JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
3e ANNÉE. N° 236.
JEUDI, 3 AOUT 1843.
INTERIEUR.
FEUILLETON.
On s'abonne Ypres, rue du
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cepteurs des postes du royaume.
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Quinze centimes par ligue.
YPRES, le 2 Août.
II est un fait digne de remarque et sur lequel
nous ne pouvons assez insister, c'est la singu
lière finesse dont le parti catholique fait usage,
pour donner le change l'opinion publique
non-seulement sur les projets qu'il médite, mais
encore sur son nom de guerre. Nous pour
rions mcme donner celle manie d'usurper des
qualifications qui jurent avec la conduite du
parti clérical, un autre nom. Use croit assez d'in
fluence maintenant, pour pouvoir imposer une
nouvelle signification aux mots les plus connus
et. dans un dictionnaire catholique, un libéral
est censé être un individu qui n'aime la li
berté que pour l'étouffer et la détruire.
Rien cependant ne doit prouver le discrédit
dans lequel est tombé ce parti, qui se croyait
assez fort pour pouvoir dicter ses volontés la
Belgique, que de se voir réduit renier son
nom et sa,bannière. Lisez les journaux catholi
ques, le parti qu'ils défendent est le parti libéral
par essence. Il a toujours aimé les principes
d'une sage liberté approuvée en cour de Rome,"
cour si libérale, comme personne ne l'ignore.
Ceux qui défendent les libertés que la Consti
tution nous garantit, sont des exclusifs. En
prenant la défense de celte Constitution qui est
l'oeuvre des catholiques, aussi bien que des libé
raux on attaque les libertés du pays et, selon
les feuilles cléricales, ce sont des ennemis de
la religion, ceux qui ont l'audace de rappeler au
parti religieux, la sainteté du serment prêté au
pacte fondamental de 1830.
Nous violer les lois fondamentales du pays,
disent nos libéraux de fabrique cléricale, pour
qui nous prenez-vous? nous ne voulons rien
changer brusquement la constitution, mais
insensiblement nous en modifierons le sens
après en avoir faussé l'esprit. L'évêque de Liège
n'a-t-il point soutenu, que, par suite de l'article
qui consacrait la liberté de l'enseignement, il
n'était pas permis ni la commune, ni la pro
vince, de suppléer au mauvais vouloir de l'état
et de posséder des écoles publiques et cela,
3uand il était permis au plus simple particulier
e tenir une école. Nous ne disons pas au clergé,
car il n'a voulu la liberté de l'enseignement que
pour en avoir le monopole. Heureusement ses
vœux n'ont pas été entièrement accomplis.
Ils sont exclusifsceux qui prétendent que
le clergé ne doit s'occuper que de ses fonctions
religieuses et ne point faire irruption sur le ter
rain de la politique. De droit divin, nous avons
le droit de diriger les affaires temporelles, dit le
clergé. Nous méprisons, disent les feuilles cléri
cales, les avis de ceux qui soutiennent que la re
ligion ne doit pas. être compromise dans les
luttes politiques. Vous n'en êtes pas les défen
seurs et noua sommes meilleurs juges que vous,
quand il s'agit dé savoir, s'il est opportun d'in
triguer au confessionnal, ou de refuser les SS.
Sacrements, pour faire un exemple.
Mais les libéraux sont ceux qui abhorrent la
liberté de la presse, se soumettent humblement
l'encyclique et ne détestent point la liberté de
l'enseignement, par ce que le clergé est arrivé,
par suite de celte liberté, faire fermer les éco
les qui ne relevaient point de son autorité. Ce
sont ceux qui; en 1836, voulaient que les bourg
mestres fussent nommés par les électeurs, parce
qu'alors, fis croyaient pouvoir disposer des
communes comme ils l'entendaient. Trompés
dans leur attente, ils ont accordé la nomination
des bourgmestres en dehors du conseil et in
venté le fractionnement.
Enfin après s'être qualifié pendant quelque
temps de modéré, quand il s'agissait de boulever
ser notre organisation communale, le parti clé
rical se donne pour libéral^ depuis les dernières
élections. Comme au beau temps de la restau
ration en France, c'est le parti des honnêtes gens.
En religion, le principe fondamental du clergé est
que hors de l église, il n'y a point de salut.
Ëii politique, lès feuilles cléricales soutiennent
que .hors de leur parti, il n'y a point d'honnêtes
gens.
Nous ne voyons pas que ces fausses dénomi
nations aient beaucoup de succès. On aura beau
cacher les projets qu'on médite, on aura beau
changer de nom, rien n'y fera désormais. Le
parti clérical s'agitera encore, pendant quelque
temps, pour tomber dans l'impuissance. Il a été
infidèle ses antécédents; après avoir prêché une
liberté exagérée en ce qui pouvait lui convenir,
il a fait volte-face et rêve maintenant la des
truction de ces mêmes libertés, après les avoir
fait servir l'accomplissement de ses desseins.
Jeudi 3 de ce mois 7 heures du soir, la mu
sique du 5me régiment exécutera quelques
morceaux d harmonie au jardin public.
