JOURNAL DYPRES ET DE L ARRONDISSEMENT.
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2e ANNÉE. N° 191.
DIMANCHE26 FÉVRIER 1843.
INTERIEUR.
FEUILLETON.
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Si
YPRES, le 25 Février.
LES BOURGMESTRES EN DEHORS DU CONSEIL.
Nous avons vu appliquer pour la première
fois, cette modification la loi communale, qui
permet au pouvoir de choisir les bourgmestres
en dehors du conseil. Quelque mauvaise opinion
qu'on ait pu se faire du ministre de l'intérieur,
sa partialité dans la nomination des chefs de la
commune a surpassé toutes les prévisions.
Il est maintenant du dernier positif, que ce
n'est point dans un intérêt administratif, mais
bien politique, que cette modification a été vo
tée. Le parti clérical ayant la conscience de son
impopularité, persuadé de son infériorité numé
rique, a tenté de conserver et d'étendre son in
fluence, en imposant aux communes ses âmes
damnées. Mais la loi s'y opposait. Dans son in
térêt, la faction a déchiré la loi.
Rappelons les paroles de M. Nothomb pendant
les discussionsde cetteloi atlentaloireaux libertés
communales. Ce ne devait être que pour des
graves motifs, que le bourgmestre pouvait être
pris en dehors du conseil.
Bonnes gens que nous sommes de croire que
cela voulait dire, qu'on aurait rarement fait usa
ge de celte prérogative, attendu que ces motifs
qravesdans notre manière de voir, se rencon
trent rarement. Mais aux yeux du parti clérical,
mettre un bourgmestre libéral de côté, n'est-ce
point un motif grave? Très-grave en efFet, car
aujourd'hui on n'est rien sans l'avis préalable
et la sanction du clergé.
On doit soupçonner que ces motifs peuyenf-
être très-graves au point de vue cléricalsans
cependant être acceptés comme tels par le pays.
Les conséquences l'ont.bien prouvé. Car par
tout où des bourgmestres, pour de motifs aussi
gravesc'est dire, parce qu ils ne plaisaient
point au clergé, n'ont pas été renommés, des
troubles, des rixes ont été la suite de celte
saine appréciation des besoins administratifs
de la commune, puisqu'audire de M. Nothomb,
les motifs graves devaient avoir une source
administrative
Il est prouvé maintenant, que les cinquante
bourgmestres qui ont été éliminés, étaient tous
véhémentement soupçonnés d être entachés de
libéralisme. Crime irrémissible aux yeux de la
faction et par conséquent de M. Nothomb, qui
est son très-humble serviteur.
Qu'on ne nous dise pas que ces bourgmestres
libéraux étaient mauvais administrateurs. Eh
non, car la plupart étaient gens instruits qui
jouissaient de l'estime et du respect de tous
leurs administrés. Quelques-uns même ont été
remplacés, qui par un bedeau, qui par un pâtre,
qui par un sacristain etc. Ce ne sont donc
point les exigences administratives qui ont né
cessité ces déplacements. Il serait très-difficile
d'en trouver les motifs autre part, que dans les
passions politiques du parti clérical.
Grâces en soient rendues au parti clérical et
son digne homme d'affairesM. Nothomb, la
zizanie et le trouble ont été jetés dans beaucoup
de communes, jusqu'ici paisibles et tranquilles.
^•Une soif insatiable de pouvoir a transformé
en brandon de discorde, une loi qui, prutlem-'
ment appliquée, devait renforcer l'action du
pouvoir central dans le goyvernement du pays.
.«.Mais la tentation a été trop forte au gré du
èléi'ical, pour ne pas lâcher là bride ses
ypViîfets réactionnaires. On a abusé i^utie préro
gative conquise par l'hypocrtsfe, àtel point, que
même dans les commupes les plus huqjbles, on
a soulevé des ipimiliéif.ardentes et des rancunes
vivaces.^ qu,e.le pouvoir* aurg jjeine assoupir
de lo.ngfemps. - f
La chambre des représentants ne cesse de
s'occuper de la question des sucres. Question
ardue et qui met en présence des intérêts qui
paraissent jusqu'à présent inconciliables.
Les ports de mer par l'organe de leurs repré
sentants, défendent vivement le sucre exotique.
D'autres députés ont pris cœur les intérêts de
la betterave qui les entendre, est la mine
d'or de la Belgique. Elle seule doit faire fleurir
l'agriculture, comme si le sol de la Belgique avait
attendu l'invention du sucre de betterave, pour
être bien cultivé.
Voilà une question d'intérêt matériel comme
les aiment nos ministres, hommes d'affaires.
Eux qui ont convié le pays ne s'occuper que
de ses intérêts matériels, doivent maintenant se
trouver leur aise et guider les débats d'une
main sûre. Hélas! nos hommes d'affaires sont
aussi nuls dans les questions matériellesque
dans les question!-politiques.
L'un, M. Desmaisières chante la palinodie.
Après avoir été fervent adorateur de la betterave,
il est devenu non moins zélé partisan du sucre
exotique ses conclusions sont que le gouver
nement a besoin de millions.
L'autre, M. Smits ne prend la parole que
pour défendrecomme on dit vulgairement, sa
chapelle. Tous les députés font des discours,
pour revenir toujours sur les mêmes arguments
vingt fois dits et redits.
