JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTÉRIEUR.
DIMANCHE, 16 JUILLET 1843-
3e ANNÉE. N° 231.
-
FEUILLETON.
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YPRES, le Juillet.
RÉPONSE AU NOUVELLISTE.
Un article inséré dans nolreavant-dernierN0,
paraît avoir blessé au vif le parli cléricalsi
nous devons en juger par les injures que nous
adressent quelques organes de celte opinion. Le
Nouvelliste nous traite de cynique par ce que
nous avons osé dire, que la lecture du Progrès se
trouvait défendue au confessionnal et que le
clergé le quaiifiaitdV»ijt»'e et de sale. L'autre nous
accuse de déraisonner ce qui est très-facile
dire, mais beaucoup moins prouver. Comme
on se borne nous adresser une bordée d'inju
res nous pouvons charitablement croire qu'il
était impossible ces feuilles de réfuter autre
ment ce que nous avons allégué. Vouloir rfier
les faits cités dans cet article comme preuves
l'appui, serait en effet nier l'évidence, et nous
ne croyons pasqueleureffronteriefïilfejusque-là.
Conlenlons-nous de répondre Sa Grandeur
le Nouvelliste. Les juges reconnus compétents
par les catholiques, ont déclaré que notre jour
nal était sale et impie. Ce n'est pas déjà très-cha
ritable et ceci frise même passablement la ca
lomnie. Mais passons là-dessùs. Quels sont ces
juges compétents, s'il vous plaît Le clergé.
Jolis juges, ma foi! que ceux qui sont juges
et parties. Eux juges compétents en matière
politique mais ce n'est pas là un point de foi et
nous connaissons grand nombre de catholiques
sincères qui ne lui reconnaissent pas ce pou
voir et le déclinent. C'est là une nouvelle pré
tention qui n'a vu le jour, que du moment que
le clergé s'est décidé se poser en faction dans
l'état, pour le dominer.
Notre journal ne s'est jamais occupé de dog
mes ni de foi religieuse, que prétendent donc
juger les prêtres? Les doctrines politiques d'un
journal? S'agit-il dans nos articles de la pré
sence réelle, de la fréquente communion, de l'im
maculée Conception, de l'accessibilité, de la
consubslantialité du Père et du Fils. Eh non.
Il s'agit desavoir, ce que nous avons prouvé, si
le clergé dicte des lois, domine le ministère et
exploite la Belgique au gré de ses passions réac
tionnaires et uitramontaines. Le Nouvelliste est
d'avis que ce n'est point au condamné porter
cette sentence la connaissance du public.
Grande outrecuidance de notre parten effet
que de ne "tenir aucun compte de l'opinion et
du jugement de MM. du clergé, en matière poli
tique et plus grande audace encore, de mépri
ser les sentences et autres décrets politiques si
valablement prononcés par des juges aussi im
partiaux.
On nous accuse de cynismepar ce que nous
avons dénoncé ces abus sacrilègesdes Sacrements
l'opinion publique. Crime irrémissible en effet
que celui de ne pas nous inquiéter des opinions
consciencieuses de ces miracles de vertuqui
comme chacun le sait, .-.c s'occupent point des
intérêts temporels et de ne pas nous résigner
souffrir qu'on nous calomnie, sans en appeler
un tribunal plus compétent et moins passionné
que Je clergé, àfopinion publique
Ce que nous avons dit de l'abus fait par le
clergé des Sacrements ,.au profil de ses intérêts
politiques et de sa domination temporelle, paraît
fondé. Au moins le Nouvelliste ne le révoque
point en doute et soutient que le clergé est dans
son droit. Nous apprenons ainsi comment le
clergé entend l'usage de la liberté de la presse.
Au point de vue politique, il paraît l'approuver
ét la pratique largement pour lui-même; mais au
point de vue religieux, il ordonne et ne permet
que la lecture de ses journaux lui, censuré
par un délégué de l'évêque. On commande au
nom de la religion de lire les feuilles qui atta
quent les libéraux, les calomnient, mais vous
êtes damnés, si vo'us lisez un journal libéral. Les
feiylles qui défendent les doctrines du libéralis
me, sont soigneusement mises l'index sous
prétexte d'immoralité, d impiété et d'autres al
légations toutes aussi vraies et aussi charitables.
Comment qualifier celte duplicité? Escobar
pends-toi, vous n'avez trouvé rien de plus su
blime en ce genre.
Le parli clérical est menacé de perdre encore
une de ses sommités. L'élection du président du
sénat, M. deSchierveld ou plutôt son éligibilité
se trouve contestée.
Une réclamation fut présenléeà la députalion
permanente du conseil provincial du Limbourg
par M. Hennequin pour réclamer la radiation
de M. le baron deSchierveld, de la liste des éli-
gibles au sénatcomme ne payant non-seule
ment pas le cens voulu par la loi, mais trop
peu pour pouvoir même se trouver sur cette
liste.
