère, en faisant ob
server toutefois, qu'il était presqu'impossible
que ses efforts fussent couronnés de succès.
Le Nouvellistepour donner un gage de sa
sincérité proposa de réélire aux prochaines
élections, tous les membres sortants du conseil
communal de Bruges.
Pour donner un gage de notre bonne volonté,
nous ne voulûmes pas être moins généreux, et
nous nous déclarâmes prêts adopter une pa
reille mesure Ypres.
Cette proposition faite par nous dans un but
de conciliation générale, a vivement contrarié
certain parti. A nos paroles de paix, on ré
pond par de grossières injures nous ne som
mes rien moins que des hommes incorrigibles
ayant sans cesse Vinjure et Vinsulte la bouche
et qui se refusent tout accomodementet puis
d'après le système La calomnie! la calomnie
Basile on nous fait dire une foule de choses
que nous n'avons jamais pensées. 11 faut avouer
que certaines gens ont un tact tout particulier
pour saisir les circonstances opportunes ils
agissent comme
Le chien de Jean de Nivelle,
Qui s'enfuit quand on l'appelle.
Ils demandent sans cesse la paix et l'union, et
quand on leur tend une main amie, ils la refu
sent et répondent par des insultes aux paroles
de paix qu'on leur adresse.
Le Nouvelliste de Bruges, avait proposé de
réélire tous les conseillers communaux sortants,
même M. Devaux nous proposâmes d'imiter
notre confrère et de réélire tous nos conseillers
sortants, même ceux qui ne marchent pas sous
notre drapeaula réciprocité était logique et
complète; et l'on nous répond que nous avons
peurque nous nous sommes hypocritement
emparés de la déclaration de l'autocrate de la
presse cléricale de nôtre province. L'adverbe
hypocritement, nous touche peu, car nous savons
hélas! qu'il est dans la nature humaine de juger
les autres d'après soi-même, mais nous croyons
devoir déclarer hautement que bous n'avons pas
la moindre crainte; car avoir peur serait faire
injureà la majorité de nos concitoyens. D'ailleurs
les listes électorales sont là et personne n'a oublié
les résultats des précédentes élections commu
nales.
Il faut reconnaîtredu resteque \cNouvelliste
est bien mal servi par ses agents subalternes.
Pouyons-nous croire encore ses paroles conci
liatrices? Pou vons-nous. accepter les gages de
paix qu'il nous présente En proposant de réélire
tous les conseillers communaux de Bruges, notre
confrère fait un sacrifice l'union de tous les
partis, ou il n'en fait pas. 's'il en fait un, nos
adversaires, ses amis, ne peuventque nous louer
d'avoir imité l'exemple de leur chef, au lieu de
le faire, ils nous injurient; s'il n'en fait pas,
quelle foi pouvons-nous ajouter ses paroles?
Pouvons-nous considérer comme un gage d'u
nion un soi-disant sacrifice qui, d'après le dire
de ses co-religionnaires politiques n'en est
pas un
II est vrai toutefois que pour expliquer cette in
conséquence inexplicable, nos adversaires Yprois
ont recours des sophismesenseignés cer
taine école: M. Devaux disent-ilss'est ren
fermé avec ses collègues dans le cercleetc.; les
conseillers (Yprois) qtiise sont enfermés dans le
cercleetc. De tous ces cercles il résulte claire
ment que nos adversaires, pour arriver leur
but ont recours des voies circulaires dé
tournées et longues, tandis qu'ils n auraient
qu'à suivre la ligne droite, qui est la plus simple
et la plus courte. Si nous pouvions nous per
mettre de leur donner un bon conseilnous
leur dirions, en style circulaireque nous les
engageons sortir au plutôt, du cercle vicieux
dans lequel ils errent depuis trop longtemps.
Pour ce faire, il suffit de déclarer s'ils ont l'in
tention de suivre l'exemple de leur chef et de
nous prouver, que le parti qu'ils défendent n'a
pas deux poids et deux mesures un poids pour
Bruges, un poids pour Ypres. Nous le désirons
de tout cœur:
En terminant nous croyons pouvoir faire re
marquer qu'on nous accuse d'avoir dit Les
conseillers qui ont Voté pour le collège SVin
cent de Paulétaient des rétrogrades, des hom
mes faibles et peu la hauteur de leur mission
nous répondrons tout bonnement: l'époque
de ce vote, Le Progrès journal d'Ypres et de
l'arrondissementn'existait pas
Par arrêté royal du 9 août 1842, démission
honorable est accordée, sur sa demande, M. le
chevalier Leclercq, admis faire valoir ses titres
la pension de retraitecomme Receveur de
l'état.
