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JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTÉRIEUR.
3* ANNÉE. N° 221.
DIMANCHE, H JllN 1843
FEUILLETON.
s®â'tï©a2iS aa sa s a.
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YPRES, le 10 Juin.
Les dernières Iulles électorales démontrent
l'évidence le progrès de l'esprit public en Bel
gique. Jusqu'à ces dernières années, il parais
sait convenu de ne lutter que mollement contre
l'influence prépondérante du clergé. Même chez
beaucoup dé personnes, la croyances était établi
que la lutte était impossible. Alors le clergé sa
tisfait de ses libertés religieuses n'avait point
encore voulu détruire nos libertés civiles. Il ne
lui était pas encore arrivé de s'écrier dans l'i
vresse d'une victoire Tout ce qui n'est pas pour
nousest contre nous.
Quoique depuis longues années le clergé eût
prépfcgé son plan et qu'il ne tendit rien moins,
qu'àîmiger les destinées politiques de la Bel
gique par personnes interposées, mais dévouées
ausystème, il Iuia été impossible d'égarer l'esprit
public plus longtemps. Ni la fourberie, car enfin
le clergé n'a nullement osé avouer publiquement
la prétention de régenter la Belgique, ni son in
fluence religieuse, car elle ne servait qu'àélayer la
domination exclusive qu'on voulait établir, n'ont
pu donner le change l'opinion publique. Dans
le clergé et ses serviles, on a vu une faction qui
tendait l'oppression de la Belgique par la dis
corde et la désunion.
Le renvoi du ministère libéral a été l'acte le
moins équivoque du projet des ennemis de la
Constitution. Depuis ce temps, nous avons fait
bien des pas rétrogrades. C'était alors le bien
heureux temps où on croyait pouvoir présenter
la main-morteque les sections de la chambre
s'empressaient d'accepter la plus grande gloire
de nos évêques.
Mais hélas! ceux qui croyaient atteindre le
but et toucher l'omnipotence en Belgique, ont
vu leurs espérances bien modifiées par l'issue
des élections, en 1841. A leur grand étonnement
ils ont trouvé un adversaire puissant, l'opinion
publique, qui les répudiait. Ils en sont arrivés
jusqu'à devoir voiler le drapeau catholique,
qu'on arborait autrefois avec orgueil et qui était
respecté, parce qu'alors le clergé combattait pour
ses libertés religieuses et que maintenant, sorti
de son domaine, c'est au pouvoir temporel
qu'il veut dicter des lois.
Jamais la nation n'a mieux démontré, com
bien elle méritait d'être dotée d'une Constitution
libérale. Dès que les libertés ont été menacées,
l'esprit public endormi par les protestations fal
lacieuses du clergé, s'est réveillé. Le parti libéral
qu'on croyait désuni, impuissant, s'est discipliné
l'exemple de son adversaire. La lutte est de
venue sérieuse et prend de jour eu jour des
proportions plus étendues.
Mais aussi le danger était grand et n'est point
encore conjuré. Le clergé s'était accoutumé de-
jg.uisjonglempsà considérer la Belgique comme
;xine proie qui ne pouvait l&i échapper. C'est
la nation prouver que, quoique catholique et
sans renier la foi de ses ancêtres, elle veut être
l'arbitre de ses destinées politiques. C'est par
les élections que nous pouvons obtenir ce ré
sultat, en choisissant des candidats éclairés et
indépendants.
Là gît toute la question. II s'agit d'accomplir
une révolution pacifique et par voie électorale,
dans notre politique intérieure. Le clergé qui
en avait la haute direction, soit par M. De
Theux, soi t. par M. Nolhomb, et qui a exploité
le pouvoir avec tant de passion et d'intolérance,
saura-t-il Sé."résigner aux vœux du pays?
Nous poûvrfns toujoursconstater un fait de bon
augure pour là majorité éclairée du pays. Si nous
ne triomphons pas glorieusement dans la pro
chaine lutte électorale, quoique les chances sem
blent en faveur des libéraux, ce ne sera que partie
remise. Dans deux ans on reviendra la
charge avec des nouvelles forces, et, pendant
ce temps l'esprit public aura acquis un
plus grand développement. L'esprit du siècle,
l'opinion des peuples qui nous entourent
tout est appui pour le libéralismetandis que
pour la faction qui naguère croyait pouvoir im
poser des lois, la corruption et les fraudes sont
ce qui ont été trouvées de mieux pour soute
nir la lutte contre le parti libéral, champion
dévoué de la Constitution et de nos libertés.
VILLE D'YPRES. conseil communal.
Séance publique du 8 Juin 1843.
Présents MM. Vanderstichele de Maubus
Bourgmestre président Alphonse Vanden
Peereboom et Iweins-IIynderick Echevins
VandermeerschAnnoot, Vanden Bogaerde,
Boedt, avocat, Smaelen Legraverand Vande
brouke, Ernest Merghelynck et Pierre Beke.
La séance est ouverte par la lecture du pro
cès-verbal de la séance précédente qui est
adopté. -
Le président donne communication au con
seil du résultat de la mission de MM. les éche-
vins Vanden Peereboom et Iweins et de M. le
conseiller Boedt, près de M. le ministre de la
guerre, pour le prier d'accorder la ville
d'Ypres le maintien de sa garnison actuelle et
une augmentation s'il était possible. Leminisfrea
assuré ces messieurs que la ville d'Ypres pou
vait compter sur le séjour de la garnison actuelle
mais qu'une augmentation était impossible, vu
la réduction de l'armée et le grand nombre des
demandes faites par d'autres villes du royaume.
