JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTÉRIEUR.
V,
JEUDI, 11 MAI 1843.
3e ANNÉE. - N° 212.
L'opinion libérale n'a point reculé devant le
gant jeté par son adversaire. Elle l'a bravement
relevé. De toutes parts des journaux ont été
créés pour la défense des garanties constitu
tionnelles, conquêtes d'un siècle éclairé et qu'en
vain un parti rétrograde et ambitieux menace
de détruire. De toutes parls se sont trouvés des
publicistesqui, en défendant les intérêts du
pays et ses libertés menacées, ont fait preuve de
dévouement et de modération.
FEUILLETON.
On s'abonne Ypres rue du
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YPRES, le 10 mal.
DE L'ÉLECTEUR,
DE SES DROITS ET DE SES DEVOIRS,
par Charles Hirmani.
L'hostilité flagrante du parti clérical contre
les principes du libéralisme, la croisade contre
le ministère Lebeau-Rogier ont donné la Bel
gique une nouvelle vie politique. Jusqu'en 1840,
on se plaisait encore se faire illusion sur les
tendances du haut clergé et de ses adhérents,
vieux débris d'une caste autrefois privilégiée.
Maislaguerreprévenlivedu parti-prêtre déclarée
au ministère libéral et l'adresse inconstitution
nelle du sénat ont jeté une vive lumière sur la si
tuation politique du pays. L'opinion libérale s'est
sentie jouée par ces faux apôtres de la liberté,
et s'est aperçue enfin qu'elle s'était laissée domi
ner par ces alliés timides et pusillanimes dans
le danger, mais audacieux ennemis de toutes les
conquêtes politiques.
Tandis que le parti du clergé annonçait avec
orgueil, que les journaux créés dans les villes de
deuxième ordre, n'étaient pas nés viables et
qu'il insinuait, qu'il fallait pour réussir, son or et
son soutien, ces feuilles existent et continuent
leur mission avec zèle et indépendance.
Non-seulement des publicistes se sont dé
voués la ^oble cause de nos libertés, mais d'au
tres encore se sont efforcés faire l'éducation
politique des électeurs. Ils ont tâché de faire
sentir l'importance du mandat électoral, base
de notre système représentatif.
Parmi ces derniers, nous pouvons compter
M. Charles Hirmani. Dans une brochure intitu
lée De Vélecteurde ses droits et de ses devoirs.
ce publiciste a exposé nettement et avec luci
dité, la situation du pays, sesdivisions, l'histoire
des partis qui se disputent la prépondérance.
C'est avec plaisir que nous en donnons des
extraits.
On chercherait vainement se le dissimuler
aujourd'hui, plus que jamais, notre patrie est divisée
en deux grandes fractions politiques qui se dispu
tent la victoire avec acharnement et veulent faire
triompher les principes que chacune d'elles défend.
D'un côté, les hommes improprement désignés
sous le nom de catholiques, puisque leurs adversai
res le sont autant qu'eux, veulent la domination du
clergé,dans les affaires civiles, ils voudraient que le
prêtre fut maître dans la commune, que l'évêque
commandât la province et que le cardinal de Ma-
lines pût imposer ses lois la couronne. De l'autre,
au contraire, en respectant le pouvoir spirituel, on
l'engage se renfermer dans le cercle de ses attribu
tions ecclésiastiques. On dit franchement avec le
Christ l'autorité religieuse: «Votre royaume n'est
pas de ce monde, votre seule mission consiste
propager les doctrines de votre divin maître, et si,
par hasard, vous vous mêlez, comme citoyens,
nos luttes politiques, ayez soin de n'employer ja-
mais votre pouvoir religieux comme moyen de
succès, parce qu'ainsi vous exposez la religion ca-
tholique aux attaques d'hommes qui, tout en la
respectant, doivent cependant vous combattre, et
quien touchant l'habit sacerdotal que vous
traînez dans les carrefours politiques, sont pour
le vulgaire des ennemis de la religion.
En effet, malheureusement on confond trop sou
vent, tort sans aucun doute, le ministre avec le
culte, et l'on rend'ainsi l'autel responsable des désor
dres et des passions de la sacristie. Delà est venue
cette indifférence en matière de religion car le scep
ticisme ne s'infiltre jamais dans les masses qu'à me
sure que le prêtre y pénètre lui-même, armé de
pamphletset dejournaux, pour s'ériger en intrigant
politique ou en calomniateur des citoyens qui sont
assez hardis pour s'opposer ses projets d'envahis
sement.
Tels sont les motifs principaux de la désunion qui
existe entre la démocratie et le clergé. L'une réclame
la liberté pour tous et veut maintenir intactes les
franchises que nous a octroyées notre charte consti
tutive. L'autre, au contraire, veut gouverner en
maître; c'est pourquoi il a fondé sa domination sur
l'ignorance et l'obscurantisme, en écartant, autant
qu'il le peut, l'instruction des prolétaires, parce
qu'il voit que dès l'instant où le peuple pourra s'ini
tier nos mœurs politiques, connaître ses droits et
en user avec intelligence, dès lors son règne est passé,
et ses créatures qui, maintenant encore, ont la main
haute sur les affaires de l'état, se verront forcées de
rentrer dans l'obscurité d'où elles n'auraient jamais
dû sortir.
11 faut eu convenir, cette classification des
partis est tracée avec vérité et justice. Voici un
second extrait qui explique, comment jusqu'ici,
le clergé, quoique minorité, a trouvé dans son
organisation, les moyens de lutter avec avan
tage contre l'opinion libçrale.
