JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2e ANNEE. N° 184.
JEUDI, 2 FÉVRIER 1843.
FEUILLETON.
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i\Ti:itii:i is.
YPRES, le 1» Février.
L'EMPRUNT DE LA. VILLE DE BRUXELLES.
Rien ne profite la ville de Bruxelles. L'état
se charge d'une rente perpétuelle pour raffer
mir le crédit de la capitale, et malgré cette
nouvelle garantie, l'emprunt qu'on devait con
tracter pour payer les dettes arriérées et les
victimes des pillages, se conclut précipitamment
au taux nominal de 92, mais en ne donnant
cependant que 88-59 pour cinq de rente.
L'approbation du Roi ne se fait pas attendre.
Le ministère croit devoir donner les mains
cette affaire véreuse, lui qui s'est fait conférer la
tutelle des finances de la ville de Bpdxelles.
Certes ce ne serait point là un titre invo
quer par le ministère, en faveur de ses projets
de loi sur les finances de la commune. On n'a
pas oublié que la réforme communale devait
être plus radicale, et ravir en même temps, aux
communes le libre emploi de leurs deniers.
Bruxelles, pour jouir de la rente créée par l'état,
a dû subir cette condition. Ce qui n'a pas em
pêché la conclusion d'un emprunt onéreux pour
elle et unanimement blâmé.
Quels sont donc les motifs qui ont pu porter
les magistrats communaux jusqu'ici si dévoués
aux intérêts de la commune, approuver sem
blable affaire, étouffer même toute discussion
Nous croyons que c'est une nécessité, qu'ils ont
dû subir.
Le droit donné au gouvernement de s'ingé
rer dans les finances communales, les a forcés
accorder un bill d'indemnité aux négociateurs
de l'emprunt. Le ministère paraît même avoir
exercé une contrainte morale sur leur décision.
Car plusieurs fois le bourgmestre a fait enten
dre, que le gouvernement ne ratifierait point le
contrat, si on n'admettait les conditions stipu
lées par lui.
Nous ne faisons pas un reproche la Société
Générale de s'être chargée de cet emprunt un
taux aussi favorable pour elle. Elle a obéi aux
lois de son institution, en cherchant faire une
bonne affaire. Mais c'était la commune et au
ministre de l'intérieur mieux défendre les in
térêts de la capitale.
Ce qui doit prouver encore que M. Nolhomb
a joué un rôle actif dans cette affaire ruineuse
et peut avoir saisi cette occasion de récom
penser ses bons et loyaux amis de la banque
du secours politique prêté au ministère, c'est
qu&l Indépendant, journal du ministre de l'inté
rieur, a chaudement défendu cette mauvaise
cause et s'est même avisé de taxer le conseil
communal de Bruxelles d'ingratitude envers
la Société Générale parce que. quelques con
seillers trouvaient les bons offices de la banque
trop chèrement rémunérés.
Si des preuves étaient «encore nécessaires
pour démontrer combien cet emprunt a été
conclu des conditions défavorables pour la
ville, il suffirait seulement de remarquer de
quelle manière la moitié a été souscrite et que
les actions émises 92, sont déjà cotées et
trouvent des acheteurs 96.
Nous trouvons dans les journaux que le parti
clérical vient d'aviser un nouveau moyen de
battre monnaie et d'exploiter les bonnes âmes.
Voici comment:
On distri&iMe dans le diocèse de Gand des
images aux armes de l'évêque, derrière les
quelles on a fait lilhographier une invitation aux
âmes pieuses de s'adresser la Sainte Viergè et
Saint Joseph, patron de la Belgique, pour
obtenir, ce que nos bons prélats appellent ingé
nument des élections favorables la bonne
cause.
A ceux qui accompliront ces actes de piété
et qui payeront vingt-cinq centimespour
couvrir les frais de cette œuvre {la lithographie
et limage probablementf y .\e clergé promet
cent jours d'indulgence.
Voilà, il fauten convenir, une invention déli
cieuse et qui doit certainement ramener la
victoire sous les drapeaux du clergé. Jusqu'ici
on avait toujours cru, que les saints n'avaient
rien voir dans les nominations des députés
qu'en portant le choix sur des hommes intègres,
fermes, capables de dévouement la patrie
une telle élection mériterait l'approbation de
tous les honnêtes gens, voire même des saints.
Mais point. Le clergé nous présente, pour
faire ses affaires la chambre et non ceux du
paysdes ambitieux et des hypocritesqui
ne sont guère estimés, mais qui, par l'interven
tion des saints dans les élections, réussiront, n'en
douions pas. Ces mécréants de libéraux pour
raient bien avoir tort celte fois et le parti
clérical esquivera ainsi une défaite qui ne peut
manquer de l'atteindre bientôt.
Et les vingt-cinq centimes pour payer les
frais de cette œuvre Est-ce pour fausser les
élections et payer les fraudes électorales que les
bonnes âmes devront les compter Si le parti
clérical voulait employer son génie inventif
l'endroit des moyens de battre monnaie, pour
augmenter les recettes du trésor de l'état, nul
doute qu'en peu de temps, les vides des caisses
publiques ne fussent ^iomptement comblés.
