JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. 2e ANNÉE. N° 204. JEUDI, 13 AVRIL 1843 FEUILLETON. On s'abonne Ypres, rue du Temple, 6, et chez tons les per cepteurs des postes du royaume. PRIX DE L'ABONNEMENT, par trimestre. Pour Ypresfr. 5-00 Pour les autres localités 6-00 Prix d'un numéro 0-25 Tout ce qui concerne la ré daction doit être adressé, franco, fediteuY dujoumal, Ypres. - Le Progrès paraît le Dimanche et le Jeudi de chaque semaine- PRIX DES INSERTIONS. Quinze centimes par ligne. VI IHIII It. YPRES, le 12 Avril. DE LA. NÉCESSITÉ DE s'uNIR. L'unité de vues doit rapprocher désormais les diverses nuances du parti libéral divi sées jusqu'ici d'opinion, le temps est venu, pour elles, de se rallier sous un même drapeau, celui de la défense de nos droits menacés par une faction qui fut de tout temps l'ennemie de la liberté et de l'émancipation des peuples. Nous l'avons déjà dit, nous le répétons que tous ceux qui ne veulent pas du joug de la théocratie, se donnent la main ils ont un intérêt commun unir leurs efforts, celui de repousser les tendan ces politiques du clergé. Les controverses de dynastie et de forme gouvernementale doivent être oubliées aujour d'hui il n'est plus temps de délibérer, la réac tion menace de tout bouleverser. En 1830, le clergé sut trouver dans la nation de nombreux partisans, parce qu'à celle épo que il sembla s'associer franchement aux idées de progrès on le vit en effet, coopérer dans le sein du congrès, l'œuvre d'une constitution qui consacre entr'autres libertés celles des cultes et de la presse, qui lui furent toujours antipathi ques mais l'expérience a prouvé qu'il ne fut point sincère.. Maintenant le masque est jeté, et les illusions se sont évanouies. Dès que le parti hypocrite qui opprime la Belgique, s'est cru le plus fort, il a lancé son édit de proscription contre ses anciens alliés; il faut, se sont écrié les organes de la faction, vaincre les libéraux en masse. Cependant aucune de nos libertés n'a été respectée par nos adversaires, et la liste de celles qu'ils nous ont ravies déjà, est longue. Unissons-nous donc, pour opposer une digue ce torrent qui menace de tout engloutir. On nous accusera, si l'on veut, de former un faisceau d'éléments hétérogènes, peu noiïs im porte, l'homogénéité notre sens, réside dans l'unité de vues sur un point donné; nous ap pelons nous, tous ceux qui tiennent pour évi dent, que le clergé doit se renfermer dans les soins de son ministère, et, nous l'espérons, les hommes sincèrement religieux, auxiliaires jus qu'à ce jour du parti catholique-politique, ne seront pas les derniers répondre notre appel, car ceux-là surtout doivent se détourner avec dégoût, du prêtre qui fait intervenir la religion dans les affaires de ce monde. Ne nous le dissimulons pourtant pasle triomphe de la bonne cause sera lent, car nos adversaires ont l'avantage de la position, et ils useront de tous les moyens, pour maintenir leur pouvoir usurpé; ce ne sera pas sans une longue persévérance que nous parviendrons purger le conseil de la cotironne, les chambres et les administrations,, de ces hummes toujours prêts sacrifier les intérêts de la généralité ceux de la caste cléricale, de laquelle ils tiennent leur mandat. Nos campagnards, (Tailleurs, soumis au cler gé, autant par défaut de discernement, que par timidité, feront pencher quelque temps encore la balance en faveur de nos adversaires, mais, pour eux aussi, la tyrannie sera lourde un jour, et alors le souvenir du mal qu aura fait le clergé ne sera plus qu'un fait consigner dans nos an nales historiques, pour l instruction des. races fu tures elles y apprendront que la civilisation a tout modifié, hors l'intolérance et l'ambition de certaine caste. Poursuivons donc invariablénjept notre tâ che, quelle que soit la résistance que nous ren-j contrerons, le triomphe est au bout de nos efforts, et il sera d'autant plus durable que nos adversaires se seront rendus plus odieux par une longue domination. Méprisons surtout les injures grossières et les" quolibets de mauvais goût que, dans son dépit, la presse cléricale lance contre notre opinion souvenons-nous qu'un conseiller de llnfante Marguérite donna le nom de Gueux aux nobles défenseurs de nos provinces opprimées par le fanatique successeur de Charles Quint, et qu'ils acceptèrent ce litre, qui plus tard devint glo rieux. Nous venons de voir dans les journaux, la no mination des membres de la commission de statistique de la province de la Flandre-Occiden tale. Il nous paraît que les arrondissements de Bruges et de Courtrai sont seuls représentés dans celle commission. Nous estimons cependant que ces deux arrondissements privilégiés ne compo sent pas toute la province et que daulres loca lités comme Ypres, par exemple, qui a toujours passé pour la 2me ville de la province, méritent bien qu'on leur donne des représentants dans une commission provinciale. Mais par le temps qui court, Ypres ne se prèle guère aux