La proposition des Hospices civils de la ville
d'Ypres, demandant l'autorisation afin de pou
voir aliéner une parcelle de terre sise S'-Jeàr*,
et d'une contenance de 2 ares 6 centiares, au
prix de 700 francs, au Sr Vandermeersch-
Deneckere, est approuvée l'unanimité.
Le collège prie le conseil de prendre en con
sidération la baisse toujours croissante du droit
IY. Suite et Fin.)
Carminé vit lever spn dernier jour avec sérénité et avec calme. Il
avait dormi d'un sommeil profond, il se rév.eilla plein d'un bonheur
inouï; un joyeux rayon de soleil, tombant,de la lucarne vint trem
bler sur la paille fine et dorée de soi} cachot une brise d'automne se
jouant autour de lui, caressait son front' d'une fraîcheur agréable, et
courait dans sa longue chevelure. Le geôlier, qui l'avait toujours
traité avec humanité depuis qu'il était sous sa garde, frappé de cet
air de bonheur, hésita un moment lui annoncer la visite du curé,
craignant d'arraçher le pauvre prisonnier sa rêverie. Carminé reçut
cette nouvelle avec Joie fil sVnl retint deux heures avec le bon prê
tre, et versa de douces larmes au moment de la dernière absolution.
Le curé sortit de la prison, mouillé cfe pleurs, et proclamant haute
voix qu il n'avait jamais rencontré de sa vie une âme plus belle, plus
pure, plus remplie de résignation et de courage.
Le pêcheur était encore en proie sa consolante émotion, lorsque
sa sœur entra. Depuis le jour où on l'avait relevée évanouie de la
chambre dans laquelle spn frère avait été arrêté, la pauvre fille, ré
fugiée près d une tante, et s'accusant de tout le mal qui lui était ar
rivé, n'avait fait que pleurer au pied de sa sainte patronne. Ployée
sous sa douleur, comme un jeune lys courbé sous l'orage, elle passait
des heures entières, pâle, immobile, détachée de la terre, et ses lar
mes coulaient silencieusement sur ses belles mains jointes.
Quand le moment fut venu d'aller embrasser son frère pour la der
nière fois, Aldina se leva avec le courage d'une sainte. Elle effaça la
trace de ses larmes, lissa ses beaux cheveux noirs, et mit sa plus belle
robe blanche la malheùreuse enfant essaya de cacher sa douleur par
une ruse angélique. Elle eut la force de sourire! A la vue de sa pâ
leur effrayante, Carminé sentit son ccjpir se serrer, un nuage passa
sur ses yeux, il Voulut courir sa rencontre; mais retenu par la
chaîne qui le scellait au pilier de sa prison il recula brusquement
et trébucha. Aldiua s'élança vers" son frère et le retint dans ses bras.
La jeune fille avait tout compris; elle l'assura qu'elle se portait bien,
craignant de le rappeler sa terrible situation, et lui parlait avec vo
lubilité de mille choses, de sa lautede la beauté du temps, de la
Madone; puis elle s'arrêtait tout-à-coup effrayée de ses paroles, ef
frayée de son silence elle attachait sur le front de son frèrè des re
gards brûlants, comme pour le fasciner. Peu peu, uue légère teinte
colora ses joues amaigries, et Carminé, abusé par les efforts surhu
mains de la jeune fille, la trouva encore belle et remercia Dieu dans
son cœur d'avoir épargné cette faible créature. Aldiiia, comme si
elle eût suivi les pensées secrèles de son frère, s'approcha dç lui, lui
serra la main avec Un ton d'intelligence, et murmura tout bas s^i
oreille
Par bonheur, notre père ést absent depuis deux jours; il m'a fuît
avertir qu'il serait retenu la ville. Pour nous, c'est différent, nous
sommes jeunes, nous avons du courage*
La pauvre fille tremblait comme une feuille.'
Que deviendras-tu, ma pauvre Aldina? s'écria Carminé'eu.
soupirant.
Bah! je prierai la Madone. Est-ce qu'elle ne nous*protège pas?
La jeune fille s'arrêta, frappée par le W de ses paroles, auxquelles t
la circonstance donnait un si cruel démenti. Mais, en regardant sou
frère, elle continua d'un ton animé
Certainement qu'elle nous protège. Elle m'est apparue en rêvé
celte nuit. Elle tenait dans ses bras sou enfant Jésus, et me regardait
avec une tendresse de mère. Elle veut faire de nous des saints; car
elle nous aime, et pour être saint, vois-tu, Carminé; il faut souffrir.
Eh bien va prier pour moi, ma bonne sœur; dérobe-toi l'as
pect de ces lieux tristes qui finiraient par ébranler.ta fermeté, et
peut-être la mienne. Va, nous nous reverrons jà-hailt où.notre mère
nous attend notre mère, que tu n'as pas connue, et laquelle je-
parlerai souvent de toi. Adieu, ma sœur, au revoir.!
El il l'embrassa sur le front.
La jeunç fille rassembla dans son cœur toute sa force pour cc| in-