Ancien capitaine de l'empire, décoré de l'é
toile impériale des braves, depuis 1809, couvert
d'honorables cicatrices reçues dans les combats
auxquels il a assisté, Monsieur Leclercq est un
triste, mais un glorieux débris de la grande
armée française de Russie. Depuis 1814
fonctionnaire civil fort entendu modéré
et plein d'excellents procédés envers tous
les contribuables sans distinction, il laissera
bien des regrets après lui.
ggECocgiT—
Notre kermesse est morte les derniers vesti
ges de son existence ne tarderont pas dispa
raître. C'est dimanche, au bal de la Concorde
que l'on a enterré la défunte; bientôt on n'en
parlera plus, car les morts sont vite oubliés.
UNE PRÉDICTION DU DOCTEUR GALU.
Vous vous rangez donc l'opinion générale, docteur j vous
trouvez la princesse deC... admirable.
Accomplie.
La croyez-vous propre suivre une intrigue politique?
Il y a de la finesse dans son regard et dans l'expression de son
visage mais elle manque de fermeté, d'esprit de conduite.
Quepensez-vousde ce brillant comte de Pehf...? Arrivé la cour
seulement depuisquinze jours, déjà toutes nos femmes en raffolent.
11 est rare de trouver autant de grâces, de noblesse, réunies plus de
savoir et de profondeur. L'empereur veut le marier et l'attacher la
cour. Je lui prédis de hautes destinées.
•—Je n'ai fait que l'entrevoir. Il a pour lui tous les avantages ex
térieurs mais...
N'allez pas lui faire, la hâte, l'application de votre système.
Mou jugement ne se fonde que sur l'observation; et jusqu'ici, je
ne l'ai point examiné assez attentivement, pour me prononcer sur
lui niais une belle enveloppe n'est pas toujours l'indice de bonnes
et éminentes qualités.
Pour celui-là, je le livre votre examen. Analysez ses traits
tâtez et retâtezses protubérances osseuses, comme vous dites, et je
suis certain que vous resterez, avec moi, convaincu que jamais plus
belle âme n'a été logée dans un plus beau corps.
Peut-être...
Cette conversation avait lieu au milieu d'un bal magnifique donné
a Vienne par le prince de Metteruicb. Là se trouvait rassemblé ce
que la cour d'Autriche pouvait offrir de plus illustre et de plus dis
tingué, soit par le rang, soit par la fortune. Tous les ambassadeurs
des puissances européennes, tous les grands officiers de la couronne,
couverts de riches broderies, de rubans, de plaques enrichies de
diamants un essaim de femmes charmantes, belles de jeunesse, de
grâce, élincelantes de pierreries, et vêtues avec la plus grande élé
gance. Dans celte foule de hauts personuages, on distinguait prin
cipalement la belle P. de S..., née princesse de C..., par laquelle
Metlernich espérait conquérir la bienveillance et la faveur particu
lière de l'empereur Alexandre, et, plus qu'elle, le jeune comte de
Pehf..., dont le haut rang, le brillant extérieur et les qualités aima
bles, avaient su, en peu de jours, captiver toute la haute société de
Vienne. Le comte quittait une belle terre, située au fond de la Bo
hême, et paraissait pour la première fois la cour de François, qui
il venait rendre hommage, comme son suzerain. Metternich avait
déjà jeté ses vues sur lui.
Le premier des interlocuteurs était un homme d'une quarantaine
d'années dont l'extérieur efféminé n'en était pas moins rempli de
grâces. Un front large, un nez bien fait, de grands yeux bleus, une
bouche agréable, sur laquelle le sourire arrivait toujours son com
mandement, composaient sa figure. Sans recourir aux ressources
communes, il avait de l'aisance et de l'amabilité. Maître de lui en
toutes circonstances, il savait participer la dissipation et aux folies
des grands; mais toujours avec la pensée d'en profiter. Le second,
quoique âgé de plus de cinquante ans, avait toute la vigueur et l'as
surance d'un jeune homme. Son front, déjà chauve, était haut et
couvert ses traits positifs et distingués annonçaient l'habitude de
la méditation et de l'observation. Celui-ci était le célèbre docteur
Gall, l'illustre physiologiste l'autre, le prince de Metternich, pre
mier ministre de l'empereur d'Autriche.
Selon son habitude, le prince s'était retiré, du milieu de la fête,
dans la solitude de son cabinet pour se livrer pendant quelques in
stants ses travaux. Gall, resté seul, et frappé de l'engouement que
Metternich montrait, ainsi que toute la cour, pour le jeune comte
de Pehfchercha l'observer de son attention pénétrante et de
son regard incisif, pendant tout le reste de la soirée.
Comme le comte de Pebfachevait u»e hongroise, qu'il avait
dansée avec la séduisante princesse de Tchwet pendant laquelle