JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
DIMANCHE, 2 AVRIL f8A3.
2e ANNÉE. N° 201.
INTERIEUR.
FEUILLETON.
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YPRES, le I" Avril.
l'union fait la force.
L''Organe des Flandreset après lui lesjour-
nauxdu parti dominant, s'émeuvent la vue du
mouvement qui se manifeste aujourd hui dans
la nation. Toutes les nuances d'opinions qui
jadis partageaient la Belgique, tendent en effet
se fondre en un système énergique d'opposi
tion aux envahissements du parti rétrograde.
Aussi les organes de la presse cléricale n'es
saient-ils plus de dissimuler leur mauvaise hu
meur, et la nouvelle de la création des comités
électoraux de Gand de Tournay etc., a été
accueillie avec dépit par nos adversaires. M.
Nolhomb, lui. a qualifié la première de ces as
sociations d'alliance monstrueuse. Examinons
toutefois jusqu'à que! point M. le ministre de
l'intérieur est fondé porter un jugement si
sévère.
La domination cléricale est devenue dès-à-
présent intolérable, chacun sent que le temps
est venu de la briser et d'imposer un frein
celle ambition qui menace de nous asservir
un joug que les peuples n'ont sécoué qu'en ré
pandant des flots de sang. Oui, M. Nothomb,
Patriotes, Orangistes, Républicains, ne doivent
faire désormais qu'un parti, parce que l'ennemi
combattre est commun tous, parce que la
caste qui veut nous faire rebrousser vers un
passé désastreux, opprimera tous les partis, si
l'on ne se hâte de l'arrêter dans sa marche. C'est
l'incendie qui dévore un quartier, et chacun
est solidaire de sa part d'efforts, pour arrêter
les progrès du feu.
Que la coalition s'organise donc partout Les
bons citoyens doivent l'appeler de tous leurs
vœux, parce que d'elle naîtra le salut de la
constitution et celui du pays.
N'ayons nul souci de ces accusations banales
de Francs-maçons, de Radicaux, d'Orangistes,
de Républicains, c'est là une des armes émous-
un mariage entre artistes.^
Dans la rue de Courcelles, derrière l'église paroissiale.de Saint-
Philippc-du-Roule, ou remarquait, il y a cinq ou six ans, un petit
pavillon entre cour et jardin. La maison était d'une apparence mo
deste, mais le lierre qui en tapissait les murailles, et la vigne qui
grimpait tout autour de ses croisées, formant pour chacune d'elles un
riche cadre de verdure, présentaient l'extérieur un aspect si riant
et si agreste, que le passant s'arrêtait involontairement pour en jouir
quelques instants de plus. Il s'exhalait de celte habitation un parfum
de bonheur et de tranquillité qui faisait soupirer d'envie les artistes
et les hommes de lettres qui peuplent cette rue excentrique.
La petite famille qui vivait sous ce toit demi champêtre se com
posait d'un vieillard, d'une jeune demoiselle, sa fille, et d'une gou
vernante sexagénaire.
M. Straub (le vieillard) était un ancien professeur de clavecin; il
avait eu l'honneur de donner des leçons la charmante reine Marie-
Antoinette. M. Straub avait eu quelque réputation dans son temps;
il était alors un des seuls professeurs qui osassent porter leurs leçons
au prix exorbitant d'un petit écu par séance et comme il n'était pas
atteint, par bonheur pour lui, de ce dérèglement de moeurs qu'on
sées, tirées du vieil arsenal de ceux dont la devise
fut toujours, diviser pour régner. Ils espèrent,
en réveillant d'anciennes antipathies profiter
de nos dissensions.
Déjouons la politique machiavélique de nos
adversaires; serrons-nous la main, et inscrivons
sur notre drapeau L'Union fait la Force.
Parmi les chapitres du Rapport sur l'adminis
tration de la ville d'Ypres, celui qui concerne
l'instruction moyenne paraît être le sujet de
nombreux Commentaires. Sans vouloir nous occu
per ici de l'atmosphère des écoles, du retrait de
subside si vivement regretté, du refus d'instruc
tion religieuse fait par forme de représailles, etc.,
etc. nous croyons devoir communiquer nos
lecteurs une seule des réflexions que ces
Commentaires ne peuvent manquer de faire surgir.
Le 22 octobre 1R-42, le Conseil communal sur
des propositions qui lui furent faites, consentit
soumettre le collège la double inspection
de l'état et de l'autorité ecclésiastique. Nous
nous abstenons de porter un jugement sur ces
faits. Mais en faisaut ces concessions importantes
en cédant pour ainsi dire l'état et l'évêque
une partie de ses droits sur l'enseignement, que
voulait le conseil?... Obtenir un subside...,
répondent les commentateurs du Rapport,. Celte
réponse ne nous étonne pas de la part de ceux
qui, d'après leurs vues étroites el merca-nliles,
ont l'habitude de réduire les questions les plus
graves de simples questions d'argent et qui
aujourd'hui versent encore des larmes amères
au souvenir du subside qu'ils ont perdu.
Nous croyons, nous, que d'autres considéra
tions ont dicté au Conseil sa décision du 22
octobre 11542. En faisant des sacrifices, l'adminis
tration espérait plus qu'un subside.
