JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2e ANNÉE. N° 193.
DIMANCHE3 MARS 1843.
FEUILLETON.
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HTERIECR.
YPRES, le Mars.
LES NOMINATIONS DES BOURGMESTRES.
Pour quelques provinces, l'opinion publique
se trouve maintenant en même déjuger, com
ment le ministère a usé de la loi, qui lui con
fère le droit de choisir le bourgmestre en dehors
du conseil. Le Moniteur officiel a donné la liste
des nominations pour les provinces du Brabant
d'Anversel des deux Flandresmais sans in
diquer, si le bourgmestre avait élé choisi en
dehors du conseil. L'Indépendant a été chargé
de combler celte lacune. A la suite de la liste
officielle, il fait connaître le chiffre des nomina
tions en dehors du conseil.
Dans ces quatre provinces, une trentaine de
communes ont pour chefs de l'administration
des hommes qui ne sont pas les élus de leurs
concitoyens, qui ne jouissent pas de la confiance
des électeurs, mais qui par contre, sont bien
vus du commissaire de district el surtout du
curé du village.
Remarquons qu'à l'endroit des villes, aucun
bourgmestre en dehors du conseil ne leur a élé
imposé. Ce n'est pas que M. Nothombet le parti
dont il est Yhomme d'affairesn'en aient eu
envie, mais le courage leur a manqué.
S'ils ont reculé devant les suites de ces nomi
nations impopulaires dans les grandes commu
nes, les petites onl été traitées par eux d'autant
plus impitoyablement.
Tous les bourgmestres qui ne plaisaient
point aux commissaires d'arrondis^mentau
curé et son bedeau, ont été éliminés, quoique
jouissant de la confiance des élecléttrs et mem
bres du conseil. Des hommes qui onl rempli
celte fonction pendant vingt-cinq ou trente ans,
qui ont tenu leur mandat de ^élection popu
laire après 11130, n'ont plus été renommés par
le gouvernement. Et pour être remplacé par
qui Souvent par un homme qui n'avait d'au
tre titre occuper celle place, que d'être la
dévotion quand même du curé et de sa servante.
Quoique le libéral M. Nothomh ne s'en ex
plique point el pour cause, ces mutations ont
eu un but politique et nul autre. Il s'agit bien
pour le parti clérical, d'assurer la bonne admi
nistration d'une commune. S'occupe-t-on de si
peu de choses au ministère
Les élections pour les chambres sont là, il
s'agit de trouver sur place un agent qui in
fluence les électeurs dans le sens ministériel.
L'action du clergé sur les comices électoraux
commence à.s'user, il faut voler son aide. En
prenant pour bourgmestres des hommes dé
voués au parti clérical, en éliminant le pelit
nombre de ceux qui, trop éclairés, se respectent
trop, pour se trouxer sous la férule de leur curé,
on est arrivé assurer au gouvernement, unës
intervention efficace dans les grandes luttes
électorales.
Mais M. Nothomb voudra-t-^bien faire con
naître les motifs graves qui l'ont engagé choi
sir ces trente bourgmestres en dehors du conseil.
Le nombre n'en est pas si élevé, qu'il ne puisse
rendre le pays juge de l'opportunité ou de la
nécessité de ces déplacements. Ou "se conten-
tera-t-il par hasard de ne donner l'opinion
publique d'autres explications, que les sèches
statistiques de XIndépendant!
Quels sont don<^ les graves motifs qui ont
forcé M. NotRorrib, refuser un nouveau man
dat des hommes trè£-"honorables, qui ont
rempli letfr^. fondions Ja Satisfaction de tous
leursconcitoyens, puisqu^Ts ont été réélus pour-
la plupart la presqu'unanimité? Ces motifs gra
ves doivent cependant être articulés,* puisque la
loi n'a été volée que,parce que le ministre de
l'intérieur a promis qu'il les ferait connaître, s'il
en était requis.
Mais hélas nous craignons bien que le seul
motif grave qu'on puisse alléguer, si l'on ose
le faire, sera que les bourgmestres non renom
més sont entachés de libéralisme.
Ce qu'il a de plus curieux dans la statistique
de l'Indépendant, c'est le parallèle entre le
nombre des bourgmestres non réélus par les
électeurs et celui non renommés par le pouvoir.
Il est par trop drôle de voir le ministre de l'in
térieur oublier l'origine du gouvernement belge,
qui se trouve cependant inscrite dans la Consti
tution. Tous les pouvoirs n'émanent-ils pas de la
nation? et cependant M. Nothoml^. ministre
de par la Nation prétend demantSer compte
aux citoyens de leur vote^S^JÎïs électeurs ont
repoussé la candidaturw^fè^rtains individus,
ils pourraient, nous en^Sfmmes certains, en
dqpner. de. )i llflfe11 j® minislère
pour expliquer ses nom'mâuOT^s des bourgmes
tres en dehors du conseil.
