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JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2e ANNEE. N° 194.
JEUDI, 9 MARS 1843.
ivruitiKi'it.
FEUILLETON.
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LA SÉANCE DE LA CHAMBRE.
La discussion de la question des sucres vient
de prendre une tournure politique, au grand
déplaisir de M. le ministre Nolhomb et de son
parti qui ne croyait pas que le débat en était
susceptible. L'honorable M. Lebeaupar un
magnifique et éloquent discours, a pris partie
le ministère et lui a reproché le manque de di
gnité qu'offrait sa conduite Quand on prétend
être appelés hommes d'affaireson s'occupe
davantage des questions matérielles. Si on en
entame la discussion, il est déplorable de voir
un ministre des finances changer six fois de
système et pour finir, en dernière analyse, par
laisser chaque représentant développer une pro
position lui, sans diriger davantage les débats.
M. Lebeau a tracé la ligne de conduite que
devait tenir le cabinet, s'il ne voulait mettre le
gouvernement du pays entre les mains de la
Chambre. L'ancien chef du ministère a trouvé
dans celte question, tous les éléments d'une ques
tion de cabinet. Après avoir consulté les cham
bres de commerce et entendu leur avis, un
ministère qui se respecte, devait présenter la
Chambre un projet mûrement élaboré. Alors,
en soumettant un travail consciencieux la
Chambre, il eut dû s'y tenir. En attachant son
existence son adoption, il eut certainement
rallié la majorité. Cela ne faisait pas le compte
du parti, auquel le ministère est inféodé; car
ne votant que des lois liberticides en matière
politique, la faction veut conserver quelques
restes de popularité, en se posant la protectrice
unique, l'exclusion du parti libéral, désinté
rêts du commerce et de l'industrie.
Au lieu de cette conduite noble et ferme
qu avons-nous vu? Un ministre des finances qui
présente un projet sans consulter les institutions
qui sont chargées spécialement de défendre les
intérêts du commerce. On jette les hauts cris la
section centrale propose des modifications la
loi. Le ministre présente son second et son troi
sième système. On arrive la discussion, la
Chambre fait justice de ces projets de loi indi
gestes et les rejette. Depuis ce moment, la Cham
bre perd son temps discuter confusément
différentes propositions contradictoires, qui, si
on n'adopte le système de la section centrale,
nous donneront une loi fiscale basée sur tout
autre chose que des chiffres.
Si nous devons en juger par la vivacité des
réclamations parties du côté droit de la Cham
bre. l'honorable M. Lebeau mis nu la plaie
ministérielle. Ce discours a réveillé M. Nolbomb
de sa torpeur, il a rompu le silence dans lequel
il se complaisait avec trop de mollesse. C'est un
réveil un peu dur, mais trop bien mérité.
Les principaux orateurs du parti clérical ont
pris part au débat, pour atténuer l'impression
produite par l'éloquente improvisation de M. Le-
lieau. Un membre, l'honorable M. Dubus que
vous connaissez, l'auteur de la proposition en fa
veur de l'université catholique, n'a pu garder
le silence.
On n'a point oublié que l'honorable membre
soutenait que la demande desévèques n'était pas
le rétablissement de la main-morte, mais simple
ment une personnification civile. Comme on l'a
vu le représentant de Tournay a fait des
études profondes sur la manière de plumer
la poulesans la faire crierCe même député a
cru pouvoir interrompre M. Lebeau, pour lui
reprocher son opinion, machiavéliq ne d'après lui.
Mais elle n'est telle aux yeux de cet honorable
pi
représentant, que parce qu elle est contraire au
ministère et au parti qui, depuis deux ans, ne
sont arrivés au timon des affaires, que par le
mensonge et l'hypocrisie.
VILLE D'YPRES. conseil communal.
Séance publique du 7 Mars 1 (S 4 S
Présents MM. Vanderslichele de Maubus
AVa 11 de n Peereboom etGérard Vandermeersch,
échevins, Annool, Vanden BogaerdeBoedt,
Iweins-Hynderick Smaelen Boedt, notaire,
Legraverand, Vande Brouke, Ern. Merghelynck,
Beke Pierre, Iweins François.
Après la lecture du procès-verbal de la séance
écédenle, qui est approuvé, le président an
nonce au conseil que les efforts du collège
pour soustraire le jeune Fiers la milice, ont
été couronnés de succès.
Les comptes et budgets des fabriques d'églises
sont présentés l'approbation du conseil, qui
les adopte de confiance et sans aucune obser
vation.
On passe la lecture du rapport sur les
comptes du Bureau de bienfaisance. M. Vanden
Bogaerde, rapporteur, conclut l'adoption,
mais en priant le collège de donner communi
cation au Bureau, du travail de la commission
qui contient quelques observations sur le mode
d'administration intérieure de cette institution
charitable.