Un incendie a éclaté lundi 30 janvier Oost-
vleteren, au hameau dit Kortekeer. Quatre
petites maisons ont été la proie des flammes
sans qu'on ait rien pu sauver. On attribue ce
sinistre l imprudence. Rien n'était assuré.
Boite du JProgrès.
A MM. lés rédacteurs du Progrès.
Messieurs,
Je crois devoir vous prier de bien vouloir porter
la connaissance du public, sous ma responsabilité
personnelle et pour l'exemple et l'édification de
qui de droit, que, dimanche passé, 29 du courant,
Vers'les 3 heures de relevée, toute l'école de den
tellières, dite Lamotteassemblée, M. Bossaert
second vicaire de S'-Martin, après une allocution ou
sermon des moins charitables, s'est permis de met
tre l'index sous menace d'expulsion immé
diate, et pour toujours, de ladite école, non-seule-
LAZARILLE DE TORMES.
COMMENT LAZARILLE SE MIT AU SERVICE D'UN AVEUGLE
ET DES AVENTURES Qu'lL EUT AVEC LUI.
Suite et Fin.)
Quand je fus moitié remis de ma triste pénitence et des meur
trissures qui m'en étaient restées, considérant qu'avec quelques
coups semblables, le cruel aveugle se serait bientôt débarrasséde lui;
mais je ne me pressai point, pour le faire avec plus d'avantage et de
sûreté.
Quand j'aurais voulu calmer mon ressentiment et lui pardonner
les blessures du pot, les mauvais traitements qu'il me fit toujours
endurer depuis m'en eussent empêché car, sans raison ni motif, il
me frappait de son bâton ou m'arrachait les cheveux; et, si quel
qu'un lui reprochait de me traitér si mal, tout aussitôt il leur contait
l'aventure du pot, en disant Vous prenez donc ce garçon pour
un innocent? Eh bien écoutez si le diable lui en remontrerait en
malice. tes autres en faisaient des signes de croix, et disaient
Voyez un peu; qui croirait qu'un garçon, si petit, fûtjjj, malin n
Et ils ajoutaient, en riant: Châtiez-ler châtiez-le, et vous ferez
une bonne œuvre.
Aussi, l'aveugle ne faisait-il autre chose. Mais je le menais tou
jours daus les plus mauvais chemins, exprès pour lui jouer pièce. S'il
y avait 'ha pierres, il passait dessus; de la boue, dans le plus épais;
et quoique je n'allasse pas pieds secs, je me réjouissais de me crever
un œil pour en crever deux celui qui n'en avait pas du tout. A
chaque mauvais pas, il me cognait, avec le bout de son bâton, le der
rière de la tête, que j'avais toujours pleine de bosses, et pelée par ses
mains. J'avais beau jurer que c'était sans malice, et qu'il n'y avait
pas de meilleur chemin, le traître avait trop de bon sens et de fi
nesse pour me croire.
Et pour tme vous sachiez jusqu'où s'étendait l'esprit de ce malin
aveugle, je vous conterai une histoire au milieu de toutes celles qui
m'arrivèrçiit avec lui, parce qu'il me semble, qu'elle fait connaître
toute sa finesse. Quand uous sortîmes de Salkmanque, sou dessein
était d'aller Tolède, parce qu'il disait que les gens y sont plus ri
ches, quoique assez peu charitable?, s'altachant ce proverbe que
l'avare donne plus que le nu. Nous faisions cette route pat les meil
leurs jJays. Si.uous trouvions bonne réception et bonne aubaine, nous
nous arrêtions sinon, dès le troisième jour, nous levions le camp. Il
arriva qu'en passant par un village qu'on appelle Almoron, dans le
temps de la vendange, un vigneron lui donne une grappe de raisin
en aumône. Comme elle était très-mûre et qu'elle avait déjà élé mal
traitée dans les pa -s/pouvait niJ^tenir dans sa main où elle
se dégrainait, ni la met* ^sfou^ac où elle se fût écrasée. 1! se
résolut dope en faire un repas, aussi bien parce qu il ne pouvait la
garder, que pour me donner^une dooeeu^, car il m'avait grondé et
battu tout le jour. Nous nous assîmes dans un fossé,' et il médit Je
veux te faire.,aujourd'hui une libéralité, c'est-à-dire, que nous man
gerons ensemble ce raisin, et que lu auj$Ss ta part aussi bien que moi.
Voici comment zious partagerons* tu piqueras'une fois, ef moi une
autre; pourvu que tu promettes dè ne prendre qu'un grain* chaque
fois; je ferai de même jusqu'à ce que nous ayons a» iievé, et, de cette
faç<?h,;iljD'.y aura pas de tricherie. Le traité fait ainsi* nous com
mençâmes picoter mais., dès la seconde attaque, letraître^hangea
et se mit prendre les grains deux deux, considérant sans
ute que je devais en faire autant. Coinme je vis qu'il rompait le
marché,ije ne me contentai pas d'aller de pair a\.*c lui, mais^^yt*