caprices du parti dominant et pour cette raison^ on ose mépriser ses justes plaintes et laisser passer ses réclamations inaperçues, tandis que les faveurs s'accumulent sur une ville voisine, dont les élec teurs ont mainteau au conseil municipal, les serviles du clergé. Que nos gouvernants conti nuent accabler la ville d'Ypres d avanies, et la longanimité de nos concitoyens ne tardera pas s'épuiser. o - Aujourd'hui 12 courant, a eu lieu la distri bution des primes accordées, conformément au règlement du 15 Avril 1842, aux personnes qui présentent les plus belles bêtes destinées"être abattues, l'occasion des fêtes de Pâques. Celte première épreuve a dépassé toutes les espérances que la mesure adoptée par notre Conseil communal, pouvait faire concevoir. Trente une bêles cornes ont été présentées au concours, savoir 9 bœufs. G génisses et 16 vaches. La plupart de ces bêtes étaient des bêtes admirables et nous font espérer d'amples et succulents dédommagements aux rigueurs du carême. Le jury nommé par la régence, était com posé de MM. Van Alleynes, L. Verschaeve, Wallaeys, Parrel et Wallaert. EN MARIAGE ENTRE ARTISTES. (Suite.) Le lendemain lout se passa selon les désirs de M. Slraub, qui ne remarqua point l'embarras de sa fille, ni le peu d'appétit de son convive, et qui se livra tout entier au charme de ses souvenirs. M. de Guerfroi connaissait fond toutes les anciennes partitions- il était en état de discourir avec connaissance de cause sur les premiers es sais de 1 art. Les deux musioiens se livrèrent de longues disserta tions, où le jeune homme avait l'adresse de céder l'avantage au savant émérite, sans que celui-ci pût remarquer la complaisance de la défaite. Près d'une heure s'écoula dans cette conversation scien tifique et doublement fatigante pour Edmond. Mais'il reçut le prix de sa résigna lion, car peu peu M. Straub, fatigué du travail d'es prit auquel il s était livré tomba dans un assoupissement quis'emparait quelquefois de lui en sortant de table, et les deux amants se trouvè rent en tête-à-tête. Pendant une demi-heure environ que dura la sieste de M. Slraub, les jeunes gens, aussi timides l'un que 1 autre, parlèrent peu et de choses insignifiantes; car leurs paroles étaient en quelqucsorte étran gères .pour tous deux,, mais leurs regards, qui se connaissaient, se confondaient chaque instant aven.une ineffable tendresse. Une feuille de musique se trouvait ouverte sur une table; c'était un au tographe de Grétry, que le vieillard Se proposait de montrer sou jeune ami. Edmond l'ouvrit et se mit-à 1 examiner avec distraction Henriette s'approcha de lui pour lui expliquer les mots raturés. Les boucles de ses cheveux touchaient les joues de sou amant, qui se sentait défaillir de bonheur ce Contact voluptueux, et qui n'osait plus faire un seul mouvement de péur d'anéantir cette extase pres que chimérique. Henriette avait un'fe main sur le papier, Edmond y posa machinalement la sienne... - Ce n'est point là, disait Henriette d'une voix entrecoupée par les soupirs qui se pressaient dans sa poitrine en montrant une place du manuscrit qui couvrait la main d'Edmond, c'est ici que doit être placé le dacapo, et elle désignait un endroit qui était en deçà de celte main tremblante. Dans ce moment les deux mains se touchaient presque, un instant après elles étaient entrclaçées... Et M. Slraub fit un mouvement qui annonçait un réveil .prochain. Henriette dégagea sa main par un mouvement convuisif; elle couvrit d'un dernier re gard d'amour et de bonheur la figure pâle et frisonnante de son amant, et elle sortit de l'appartemeuL i Excusez-moi, mon jeune ami, dit le vieillard en s'évcillant, nous autres hommes d'âge, nous avons de mauvaises habitudes ptfcir lesquelles il faut un peu dindulgence. J'aurais désiré qu'Henriette vous tînt compagnie du moins. Elle est un peu sauvage, mais c'est une bonne fille; nous allons la rejoindre au jardin. En traversant le salon, M. Straub vit le violon d'Édouard, que le jeune homme avait eu l'attention d'envoyer chercher. M. Straub s'arrêta et prit la main du jeune musicien. Vous avez deviné et prévenu un désir que je n'aurais pas osé itta- nifeste»yvlui dit-il, recevez-en mes remerc.iinejits. Jeune homme, jeune homme! continua-t-il en s'appuyant familièrement sur sou épaule, vous savez honorer la vieillesse par une touchante et juste déférence, vous consacrez aux monuments de notre ancienne gloire les prémices de votre talent. Ceci est d'un beau, d'un nolde Carac tère. Puisse le génie de nos illustres maîtres éclairer vos travaux, et le dévoument d'un pauvre vieillard comme moi vous être de quel que utilité dans vos premières entreprises! Eu toutes circonstances, M. Slraub était un homme ordinaire et dont les facultés usées suffisaient peine aux habitudes de la vie commune; mais, quand il était question de l'art, «on imagination s'exaltait et son enthousiasme paivenait sans peiné revêtir son

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