JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2e ANNÉE. N° 146.
JEUDI, 22 SEPTEMBRE 1842.
FEUILLETON.
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INTERIEUR.
YPRES, le 21 Septembre. -,
BÉVUES DU MINISTÈRE MIXTE.
En l'an de grâce mil-lmit-cenl quarante et
un, le 17 mars, le Sénat du royaume de Belgi
que consomma un coup d'état au petit pied. Un
ministère composé d'hommes d'une capacité
éprouvée, mais libéraux, encourut sans motifs
la réprobation de certain parti. On eut peur de
le laisser au pouvoir pour l'époque des élec
tions. Il importaitsurtout au parti clérical, qui
par tous les moyens voulait conserver son om
nipotence, qu'un ministère dévoué en eut la
direction. On échoua cependant la chambre
des représentants.
Mais au Sénat, on crut être mieux servi. Les
lumières de la chambre privilégiée délibérèrent
mûrement sur la question. Il fallut poser un
acte qui prouvât leur irritation. Rejelter le bud
get, on n'osa, mais une adresseau Roi fut volée.
Le ministère libéral donna sa démission sur
le refusdu Roi de signer la dissolution des deux
chambres ou au moins du sénat. Un ministère
soi-disant mixte fut nommé. Il devait ramener
la conciliation et \ajubilation entre les partis.
Les intérêts matériels qui sous le précédent mi
nistère méritèrent une attention particulière,
devaient sous celui-ci retrouver leur état floris
sant de jadis.
Commentées promesses ont-elles été tenues?
M. Desmaisières, le ministre des travaux pu
blics, l'ancien élève de l'école polytechnique
celle capacité catholique peine investi de
celte importante branche du service public, ne
se distingua que par son ardeur puérile dé
faire tout ce (jue son prédécesseur avait fait. Le
tarif du chemin de fer attira son attention, mais
ce fut pour tout brouiller. Il voulut avoir le
sien, mais celte malheureuse conceptionaprès
avoir jeté la perturbation dans le service pour
quelques joursfut amendée, modifiée, chan
gée, et pour la majeure partie des dispositions,
on en revint aux règlements de M. Rogier.
M. Smitsle ministre des finances, le direc
teur de la banque de Belgiqueprésenta la
chambre un budget dont les recettes prévues
balançaient les dépenses. Son prédécesseur avait
cru devoir demander des nouvelles ressources
ordinaires. M. Smits ne suivit poiiit cet exem
ple, mais il porta la dette flottante 22 1/2 mil-
liops de francs. 1
Une somme de quatre millions avait été prê
tée la banque de Belgiqueen vertu d'une
loi et l'intérêt de 5 pour cent. Le crédit de cet
établissement s'étant relevé l'adrtainistration
cruA ne plus devoir payer un intérêt aussi élevé.
Elle offrit donc de rembourser ces fonds, ou de
les conserver en compte courant, 2 pour cent.
M. Smits qui voulait créer une réserve, prêta
les 4 millions 2 pour cent, tandis que le pays
a une dette flottante de 22 1/2 millions 4 1/2
et 5, qu'on aurait pu diminuer d'autant. Celte
opération singulière etqui mérite un autre nom,
causera au pays, moins qu'elle ne soit modi
fiée, un préjudice de 120,000 fr. par an.
Mais M. le comte de Briey naguèresministre
des finances, maintenant des affaires étrangères,
est celui de tous dont la renommée mérite d'aller
la postéritépour ses actes diplomatiques si
bien conçus et si favorables h la Belgique. Nous
ne parlerons plus de la convention Tinière. Ce
pendant tous les représentants d'une voix una
nime, ont déploré la grandeur des sacrifices, en
les comparant aux minces avantages du traité.
Maisau moins la France nous concédait quelques
faveurs commerciales. Grâce la perspicacité et
aux talents diplomatiques de l'ancien garde du
corps de Charles X, l'Allemagne qui nous berce
de promesses, obtient gratis les concessions que
la France a dû nous arracher.
Quant au ministre de la Justice nous n'avons
pas en parler. Il serait, en effet, difficile de
dire quelque chose de ses actes, il n'en a point
posés, de ses discours, il n'en a point prononcés.
Un ancien disait les paroles s'oublient, les écrits
restent. Mais M. Van Volxem est d'avis que
rien ne s'oublie et pour cette raison suppo
sons-nous il ne prend jamais part aux débats
parlementaires.
Voilà quelques-unes des déconvenues de
notre fameux ministère mixtedu ministère
des hommes d'affaires. Foin de la politique les
aflaires du pays avant tout. Les intérêts mo
raux sont indignes d'attention de la part de
ces minjstres fameuxmais les intérêts maté
riels, peste c'est autre chose
La session parlementaire sera close dans
quelques jours. Au parti clérical les honneurs
de la lutte, il peut .voter des remerçîments au
ministère, il a bien fait ses affaires.
A l'occasion de la discussion générale sur le
projet de loi décrétant les mesures d'exécution
devenues inévitables, par l'acceptation de la con
vention linière du 16 juillet, le Sénat vient de
fustiger d'importance sa progéniture. Aucun
orateur de la chambre des représentants n'a
blâmé aussi amèrementla conduite du ministère,
aucun n'a critiqué d'une façon aussi acerbe çt
les négociations commerciales et l'arrêté du 28
août, que MM. Desmanet de Biesme et Cassiers,
les parrainset défenseurs-nés du ministère mixte.
