JOURNAL D'YPRES ET DE L'
r ANNÉE. N° 159.
DIMANCHE, 6 NOVEMBRE 1842.
FEUILLETON.
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INTERIEUR. YPRES, 5 Aovemlu-c.
Les organes de la presse catholique se sont
remis de l'état de torpeur, dans leqiœl le résul
tat desélections communales les avairjetés. Les
idées de fusionet de conciliation mises en avant
par certains joûhiaux, s^nt oubliées. Le langage
modéré ne peut plus leur être d'aucune utilité.
Ils en sont revenus celtefïqiémique acre et de
mauvaise foi qui les dislingue çi.éminemment.
Mais aussi ces appels hypocrites à- l'union n'ont
trompé personne. Le bout de l'oreille perçait.
Tous ont senti que c'était moins dans l'inten
tion de tranquilliser les esprits, qu'on faisait ces
soi-disant avances, que pour sauver d une ruine
complète, le pouvoir chancelant de la faction.
Le parti catholique ne s'attendait aucune
ment une défaite aussi générale, ni aussi si
gnificative. Ses journaux en font foi. Autant ils
étaient arrogants et menaçants avant la lutte,
autant sont—iIs devenus humbles et caressants,
depuis que le résultat de la bataille électorale a
dû leur prouver, que désormais tout espoir était
perdu pour le parti, de maîtriser la commune.
La presse catholique fait maintenant son
bilan politique. Elle prend tâche de prouver
que les perles du parti ne sonl pas aussi terri
bles ni ses blessures aussi saignantes. Elle en
tasse sophisjues sur sophismes, pour démontrer
que les élections ont été favorables l opinion
libérale modérée. Nous aussi nous sommes de
cet avis, mais nous contestons que ce soit là la
bannière de nos adversaires. Ceux qui ont voulu
doter le pays de la main-morte et remettre l e-
ducation des générations futures exclusivement
entre les mains du clergé, n'ont rien de com
mun avec les doctrines d'un sage libéralisme.
Constatons un fait grave, mais en même
temps heureux pour nous, la presse catholique
laisse percer des symptômes d'une division, que
la mauvaise fortune semblerait avoir jeté dans
le camp même de nos adversaires. Jïe ministère
ose prendre sur lui de jeter l'odieuç/des dernières
lois attentatoires aux franchises/cle la commune,
sur le parti, qui jusqu'ici a Jiftté surlui de tout son
poids. La défaite du parti catholique-politique
semble avoir donné de l'audace nos ministres
et l'idée de se soustraire au patronage humi
liant de la faction, n'est peut-être déjà plus une
simple velléité de leur paî t.
Quoiqu'il en soit c'est sous l'impression
produite par les élections communales que les
Chambrés vont s'ouvrir. Le moment n'est point
propice nos adversaires. La preuve que l'opi
nion publique vient de donner, de la répulsion
du pays pour la domination cléricale, augmen
tera la tiédeur de beaucoup de partisans et
d hommes dévoués jusqu'ici aux intérêts de la
faction. C est pour leur donner du courage, que
les feuilles catholiques dissimulent si pénible
ment le discrédit, dans lequel le parti est tombé.
Elles ont beau faire, leurs ruses sont percées
jour. Tous leurs efforts n'y changeront rien, il
est démontré tous que les espérances si ma
gnifiques du parti catholique-politique sont dé
truites, que tout leur fait obstacle et que rien
ne leur est appui.
Dans nos derniers Nos, l'espace nous a man
qué pour annoncer nos concitoyens et aux
amateurs d'antiquités historiques, qu'une nou
velle fonction celle d'archiviste de la ville d'Y-
pres. vient d être conférée M. Messiaen, nommé
récemment greffier du tribunal de lre instance.
Nous ne pouvons qu'applaudir au choix de notre
conseil communal. M. Messiaen est un jeune
homme qui a reçu s(^p éducation au collège
communal et qui depuis a été non sans quel
que succès, professeur^ de 7me l'Athénée de
Bruges.
La lâche d'archiviste de la ville d'Ypres est
encore laborieuse, car, malgré toute la patience
et rassiditfb^sap^ivail du digne prédécesseur
de \J. Mêp^hLuné grande partie des chartes
et/'pfèces en langue latine, se trouve encore
classer.
j Nous ne pouvons qu'engager M. Messiaen
imiter l'ardeur infatigable au travail de son
prédécesseur et nous tiendrons pour certain
que dans peu de temps la classification et
l'arrangement des précieuses archives de la ville
d'Ypres ne laisseront rien désirer.
Nous croyons pouvoir assurer que la British-
Qutten dont le sort inspirait d'assez sérieuses in-,
quiétudes a passé devant le port d Oslende
✓hier dans la matinée et a salué la ville de trois
coups de canon.
Au moment de mettre sous pressepous
recevons la nouvelle' positive de l'arrivée de la
British-Queen au port d'Anvers.