Celle demande fut rejelée par la dépulation
permanente, qui réduisit cependant la côte de
M. de Schierveld fr. 1,307-99.c.-Il.paraît que
l'honorable président du sénat avait fait siennes,
les impositions personnelles de quelques loca
taires et ajouté les centimes additionnels au profit
de la province et de la commune au principal,
qui seul doit être versé au profit de l'Etat.
Ces derniers ne furent point retranchés par la
dépulation permanente qui, contrairement la
loi du leravril 111-13, sur îes fraudes électorales,
maintint sur la côte d éligibilité, pour arriver
la somme de fr. 1,307-99 c., 157 francs payés
au profil de la province et de la commune.
Un pourvoi en cassation fut interjeté contre
cette décision. 11 s'agit de savoir, si les centimes
additionnels payés au profit de la. prôvincé et
de la commune, peuvent être pris en considé
ration, pour former la côte d'éligibilité pour le
sénat, tandis qu'ils ne peuvent être comptés
pour parfaire le cens électoral même pour la com
mune, Les côtes d impositions produites par le
baron de Schierveld paraissent être quelque peu
frauduleuses, puisque le tiers de quelques unes
ILES EAUX DABANO.
(Suite.)
Bianca s était un peu remise, bien qu'elle continuât àjever de
temps en temps sur le Génois des yeux inquiets; Alfieri lui fifcobser-
ver que c'était l'heure où l'on se rendait la source, et proposa.de l'y
conduire.
Je vous rends grâce, monsieur, dit la marquise avec embarras,
je reste; mais que je ne dérange en rien vos projets.
Mes projets sont les vôtres, madame, dit le comte. Tous le
savez, les seules douces heures de ma vie sont celles que je passe
auprès vous.
M. le comte, je le vois, ne réussit pas moins dans le madrigal
que dans la tragédie, répondit la marquise avec effort.
Alfieri secoua gravement la téte.
-r" î^e donnez point un nom railleur l'expression d'un sentiment
que vous savez sincère, dit-il vous n'avez pu vous méprendre au
changement que votre présence a opéré en moi, madame; avant de
vous connaître j'étais malheureux, dççopragé, fatigué d'entendre
autour de ma tristesse ce vain bruit que l'on appelait de la gloire!...
je vous ai vue, et tristesse, fatigue, tout a disparu -, vous avez lui sur
ma vie comme le soleil, çt vous avez tout ranimé çn moi.
Monsieur s écria la n^arquise en se levant avec effroi.
Et elle leva Marîiano des yeux ejFrayés mais Marliano était
toujours aussi calme.
Alfieri avait suivi tous ses regards et tous ses mouvements*
Pardon, reprit-il en se tournant vers le Génois, de tels aveux
ne se font pas d'ordinaire devant témoins, et j'ai sans doute violé
"quelque convenance.
Marliano s'inclina.
Je dois m estimer heureux, dit-il, d'inspirer M. le comte
assez de confiance pour qu'il ouvre sou cœur devant moi.
Je me réjouis, en effet, monsieur, que vous puissiez les entendre.
C'est moi de me réjouir^: un grand poète trouve, pour faire
parler sa passion, une éloquence que les autres chercheraient vaine
ment dans leurs cœurs. P
L'ironie avec laquelle ces mots furent prononcés, avait quelque
chose de si froid, qu'elle produisit sur Alfieri l'effet de ces blessures
que l'on ne sent point au premier moment; fnais peine l'eût-il
comprise, qu'un frisson de colère passa dans toutes ses veines; ses
yeux rencontrèrent ceux de Marliano. Biauca s'avança vivement et
vint se jeter entre les deux regards dans lesquels ils échangeaient
leurs haines.
C'est assez plaisauter, dit-elle M. le comte, je vous tiens
quitte de toute galanterie: mais je neveux point que vous manquiez
pour moi aujourd'hui Votre promenade la source; vous m'apporte
rez un bouquet de mauves sauvages.
Le comte hésita, mais les yeux de la jeune femme le suppliaient.
Il lit un ellort sur lui-même, s'inclina d'un air oontraint et sortit.
Marliano voulut le suivre.
Monsieur Marlfano, s'écria la marquise, vous m'avez promis
une lecture.
Le Génois se détourna yers elle; un sourire étrange effleura ses
lèvres.
Yons aVt z donc bien' peur, pour lui dit-il.
Bianca mit la main sur son coeur et s'assit sans, pouvoir répondre.
Vous devez être contente de moi pourtant, m?dame, reprit
Marliano d'un ton amer; je l'ai laissé vous parler de son amour, j'ai
souffert ses insultes, car il voulait rpinsulter; j'ai eu avec lui assez de
patience pour qu'il me croie un lâche cela rie vous sufn^i pas
Il faut que je parte, dit la marquise avec.ang^sse^lorfneS^*
plus rester ici, je veux retourner Gênes. m les Ol*—
Je suis prêt. Jrjp V a—
Bianca jeta sur Marliano un regard où l'in!|ignatîoi!|£j nui
l'effroi.
Oui, répéta-t-elle, je retourne Gênes; mais pour,
monde. J'y ai pensé souvent, et mon parti cSX pris: je
rer dans un couvent. v