Upe administration doit san£ nul doute cher
cher* par..tous les moyens licites, augmenter ses
ressources; c'est son devoir; mais vendre ses
droits el privilèges serait un crime dont ou pour-
reprochait la plupart des artistes de cette époque, le luxe de ses
prix l'avait mis en état de faire dés économies et d'acheter de belles
et bonnes propriétés.
Le vieux joueur de clavecin était un homme d'un caractère mé
lancolique, mais doux et bienveillant. Son grand défaut était d'ai
mer un peu trop parler du temps passé. Il rariait assez bien ses
nombreuses histoires anecdotiques mais comme son auditoire ne
variait ja'mais, il en résultait que sa fille, sa gouvernante et deux voi
sins qui, depuis vingt ans, faisaieut chaque soirée sa partie de piquet
ou deboston, entendaient régulièrement tous les six mois la même
.anecdote sur M. Gluck et sur le petit Grétry, car le premier avait
été l'ami de M. Straub, et il avait protégé les débuts du second.
M. Straub avait fait, dans les premiers temps de l'empire, la mu
sique de je ne sais quel ballet ou intermède dont le succès fut tout-
à-fait éphémère, mais qui classa cependant le compositeur au nombre
des artistesquijouissent de leurs entrées au théâtre, titre d'auteurs.
En conséquence, M. Straub, pourne point laisser périmer ses droits,
allait tous les mois, jour fixe, entendre un opéra l'Académie de
musique. Cette apparition périodique dans le sanctuaire de l'harmo
nie (style officiel de l'époque), était le dernier lieu qui attachât le
vieux musicien son art; car depuis bien longtemps, M. Straub
avait cessé de le professer. Sa retraite datait, je pense, du perfec-
rait lui demander compte. Nous sommes donc
convaincus que le Conseil a voulu, en faisant I a-
bandon d'une partie de ses droits, atteindre un
but d'un ordre plus élevé. On criait au despotis
me, la minorité de notre ville avait déclaré une
guerre aussi acharnée, que peu redoutable. Le
Conseil fort de sou unité, crut pouvoir faire des
concessions, sans crainte de se voir taxe de fai
blesse nos magistrats pleins de bonne foi pen
sèrent avoir faire des hommes de bonne foi
comme eux. Ils espéraient, en donnantdes gages
de leur bon vouloir, ramener la paix et l'union
entre tous leurs administrés. Tel était le noble dé
sir qui animait les hommes que l'on appelle des
Brouillonsdes Libérâtres, des Clérophobes
Eh bien! les faits conciliants posés par eux,
sont taxés de lâcheté.
On répond par des insultes des avances
loyales, et on attribue la peur, un acte que le
désir de conciliation seul avait dicté!
Que ceci serve de leçon nos magistrats
communaux! Ils comprendront enfin qu il est
un parti qui ne traite jamais', qui veut être
maître absolu, partout el toujours.
D'ici peu de temps le Conseil communal
aura donner l'instruction primaire une or
ganisation nouvelle. Nous espérons qu en cette
circonstanceil saura profiter de ia leçon que
les commentateurs du Rapport viennent de lui
donner. Nos magistrats nous avons lieu de le
croire, étaient disposés faire des concessions
la minorité. Qu ils s'en gardent: car on les
accuserait de faiblesse, voire même de lâcheté.
(Nous reviendrons sur cette leçon faite aux hom
mes modérés, l'époque de la discussion sur
l'enseignement primaire.)
Une feuille de cette ville, dans son N" du 25
mars dr, rend compte du refus de sépulture
ecclésiastique fait un homme appartenant
une respectable famille de Courtrai, parce que
cet homme fut membre d'une association dont
tionnement du forte-piano et de sou instrumentation, les noms
d'Erard et de Moschèles étaient en abomination dans la rue de
Courcelles.
Le caractère affable et paisible du respectable artistè subit en 1827
de rudes modifications. M. Straub, dont on admirait l'humeur égale
el conciliante, devint tout-à-coup taquin et querelleur. Le sujet de
ce pénible changement fut pendant quelques mois une énigme pour
la fille et pour les amis du bon vieillard. On s'imagina que quelque
perte pécuniaire, quelque dérangement de fortune Affectait ainsi,
el l'un des deux ou trois intimes se mit en quête des informations
sur les placements de l'ex-professeur; mais ses soins fuient inutiles.
La jeuue fille et la prudente gouvernante passèrent eu revue les af
fections et les habitudes du vieillard; ce fut tout aussi vainement.
Cependant elles s'aperçurent que M. Straub racontait ses bistoirès
sur le vénérable Gluck et sur 1 illustre Grétry avec un dégré d en
thousiasme qu'il n'avait pas atteint jusque-là. Elles remarquèrent «le
plus, certains mots amers contre le vandalisme de la mode, contre les
novateurs incendiaires et anti-nationaux. Les deux femmes eu con
clurent qu'il s'agissait d'un mouvement révolutionnaire.
Elles ne se trompaient point la musique dramatique était alors un
cratère et le contre-point attendait son 9o. L'apparition de Moïse
sur la scène de 1 Académie Royale accomplit le grand événement;