Nous espérons bien que nos concitoyens sai
siront cette occasion d'aller entendre celte
musique si bien dirigée par M. Istas, son chef
d'orchestre.
Dans la nuit du 31 juillet au 1er aoûtun
cuirassier s'est jeté par une fenêtre de la caserne.
Cet homme est mort des suites de celte chute.
Ce malheur doit être, dit-on, attribué exclu
sivement au somnambulisme.
Une question de validité de testament se
trouve portée en ce moment par devant le
tribunal d'Hazebrouck (France). Voici de quoi il
s'agit
Une demoiselle Ryckebus,' presque nonagé
naire, est morte dans le célibat Sleenvoorde,
il y a quelques mois. Un honorable curé de
PoperingheM. Neuwe(cum suis), prétend
mettre la main sur la totalité de celte succession,
bien qu'il ne soit héritier légal, ni dans la'Jigde
paternelle ni dans la ligne maternelle, se fon
dant sur. certaines dispositions testamentaires"
écrites dit-on, par cette très-vieille fille, en sa
faveur.
Il parait que les héritiers légaux de la demoi
selle Ryckebusau nombre desquels se trouve
la dame veuve De Coop, de Poperinghe, ont le
caractère assez mal fait, pour ne pas trouver bon
de laisser appréhender les cinquante mille écus
qui font l'objet de la convoitise de le curé.
On dit même que ces maudits héritiers poussent
l'irrévérence si loin, qu'ils vont jusqu'à prélen-
LA FIANCEE DE MADRID.
(Suite.)
II.
l'assemblée de famille.
Le lendemain de celte féte fut un jour de deuil. La mère, sûre de
l'innocence de sa fille, et la fille, forte de la confiance de sa mère,
pleuraient ensemble et confondaient leur douleur. Le vieux com
mandeur, fidèle son ancien titre d'ami, et considérant l'événement
de la veille comme la plus grande catastrophe qui pût atteindre une
maison comme celle d'Ovéda, dont 1 honneur depuis trois siècles,
était toujours demeuré pur de toute souillure et l'abri même du
soupçon, le commandeur, disons-nous, comprenait, quoiqu'à grand'
peine, que l'affaire dont il s'agissait n'était pas de celles qui se dé
nouent par la violence et pour la première fois de sa vie, il se voyait
forcé de redresser une injure sanglante, sans en venir aux voies de
fait et sans tirer l'épée du fourreau. Son gprit vif et emporté s'accom
modait mal de ces lamentations stériles qui réellement n'aboutissaient
rien, et il eût cent fois mieux aimé, malgré ses cinquante années et
sescheveux grisonnants avoir affaire quelqueinsolent muguet des an
tichambres du roi, que de se perdre en vaines clameurs contre un enne
mi inconnu, et que d'engager une luitesans savoir où porter ses coups.
Peu propre au rôle de conseiller, étranger surtout celte tactique
toute de jugement et de combinaison, qui consiste tourner un péril
ou une difficulté, le commandeur, après avoir réfléchi, autant qu'il
était en lui, au moyen de sortir d'embarras, ne s'en était trouvé ni
plus ni moins avancé. 11 en revenait toujours sa raison de violence
et sa politique de ferrailleur. Avec sou courage et sa loyauté, il ne
pouvait supposer que l'insolent page du bal ne se fît pas enfin con
naître et alors il se proposait de lui arracher une confession si publi
que et si claire de sa honte et de son repentir, que l'honneur du nom
d'Ovéda serait sans doute sorti de ce conflit aussi pur que possible et
couvert d'un nouvel éclat.
A défaut de Valdesillas, Fernande soumit enfin la marquise une
résolution qui avait lé double avantage de la soustraire toutes les
obligations du monde et d'assurer son repos. 11 s'agissait d'une re
traite éternelle. Le cœur de la marquise fut navré. Mais était-ce le
moment de-reculer devant la cruelle épreuve d'une séparation? La
pauvre mère avait déjà eu cette idée, et elle n'avait osé en faire part
sa fille. Elle gardait le silence et baissait tristement la lêtq, I)co, \ar-
quise approuvait le sacrifice qu'elle s'était senti incapable {cil
ler. II fut décidé qu'avant la fin du jour tout serait fini.
Mais une si grave détermination ne pouvait être prise qu'en pré
sence de tous les parents de Fernande.. On disposa tout^wrque la
famille se réunit en conseil dans le courant raênfe dr^^urnée.
La marquise chargea Nunez, son fidèle intendant,fV:ourir chez
tous les membres de la famille d'Ovéda, présents Madrid, et de le*
prier de se rendre en toute hâte au château, où on allait délibéré^
sur le triste événement de la nuit.
Au bout de deux heures, les parens de la marquise tous at
rendez-vous. Pas un n'avait voulu manquer l'appel^ di
la gloire de leur blason, ils étaient tous Ikif l'un àlWÙ a com
munauté des intérêts de famille et la solidarité de 1 Jionn^^
Parmi eux, on remarquait le marquis de Villena, frèr^è la mar
quise d'Ovéda, vénérable vieillard dont le père avait soutenu,
les droits de Jeanjie-la-Folle, contre l'ambition pré u^néc de son