Mais quand le sénateur qui se trouvait la tête
de la ligue contre le ministère libéral, a demandé
aux ministres, pourquoi les postes diplomatiques
de Paris et de Francfort se trouvaient inoccupés,
alors M. Nothomb aurait pu juste litre étendre
les bras et s'écrier en parodiant le mot de César
Brulus
Et vous aussi, mes parrains
De tous les blâmes qui accablent le ministère,
aucun ne doit lui être plus sensible que celui
du Sénat. Élevé au pouvoir par la majorité sé
natoriale il faut que sou impérilie et son im
puissance soient bien constatées, pour que ceux
mêmes, qui l'ont placé au timon des affaires
désavouent leur propre ouvrage et traitent un
cabinet, fruit de leurs œuvres, avec un laisser-
aller nobiliaire, qu'ils n'auraient jamais osé se
permettre vis-à-vis de celui qu'ils ont renversé.
JOURNAL DlIN OFFICIER DE LA MARINE ANGLAISE. {Suite.)
Rla beauté ouvrit la portemais en laissant si peu d'espace
que, sans la petitesse de ma taille et l'extrême exiguité de toute nia
personne, je n'auraisjamais pu me glisser travers une si étroite ou
verture, Dès que j'eus franchi le seuil, la porte se referma, ma jolie
introductrice remit soigneusement le verrou une grosse barre de
bois retomba en travers et j'entrai enfin dans la cuisine.
C'était une chambre de quatorze pieds carrés, dont le plancher
avait été sablé avec soin droite, un buiï'et, garni d'une nombreuse
vaisselle d'étain admirablement bien polie, attestait du moins la pro
preté delà cuisine j des casseroles resplendissantes étaient Suspendues
au-dessus des fourneaux une table grossière en bois, sans nappe et
minutieusement lavée, en occupait le centre et quelques autres meu
bles dans le même genre, bien tenus et appropriés aux besoins des
habita us du lieu, ornaient gauche cette salle souterraine.
A l'extrémité de la table était assis le maître du logis, espèce de
sauvage en coslume irlandais, dont la figure rouge, bouffie avinée,
eût fourni le type d'uue excellente enseigne de cabaret; il avait la
pipe la bouche autour de luiachevaient désenivrer une douzaine
de matelots, dont les vêtemens humides, se séchant la chaleur d'un
grand feu de tourbe, exhalaient une vapeur épaisse et puante qui
s'amoncelait comme un brouillard au-dessus de la lampe.
La lampe en cuivre, suspendue une cordeau plafond, ne jetait
qu'une lueur faible et incertaine, obscurcie encore parla vapeur dont
j'ai parlé, et parla fumée acre et nauséabonde de l'huile qui y brû
lait. J'avançai, non sans difficulté, travers cette lumière ténébreuse,
au milieu de ces gens ivres la plupart, qui, en voulant faciliter mon
passage, couraient risque de tomber sur moi et de m'étoufï'er.
Eh bien! mon jeune garçon, d'où venez-vous, et où allez-vous?
me dit le grand-maître de ce temple enfumé.
D'où je viens? peu vous importe, pourvu que je paie mon écot.
Où je vais? je vous le dirai quand je le saurai moi-même. Allons,
mon vieux, faites-nous servir du grog; et si vous pouvez me faire
embarquer demain dans un de ces navires qui stationnent le long du
quai, vous ne serez pas fâché de ma visite.
En prononçant ces derniers mots, je secouai mes poches avec une
certaine afl'eclalion vaniteuse qui produisit Pelle t que j'en attendais.
Voilà un petit loustic qui n'a pas l'air aisé grommela mou hôte
entre ses dents et élevant la voix Nous sommes donc en fonds,
jeune homme Alors, soyez le bien-venu. Se tournant vers la
porte Calbérine, allons, du rhum, mon enfant. A propos, me
dit-il, votre nom?
Que vous importe mon nom, vieux marsouin Que le rhum ar
rive, et les schellings viendront leur tour.
A ces mots, tous mes ivrognes jetèrent un hourra universel, et le
rhum fut servi. Je me versai un verre de grog, j'allumai ma pipe,
et me mis tranquillemeut fumer; puis, après quelques iiistans de
silence, j'entamai ainsi la conversation
Camarades, vous avez sans doute déjà navigué?
Non, jamais, répondirent quelques-uns.
Il n'y a pas de pressedirent quelques autres.
A votre aise; mais, dans ce cas, vous ferez bien d'avoir l'œil
1 horizon, et surtout d'y voir clair.
Pourquoi, diable! mon garçon?
Pour rien; mais, si vous m'en croyez, vous ne vous montrerez
pas trop ce soir restez tranquilles, c'est le plus prudent.
Encore il y a un pourquois'écrièrent la fois deux des moins
ivres de la bande, en se rapprochant de moi,
Le pourquoic'est que, voyez-vous, la presse est dans la ville,
et que, moi qui vous parle, je viens d'échapper nue douzaine de
flibustiers royaux qui ine poursuivaient. Ma foi, sans le détour de U