D'ailleurs nous désirons bien savoir si les
électeurs ne sont pas meilleurs juges de celui
qui a géré les intérêts de la communeque le
minislère. Souvent en co'n'fÇrant celle place, le
pouvoir ne récompense de celte manière, que
des services rendus ou re idce.uti p oserait
avouer.
Nous voyons dans ce faiftirne tendance du
gouvernement qui n'est pas nouvelle c'est de
vouloir faire passer pour façjjeusela majorité
électorale qui réprouve la sujétion du pouvoir
l'endroit du clergé. Le pouvoir.central lend
s'engager dans une lutte avec l esprit libéral qui
domine dans beaucoup de communes.
Si nous étions des libéraux exagérés commq
on nous en accuse, loin de déplorer celle marche
du gouvernement, elle aurait lieu dè nous salis
faire. Grâce la manière dont on s'est servi de
JV.
une épreuve. (Suite.)
Jules 1 écoutait, il aurait voulu la croire, mais, comme un poison
attaché après lui, la lettre fatale brûlait ses mains. 11 reprit avec un
sourire amer où éclatait le sarcasme
Ainsi, vous avez pu me tromper, et cette fausseté, vous me l'a
vez répétée souvent, et vous l'avez longtemps souteuue, el je ne m'en
suis pas aperçu, tant votre regard avait de sincérité, tant votre bou
che était naïve, comme elle l'est dans ce moment où vous me trom
pez encore
Il lui arracha la clé. Stupéfaite de cette- violence, elle retomba
demi-morte sur un fauteuil.
Jules ouvrit le secrétaire, puis le tiroir, puis l'écrin... La bague
ji'y était plus
Ah s'écria-t-il, j'en était sûr!
ce cri, Fanny se ranima, courut au secrétaire et chercha son
tour.
Ma bague ouest ma bague? n
Disparue
Volée volée!
Oui, volée répéta Jules. Puis prenant violemment la jeune
fille par le bras, il lui mit la lettre sous les yeux et acheva de la lire
tout haut':
Ce qui prouve, monsieur, que tous les liens ne sont pas rompus
m entre cette femme et cet ancien amant, ce qui prouve qu'ils s'ai-
meut toujours el que le départ d Ernest Gairal servira seulement
ii faciliter un mariage avantageux, c'est qu'en se séparant de lui elle
lui a remis une-bague de famille, un anneau qu elle lient de sa
mère et où sont enchâssés ses cheveux...
Eh bien! poursuivit Jules, niez donc maintenant! Cet anneau,
vous me l'aviez refusé! la clé, vous me la refusez aussi Ruse après
ruse! Mensonge sur mensonge
Marianne! s'écriait Fanny, l'air égaré, les cheveux en désordre
et courant d une chambre l'autre, qui a pris cette bague? d'où vient
cela? Mariaune! Marianne!
AH! vous savez bien qu'elle n'est pas ici! C'est moi seul qui
vous répondrai. Je vous maudis et je déteste le jour où je vous ai
connue Adieu adieu! Dites votre amant de revenir, u
En se retirant il tourna un dernier regard sur elle. Elle était éten
due par terre, immobile, pâle, et dans un état voisin de la mort. Il
fit quelques pas pour la secourir; mais revenant ses ^iRiments
d'indignation et de mépris, il sortit, appela une vielle voismi£et, lui
montrant Fanny évanouie
Ayez soin de cette femme, dit-il;
Puis il lui jeta une boursc'd'of et disparut.
Lorsque Roméo apprend de son serviteur Baltazar la nouvelle de
la mort de Juliette, il ne prononce que ces patries: a En est-il ainsi?
A présent astres cou traire*!, je vous défie. Puis il achète du poisor
Cette sombre douleur si sobre de plaintes émeut plus profondément
qu'une paraphrase éloquente. Eu*effet, nôus..£>jjs intéressons un
homme, quel que soit le but vers lequ^ il marche et même quand
nous lie partageons ni ses sentiments m ses passions, tant que l'es
pérance le soutient et qqe l'incertitude retarde le dénouement, Mais
quand son sort est décidé, il faut qu'il nous fasse grâce de l'exp-
siun de sa joie ou de sa douleur. Ce qui est terminé n'excite plus
l'attention. Nous épargnerons donc au lecteur le récit détaillé*des
souflrances morales de Jules VaJabcrt. Après la scène terrible que
nous venons de raconter, nous/ranclïirons un intervalle de dix-huit
mois et nous le retrouverons'marié depuis un an environ au moment
où sa femme ouvrant la porte du cabinet, lui dit d'une voix <\Qiicc
et timide
fc Pardon, si je te dérange, mon ami, mais la personne que lu ai
fait demander vient d'arriver. Veux-tu la recevoir maintenant, ou
faut-il la faire attendre
Jules avait épousé son ancienne amie, sa bonne cousine. Adèle
Launay.
Quelques mots sont nécessaires pour expliquer le changement
survenu dans la position de ces deux personnages.
A, la suite de la rupture avec Fanny, uHe fièvre violente avait mis