JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2e ANNÉE. N° 189.
DIMANCHE, Ht FÉVRIER 1813.
INTERIEUR.
FEUILLETON.
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YPRES, le 18 Février.
PROJET DE LOI SUR LES FRAUDES
ÉLECTORALES.
En voyant M. Nolhomb prendre spontané
ment l'engagement de présenter un projet de loi
sur les fraudes électorales, on devait se douter
que cet empressement cachait un piège et que
cet honnête ministre mixte saisirait cette occa
sion pour amoindrir, s'il lui était possible, l'in
fluence libérale.
Ces prévisions se sont pleinement réalisées. Le
projet est fait, mais c'est une œuvre toute jésui
tique, et de mauvaise foi, dans le genre de la
loi sur l'enseignement primaire. On sent, que
nos adversaires, contre qui celte loi devait être
dirigée, n'ont pas été étrangers la rédaction de
ce projet.
Celte loi sera impuissante l'égard des frau
des, car de la manière dont les dispositions
sont écrites, en doublant les sacrifices, il sera
loisible et licite de frauder, puisque la loi
n'exige que le payement du cens, sans s'enqué
rir, si celui qui se prétend électeur, possède
les bases de l'impôt.
C'est là une rouerie indigne et qui tend lé
galiser les fraudes; seulement elles seront plus
coûteuses. C'est une preuve que le -parti moral
par essence, dans l'intérêt de sa domination
tend consacrer l'immoralité politique.
Mais d'autres dispositions sont comprises dans
le projet, qui n'ont aucune connexilé avec les
fraudes électorales. On veut y consacrer les in
scriptions d'office par le commissaire d'arron
dissement. C'est donner au gouvernement la
faculté de vicier le corps électoral et d'exercer la
fraude son profit.
On n'a point oublié les plaintes qui ont éclaté
en France, au beau temps de la restauration,
contre cette disposition de la loi. Les électeurs
étaient nommés par le préfet et ceux qui ne lui
paraissaient ni assez religieux ni assez dévoués
ne pouvaient parvenir faire inscrire leur nom
sur la liste électorale. Aussi élait-ce le préfet qui
nommait les députés. Il nous est avis que le
ministère et le parti clérical, l'aide de cet ar
ticle, se préparent suivre les traces des De Villèle
et des Polignacministres de la branche aînée
des Bourbons.
Le changement la loi électorale qui ordonne
que le bureau soit composé désormais de bourg
mestres etd echevins, n'est qu'une conséquence
de la même idée. On veut que les contestations
soient vidées par des fonctionnaires qui dépen
dent du ministère et qu'on puisse punir, s'ils
osaient jamais faire preuve d'indépendance et
élever la voix, pour flétrir l'immoralité du gou
vernement.
Le projet présenté par M. Nolhomb défend
en outre les signes de ralliement. Celte dispo
sition n'atteint que le parti libéral, car, pour le
troupeau des électeurs campagnards, le tricorne
de Messire Gros-Jean, le curé, restera la ban
nière naturelle et bien connue.
Ensuite, il ne sera plus permis de distribuer
ni d'exhiber des imprimé^ Pour être équitable,
M. Nolhomb eût dû plS^oser de défendre au
clergé de calomnier et d'injurier du haut de ta
chaire de vérité, les candidats qui n'ont pas
lheurde convenir cette caste ambitieuse, qui,
même par les moyens les plus méprisables, pré
tend nous imposer son j«ug.
Telles sont les principales dispositions, du
projet présenté par M. Nothomb. 11 est im
puissant pour réprimer la fraude, mais dimi
nue l'influence libérale. Cet honnête homme
d'état, sans couleur politique, mérite une ré
compensé" "pour les serviqps qu'il rend nos
ennemis politiques. Ne. les oublions jamais et
au jour de l'adversité, souvôhons-nous toujours
-que les renégats d'un parti sont ceux qui sont
les plus disposés présènter et accomplir les
mesures les plus iniques et don£ IJ^qmmç l^
plus dévoué son parti n'osej-aitj jamais rêver
l'exécution.
y'---»
1 I'' -
les corfFats 3<j renie, trouvait des hypo-
ts d'argent-, Entrait en pourparlers pour
La nécessité de réprimer les fraudes électorales
a fourni l'occasion de toucher la loi électorale.
Parmi les dispositions du projet de loi présenté
par M. Nolhomb quelques-unes modifient
profondément celte loi organique et cela pour
obvier seulement quelques légers défauts, que
l'éxpérience a fait découvrir.
Puisque le ministre est si bien en train de
compléter la loi électorale, que n'a-t-il été un
peu plus loin? Pourquoi n'a-t-il point proposé
la modification de la loi l'endroit de l'inégalité
du cens. C'est cependant là la plus grande injus
tice qu'une loi puisse commettre. C'est un vice
radical qui a pour effet de fnetlre la matière
brute au-dessus de l'intelligence, les citoyens
instruits en dessous de ceux qui croupissent
dans une sainte ignorance.