Tandis que les libéraux combattent sans ordre e'
sans discipline, le haut clergé sait maintenir sa do
mination, malgré la voix de l'opinion publique qui
le condamne par une organisation forte et soutenue.
Il tient dans ses mains toutes les volontés de ses su
bordonnés, les curés de village, et il leur ordonne
de soumettre ses lois, par l'intimidation et les me
naces, les électeurs assez confiants, assez bénévoles,
pour tendre la tête au joug qu'on voudrait attacher
leurs fronts. N
Le gouvernement lui-même qui suit pas pas la
marche du clergé, s'est initié a ce système, véritable,
conjuration contre les libertés publiques et mâih-
tenant, ce n'est plus aux capacités qu'on donne la
JOURNAL DU LIEUTENANT EYRE,
Vun des prisonniers faits par les Afghans; récit de la retraite et
de la destruction de V armée anglaise, en janvier 1842.
[Suite.)
Quelques heures après lê meurtre du colonel Burnes, le général
Elphinstone se trouva donc investi dans «ou camp par les Afghans
qui, gagnant de proche en proche, se répandant de jardin en jardin
et de maison en maison, eurent bientôt occupé, invisibles et présents
partout, derrière les haies, les arbres et les murailles toutes les posi
tions du voisiuage. Sans doute il est difficile de croire que cette foule
indisciplinée ait d'abord obéi un plan de campagne combiné mais
la force des circonstances était telle que, soit instinct, soit intelligence
militaire des chefs, ils devinèrent bientôt ce qu ils avaient faire :dis-
puler le terrain pied pied daus des localités si favorables leur maniè
re de faire la guerre, c'est-à-dire tenir les Anglais dans leur camp, et
les forcer par la famine capituler. Que pouvait faire de son côté le
général Elphinstone, enfermé dans une position si désavantageuse,
avec une multitude de 17 ou 18,000 hommes, femmes et enfants,
sur lesquels on ne comptait pas plus de 5,000 combattants, presque
tous soldats indiens, c'est-à-dire fort peu propres lutter contre la
rigueur du climat dans ce pays de montagne?
Dans la plupart des sorties que firent les Anglais, et elles furent
très-nombreuses, l'avantage du combat leur resta presque toujours j
mais dans cette saisoil ou les jours sont très-courts, lorsqu'on avait
tenu dehors le soldat indien combattre pendant toute une journée
au milieu de la neige et de la glace, il fallait nécessairement le ra
mener le soir-au camp, et le lendemain matin on retrouvait l'ennemi
daus les positions d'où on l'avait chassé la veille. Pendant soixante-
sept jours la persévérance anglaise lutta contre un ennemi bien su
périeur en nombre, contre des désavantages de toute nature, contre
la famine même, espérant voir arriver la division de Candahar qu'on
disait être en marche sur Caboul, espérant que la diplomatie de sir
W. Mac-Naghlen parviendrait jeter la discorde parmi les chefs j
mais aucune de ces espérances ne se réalisa, et au bout de ce temps
il fallut capituler. On pourra faire passer les derniers survivants de
cette malheureuse armée devant un conseil de guerre, les condamuer
peut-être, mais pour être juste ne faudrait-il pas faire retomber une
partie de la responsabilité sur le gouvernement qui, en leur refusant
les moyens de s'installer dans une position meilleure, en réduisant
outre mesure l'effectif de l'armée d'occupationla mit dans une si
tuation où elle devait presque nécessairement périr?
Le premier parti auquel s'arrêta le général Elphinstone, après de
longues délibérations, ce fut de jeter uUe forte division dans le Bala-
Hissar, ou château royal, qui domine une partie de la ville, avec ordre
de la canonner et de l'incendier par les obus. Mais cela ne servit de
rien,la ville était au pouvoir des tribus de la campagne, qui se sou
ciaient fort peu, en vérité, de voir brûler les maisons des citadins et,
en vérité, tandis que le brigadier Shelton faisait rage de son artil
lerie, les Ghiidjis venaient attaquer la maison fortifiée où étaient
établis les magasins de l'armée, un quart de lieue du camp. On
était alors au 4 novembre; il y avait deux jours déjà que les hostilités
avaient commencé, et cependant, on n avait pas encore songé aug -
menter la garnison de cette importante position; elle était gardée
par cent hommes seulement, sous les ordres d'un enseigne. Cet offi
cier envoya aussitôt demander du renfort son général, qui, dans un
moment d'absenoe sans doute, lui fit répondre de résister aussi long
temps qu'il pourrait, et de se replier ensuite sur le camp, eu aban
donnant les magasins, desquels dépendait la subsistance des troupes.
Cet ordre incroyable reçut cependant son exécution dans la nuit du
4 au 5, et dès lors l'armée fut perdue. Dès lors, au lieu de comballic
pour la victoire, les Anglais ne combattirent plus que pour avoir des
vivres, et la diplomatie de sir W. Mac-Nagbten, au lieu de viser
un résultat politique, en fut réduite solliciter l'avarice de certains
chefs par des sommes énormes pour obtenir de quoi manger. C'était
leur livrer en même temps le secret de sa faiblesse.
Le 9 novembre, le brigadier SUelton redescendit de Bala-Hissar
sans avoir produit aucune impression. L'état de maladie du général
Elphinstone avait fait rappeler cet officier; mais sou retour au camp
loin d'y ramener la confiance, y introduisit la discorde.
u Des le premier moment, dit M. Eyre, il disait qui voulait l'ert-
tendre que nous ne pouvions passer l'hiver Caboul, et qu'il fallai*
se retirer au plus tôt sur Djellalabad. Son découragement devint
malheureusement contagieux, il se répandit bien vite parmi lésofli-