Et les feuilles cléricales, qui avaient coutume
•'de s'apitoyer si piteusement sur le sort du con
tribuable propos de la longueur et de l'inu-
'tifrté des discussions politiques, que diront-elles
des longs débats que soulève celle question^
Cp qu'elles en diront Rien. Mais une réflexiotf-
que les journaux du clergé feront, mais ne
communiqueront pas au public, <^est que pen
dant que l'opinion s'occup'e .de la question des
(Suite.)
IV.
une épreuve.
Cependant la même place où noua Pavions déjà vue, Fanny,
assise trislement, promenait tour tour ses regards de la croisée la
porte, attentive au moindre bruit et témoignant par sa physionomie
plus d'inquiétude que.d'espoir. Combien l'annonce de la'résolution
de Jules lui causa de joie! Ma's plus le moment fixé pour le mariage
approchait, plus elle avait le cœur serré par un vague pressentiment.
11 y avait déjà plus de huit jours que Jules était loin d'elle, et cette
absence, la première dont elle eût eu souffrir, l'avait livrée sans
défense aux agitations de son propre cœur, et en même temps cer
taines intrigues qui étaient venues la troubler dans sa solitude. Dès
le lendemain du départ de Jules, un'Jttkdil'sictir'qu'elle se souvenait
d'avoir vu autrefois dans le salorfdès pàrfeiits de sa jeune éçolière,
Saint-Gilles s'était présenté chfcz elle, et entamant satts façon lW-'
tretién, il lui avait parlé des pfôjéls'de lafa'mille de'-Jules,' des 'pÙtus
brillants que l'amour de ce jeune homme avait fait échoUer^
regrets qu'on en éprouvait, de la peine qu'on avait eue consentir
l'union projetée, et d'un dernier espoir qu'on plaçait dans la déli
catesse de Fanny pour faire accepter ces belles propositions. Saint-
v. r
Gitlei ne manqua pas de les accompagner de .force compliments et
déloges. On avait tant d'estime pour elle, qu'on ne serait pas sur
pris-qu'elle voulût elle-même, mieux instruite des difficultés qui
existaient, sacrifier sa pasèign l'avenir et la fortune de Jules j on
la savait assez désintéressée pour ne pas douter de son dévouement,
et trop sincère dans son amour pour qu'elle hésitât faire passer les
intérêts dedules avant les siens propres. Tout cela fut dit avec mé
nagement, mais d'qn air où perçait le scepticisme de l'homme du
- monde, prêt nier toute affection sérieuse. Restait un dernier argu
ment, celui d'un dédommagement pécuniaire en échange de tant
d'espérance? trompées. Il n'osa le risquer, malgré le succès qu'il s'en
était promis. 1/altitude de Fauny lui imposa trop pour que ce mot
put sortir de sa bouche: Saint-Gilles se retira sans avoir reçu de ré
ponse, en se contentant de la prier de Lui faire connaître sa résolu
tion. Le lendemain, après une nuit d'insomnie et de fièvre, elle lùi;
envoya une lettre ou il n'y avait que ces mots
Adressez-vous Jules.
.C'était replacer le négociateur sur un terrain où il avait été con
stamment battu.
-
'Mais ces tentatives^ cet appel sa générosité, ce tableau un peu
chargé du désespoir de Mine Valabert, avaient détruit toute sa sé
curité, lui montraient le présent plein de luttes et de combats, et
l'avenir incertain et sombre. Pour la première fois elle songea sérieu
sement aux intrigués, aux machination* de tous genres qu'une fa-
mille puissante et ambitieuse pouvait organiser autour d'elle. Elle
n'avait.eu aucune réponse àfaireà Saint-Gilles; eRg n'avait pu avouer
cet être railleur le uaplif secret qui lut .faisait un devoir de la ré-
Sistauce. \>v.:
c: t.. T -n versant d'abondantes lar-J
homme, je me seraisii-top'"
Tbat-
e de moi et ne me méprit
eur, jele sacrifierais l'S^UI
Si la mère de Jules/s'écria-t^elle en versant d'abondantes lar-/
mes, fût veiiue elle-même an Iîeù de cet homme, je me se rais jet' U
ses genoux et jeîqi a tirais Mit c 'Ayez pitié -l
pas. S'il ne s'agissait qu'e .de mon bonheu
stant s'il ne fallait.que rénoncèr lui, eh bien quoique je l'aime de N
toutés les forcesMê mon âme, je fuirais, je me cacherais au monde,
et ni-vous, ni lui, ni personne vous n'entendriez parler Je moi. II
m'oublierait peut-être et un jour il serait heureux, et enfouissant
de ce bonheur, vous'me remercierez: ce serait ma consolation. Mais,
hélas! une autre voix m accuserait j un être bien cher que je dois
aimer, Madame^ comme vous aimez votre fils, me demanderait
compte d'un sacrifice qui le priverait d'un nom, d'une famille, d'un
avenir, et vous-même, qui êtes si bouue, m'ordonuerez-vous d'être
une mauvaise mère?
Un moment, exaltée par sa douleur, elle eut 1 idée d'aller chez
Mme Valabert pour lui déclarer tout et se mettre sous sa protection
mais la honte la retint. Si elleeût connu M'"® Launay, cettq amie si
sincère et si indulgente dont Jules lui avait appris les généreuses dé
marches, elle se serait confiée elle et elle se serait crue sauver, ta
timidité la retint encore. Ainsi,-pendant ces huit mortels joyrs,