Pourquoidonc leministère mixtesi empressé
de satisfaire aux caprices du parti cléricalne
prend-il pas les vœux du parti libéral en consi
dération? Que ja'agite-t-il la question de la
réforme électorale
Un dédaigneux ordre du jour est la réponse
du ministre Nôlhomb aux vœux des libéraux.
Mais il est inutile d'en parler. On aurait beau
démontrer l'équité de ja cause libérale, aussi
longtemps que le parti clérical se trouvera en
majorité la chambre, jamais justice ne sera
faite aux réclamations des libéraux.
Comment veut-on que les députés du clergé,
qui n'ont reçu leur mandat que par suite des
vices de la loi électorale, modifient ce qui les a
faits représentants?
La majorité ne se fait pas illusion sur ce
tpoint. Elle sait bien que si les campagnes"
n'envoyaient un plus grand nombre d électeurs
'que les villes aux comices électoraux, son man
dat ne jserail pas renouvelé. On ne peut donc
espérer que la majorité votera sou propre sui
cide, et jusqu'ici, les députés cléricaux n'ont
jîôilit"p^quvé qu'ils mettaient la justice et l'é
quité aU-uJessùs .de leur intérêt propre.
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m.
une amie. (Suite.)
M*" Valabert avança uu fauteuil et s'assit auprès de Saint-Gilles.
Avant de laisser entamer cette confidence, iFTaut expliquer eu
peu de mots l'intimité qui existait entre ces deux personnages.
Saint-Gilles n'était pas marié, M,no Valabert était veuve; maisTa-
jnitié seule faisait lesfrais de leur liaison. La mère de iules étâit ver
tueuse, non seulement par principes acquis, mais aussi pâr nature.
Froide et calme, jamais dans sajeuuesse elle n'avait admis la possi
bilité d'une faute, et l'amour, qui ^rouble les sens, l'amour sans le
mariage était pour elle une chimère ou un vice sans exouse, comme
l'hypocrisie, comme le mensonge, comme le vol. Saint^Gilles avait
reçu de M. Valabert des services dont il s'était montré reconnais
sant. Il continua de voir sa veuve peu peu il se rendit eu quelque
sorte indispensable. C était un homme qui n'avait pas son pareil
pour être aux petits soins et pour s'occuper des affaires des autres.
Continuellement aux ordres de quelques personnes qui voulaient
Éieti l'employer, il louchaitles
thèques pour des placements d'argent,
dçs mariages, se'chargeait de toutes les [complaisances, acceptait tou
tes les corvées. C'était le toutou td mieux dressé et le plus infatigable
que l'on pût voir.
Mon ami, dit Mme Valabert^ c'est vous que je dois de connaître
maintenant la comtesse de Septeuil; c'est vous qui le premier avez
pensé un mariage qui serait si avantageux pour mon fils. La com
tesse donne son consentement cette union, et elle m'a assuré que
sa fille était loin de s'y opposer. Mais j'ai découvert un secret que je
soupçonnais depuis longtemps. Jules entretient une liaison coupable
avec une femme dont il est passionnément amoureux.
Ah 1 dit tranquillement Saint-Gilles, au reste c'est de son âge.*"-
Mais s'il ne veut pas se séparer de cette femme
Bah! Jules Ifet un garçon d'esprit qui n'ira pas sacrifier son avenir
un caprice de jeune homme. Soyez donc tranquille. D'ailleurs, il
sait que des démarches ont été tentées auprès de la comtesse il a vu
sa fille. S il ne s'est pas prononcé ouvertement, il n'a pas réfusé non
plus. Il ne nous aurait pas laissés nous avancer ainsi, car, au point
où en sont les choses, il serait diflicile de rompre sans motif.
Nous ne l'avons pas consulté positivement, monsieur: nous
avons pris son silence pour Ntii consentement. Jules ignore peut-être
tout ce qui a été dit jil ne sait.pas que la comtesse est venue me voir
ce 'matin. Ne vous trompez pas sur le caractère de mon fils, je le
connais mieux que vous: c'est uu homme qui attend au dernier mo
ment, non pour prendre une résolution mais pour la déclarer, il a
besoin de sentie le danger pour avoit du courage. II m'aime, i' me
respecte; il a craint peut-être de m'affliger, mais il ne cédera pas si
cette passion est profondé.
Quel en est l'objet? dit Saint-Gilles: quelque Grisette?... une
danseuse
C'est toujours une fille perdue de mœurs, reprit Mm# Valabert;
mais, d'après ce qu'on m'a dit, elle est jeune et belle; elle appartient
une famille honnête, et par malheur elle paraît avoir reçu une
éducation distinguée. C'est une ancienne maîtresse de piano. On la
nomme Fanny...
Fanny Dumesnil?
Oui. Vous la connaissez
Oui, parbleu! Elle a donné pendant quelque temps des Jeçtfhs
ma petite nièce. Une superbe créature, je vous jure; une taille, des