ÉLÇQTJJDNS DE WYTftCHAETE.
On nous écrit de Wylschaete
Le bourgmestre et le clergé du lieu ainsi
que les deux gardes champêtres renforcés par
le percepteur, ont ici publiquement travaillé
les électeurs, inutile de dire dans quel sens.
C'était qui ferait le placement du plus grand
nombre de billets, qui tous, dit-on, étaient
écrits par le percepteur. 11 en est résulté que
l'obsession et la suggestion ont empêché la libre
manifestation de l'opinion publique, du vœu de
la grande majorité des habitants et des électeurs
indépendants. En outre, un échevin que celle
majorité repoussait, a été réélu, et, en rempla
cement d'un conseiller décédé, la coterie a fait
élire I bomme le plus insignifiant de toute la
commune.
Aussi, l'indignation publique n'a-t-elle pas
tardé se faire jour, et cela tel pointque
les électeurs qui ont volé quand même, persi-
LES PAROISSES DE LA GRANDE-BRETAGNE.
[Suite.)
Il y eut un moment de silence entre le fermier et le journalier.
Le courroux de l'un et le sentiment de honte qu'éprouvait 1 autre
ne se manifestaient que par cette muette éloquence.
Que voulez-vous, dit enfin Goldhy C est la faute du syslème
et non pas la mieune. Je n'ai pas d'argent jeter par la fenêtre, et
puisque Sewel me quille, je ne fais, en choisissant Wild, que ce
que tout homme de bou sens ferait ma place j aurai un pauvre de
moins soutenir. A propos, que va faire Sewel et comment em-
ploiera-t-il son héritage?
Il achète une des maisons que Blogg a construites.
Elles coûtent, je crois, cinquante livres sterling.
Blogg nous lésa laissées pour soixante. La paroisse paie toujours
plus cher que les particuliers.
C'est encore bien cher, je vous l'assure; et pour une somme
égale, le pauvre homme aurait pu se procurer une maison solide,
tine propriété durable. Yoici ce qui lui arrivera au bout de quelque
temps: les réparations de sa chaumière lui enlèveront tout son argent,
il retombera la charge de la paroisso et partagera ses heures entre
la taverne et les trous sable où nous serons obligés de l'envoyer.
Cependant le pauvre Ashly ne perdait pas de vue le sujet qui
l'avait amené.
Je vous demande bien pardon, s'écria-t-il, mais veuillez penser
que mes enfans n'ont point de mère et qu'étant leur unique soutien,
je dois ne rien oublier pour les arracher la détresse. Sans doute
Sewel avait de très-bons gages si vous le désirez, je me contenterai
de beaucoup moins.
Je ne donnais presque rien Sewel, parce qu'il était assisté de
la paioisse.
Mais que donnerez-vous Wild?
Le moins possible et pour la même raison. Il est célibataire:
quelque modéré que vous puissiez être dans vos désirs, jamais ce que
je lui ofTi irai ne vous conviendra,
Quand il va se trouver en place, il se mariera, et les enfans
viendront.
C'est son affaire. Encore une fois la paroisse se chargera des en-
fans. Pourquoi n'eu faites-vous pas autant, Ashly?
Ah monsieur, vous ne savez pas ce que c'est que la honte de
l'aumône, pour un homme qui a toujours vécu de ce qu'il gagnait i
Vous ne savez pas ce que c'est que d'avoir vu mourir une femme,
d'avoir entendu sortir de sa bouche les derniers adieux, de lui avoir
promis, au moment même de l'agonie, d'élever ses enfans comme les
enfans d'un honnête homme doivent être élevés, et de n avoir ja
mais recours la charité publique. Ah fermier Goldby vous n'avez
pas senti cela! Vous ne savez pas combien il est cruel de changer
vingt fois de plan, et de taclier de gagner sa pauvre vie de toutes [es
manières sans y réussir jamais de se dire: je suis un paresseux, et
je donne le mauvais exemple mes enfans; de voir enfin que pas
une journée de travail, pas un coup de pioche, pas un effort, ne leur
sont utiles et ne parviennent les délivrer de cette terrible per
spective, la charité de la paroisse.
Ashly, dit le fermier tout ému j'irai moi-même chez le squire
Manniug pour le consulter là-dessus. 3'espère qu'il vous soulagera
quant nous autres fermiers, si Ion ne nous aide pas, nous finirons
par aller, nous-mêmes, la maison de travail.
Ashly remercia le fermier et le salua tristement. Goldby, resté
seul avec sa femmecroisa les bras et baissa la tête d'un air de tris
tesse. N'était-il pas haï de la plupart des pauvres, lui dont le cœur
était humain et naturellement bon? Tout en payant la paroisse
des sommes considérables, n'était-il pas en butte au mécontente
ment public? ces pensées étaient douloureuses. Il est cruel de voir
s'écrouler la fois sa réputation et sa fortune, sans avoir mérité par
aucun vice celte double ruine.