Lê même conseiller présente le rapport sur
le budget du bureau de bienfaisance qui est
adopté avec une légère modification. Surle
rapport de M. Vanden Bogaerde les comptes et
budgets de la salle syphilitique sont approuvés.
On soulève la question de savoir s'il est oppor
tun de surseoir l'exécution de la délibération
du 29 juin 1842. permettant la vente des terrains
iv.
une épreuve. (Suite.)
Aux affaires qui occupaient Valabert s'étaient joints les intérêts
de famille régler, des titres de succession examiner, des lettres
et beaucoup de papiers copier. Il avait donné ordre qu'on s'infor
mât de quelqu'un d'honnête et de sûr qu'il pût charger de ce tra
vail, et, ainsi que nous l avons dit en commençant, sa femme venait
de lui annoncer l'arrivée de ce personnage inconnu.
A la question qui lui était faite: Yeux-lu le recevoir maintenant?»
Valabert répondit d'une manière affirmative.
«i Mon ami, ajouta sa femme, me permettras-tu de rester?
--■Sans doute. Mais d ou te vient ce désir? Il s'agit de papiers,
d'affaires, de chiffres la conféreuce sera fort ennuyeuse.
C'est que. dit-elle, je n'ai parlé qu'un instant 1 homme qu'on
t'amène, et je me trompe fort, ou ce doit être quelque original plein
de manies divertissantes.
Eh bien tu vas en juger. Qu'on le fasse entrer.
Un vieillard se piésenla, et son début justifia ses prévisions de
Mmc alabert. Arrive sur le seuil de la porte, il salua d'une manière
grotesque et avec une politesse outrée. Il avait pris deux uiains un
vieux chapeau dont les bords étaient brisés, et le mouvement rapide
qu'il avait imprimé sa tête courbée jusqu'à ses genoux avait ramené
sur son front la mèche effiloquée d'un crasseux bonnet de soie noire.
Comme si ce n'eût pas été assez de ce ridicule salut, il le recommença
trois fois intervalles égaux, avançant chaque fois de deux pas, et
sans s'apercevoir le moins du monde que Mme Valabert et sou mari
faisaient de vains efforts pour s'empêcher de rire. Quand le pauvre
homme eut terminé ses exercices, il se redressa, portant autour de
pii des regards humbles et honteux. TouUà-coup sa figure prit une
expression d'élonnement il reala les yeux ébahis et la bouche toute
grande ouverte devant Valabert, Adèle examinait celte inexplicable
grimace, lorsque sou mari, qui venait de rappeler ses souvenirs déjà
anciens, s'écria
Ternisien
Monsieur Jules Valabert répondit l'ex-professeur. Comment!
vous avez eu la bonté de reconnaître mes traits? vous n'avez pa^
oublie celui qui vous a enseigné les principes d'un art qu'on méprise
maintenant, et dont je suis peut-être l'heure qu'il est, le dernier
représentant? C était bien différent dans le temps où j'allais vous
donner mes leçons, rue Saint-Honoré, 1 hôtel qu'habitait monsieur
votre père Il y a bien de cela dix-huit ans, et je me suis toujours
souvenu de vous, parce que vous étiez doux et honnête avec votre
professeur. Je vous demande pardon, madame, si je parle ainsi de
vant vous, au lieu d'attendre les ordres de monsieur votre mari,
niais cela me rajeunit de penser ce temps-là. Voyez-vous madame,
]1 ne faut pas trop faire attention la manière dont je suis habillé.
Ce malin, pour venir chez vous, j'ai biossé et nétoyé ces haillons
autant que je l'ai pu mais tout cela, je le sais, est bien vieux, bien
misérable. J'étais honteux en entraut si vous n'aviez pas été là, vos
domestiques m'auraient peut-être mis la porte comme un pauvre-
Alors je me suis troublé, j'ai fait des saluts bien bas, bien bas, pour
qu'on me pardonnât ma présence dans ce bel appartement. Mais
autrefois je savais me présenter convenablement, madame, et j ai
grondé et mis en pénitence des demoiselles aussi jolies et aussi riches
que vous.
Adèle sourit avec un air de bonté qui acheva de rassurer Terni-
sien.
a Vrai dit-il Jules, je suis content de vous retrouver.
Moi aussi, répondit le jeune homme.
Allons, vous n'êtes pas changé. Toujours bon et sans fierté.
Puisque vous me mettez si mon aise, je vous demanderai, pendant
que vous m'expliquerez quoi je puis vous être utile, la permission
de in'asseoir auprès de la cheminée. Il y a si longtemps que je n'ai
vu chez moi d'autre feu que celui de la chandelle, et même quand
je ne me couche pas, par économie, avec le jour!
Et Ternisien approcha un fauteuil, s'assit sans plus de cérémonie,
oubliant tout-à-fail l'étiquette, allongea ses pieds entre les deux
coudes appuyés sur ses genoux, il approchait du feu ses mains sèche*
et ridées.