JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. 'RES INTÉRIEUR. 3e ANNÉE. N° 240. JEUDI, 17 AOUT 1843. On s'abonne Ypres, rue du Temple, 6, et chez tous les per cepteurs des postes du royaume. PRIX DE L'ABONNEMENT par trimestre. Pour Ypres. fr. 5-00 Pour les autres localités 6-00 Prix d'un numéro 0-35 Tout ce qui concerne la ré daction doit être adresséfranco, A l'éditeur du journal, Ypres. Le Progrès paraît le Dimanche et le Jeudi de chaque semaine. PRIX DES INSERTIONS. Quinze centimes par ligne. YPRES, le 16 Août. BEAUX-ARTS. - EXPOSITION COMMUNALE. (SUITE.) Nous avons parlé du beau tableau de M. Bossuet, nous voudrions en parler encore,, car il est si agréable de s'occuper.de ce qui plait, de ce qui est beau!... Mais enfin puisqu'il faut quitter la place où notre admiration nous a fixés si longtemps, continuons notre itinéraire artistique. Voiiè les productions de M. De Bruck, voilà les pqflraits de M. F. Bôhm, M. De Bruck et M. Bôhté nos deux artistes Yprois. Enfants de fa même cilé ils étudièrent ensemble les premiers éléments de l'art, et puis un beau jour, guidés par le désir de voir et d'apprendre, ils partirent pour la grande ville. Là çles éludes sérieuses vinrent féconder leurs dispositions na turelles. Animés l'un et l'autre par le même désir de bien faire, ils s'élancèrent dans la même carrière, mais en suivant un sentier différent. La majestueuse harmonie des lignes avait frappé M. De Bruck, il se fit peintre d'intérieur, le cé lèbre Bouton fut son maître. M. Bôhm avait vu les belles toiles de Kinson de Bruges, le faire de ce grand peintre lui plut, il s'aUacha lui et profita des utiles leçons de ce maître habile. S'il est vrai de dire que rien n'est stationnaire en ce monde, cet axiome s'applique heureuse ment aux deux artistes dont nous nous occu pons. Le talent de l'un comme de l'autre suit une marche progressiveune œuvre nouvelle est un nouveau succès pour eux. M. Bôhm a-t- il jamais rien fait.de mieux, de plus gracieux Sue les portraits de Mme Coppieters et de ses eux petites filles? Et le mari de cette dame, comme il est frappant de ressemblance M. Bôhm a eu longtemps le tort de flatter ses por traits. Aujourd'hui tout en poétisant un peu celui qu'il a peint, il a su conserver parfaitement les traits de l'original. Nous ferons pourtant un reproche M. Bôhm. Pourquoi s'occupe-t-il uniquement de peindre des portraits, peinture ingrate s'il en fut jamais. Pourquoi ne nous donne-t-il pas quelque tableau de genre, voire même d'histoire Le talent dont il nous fournit des preuves, les détails gracieux et les charmants accessoires dont il orne ses tableauxnous permettent de lui assurer des succès, s'il se décide embrasser cette carrière nouvelle. Avez-vous vu l'église etlejubédeDixmude?... Oui... Eh bien! allez voir te tableau de M. De Bruck. Vous reverrez avec plaisir la reproduc tion de ce monument. Si par hasard vous n'avez jamais été Dixmude, hâtez-vous d'aller l'ex position voils aurez une excellente idée de ce chef-d'œpvre. Comme toutes ces lignes fuient sans se confondre, comme ces différentes tein tes se nuancent, quelle vérité On est tenté de se mettre genoux pour prier Dieu. M." De Bruck a tort de ne pas mettre plus souvent le public même d'apprécier ses œuvres. Nous espérons du reste que les dessins faits par lui pour la Belgique monumentale et repro duits dans cet ouvrageformeront bientôt le sujet de quelque tableau qui sera d'autant plus favorablement accueilliqu'il retracera un des monuments dont notre ville s'honore. M. Fiers, élève sculpteur, a exposé un amour au désespoir. Cette amour pleure fendre l'âme, sa douleur est bien légitime, car une de ses colombes chéries est morte et celte colombe, Amour l'aimait, c'était son image. M. Fiers a exécuté celte œuvre Ypres même, sous les yeux du public et nous croyons devoir faire ob server que l'entreprise était d'autant plus hardie, que l'artiste s'est trouvé dans l'impossibilité de se procurer un modèle. Notre jeune Yprois a fait déjà des éludes sérieuses, celte circonstance le prouve. Qu'il marche hardiment dans la car rière qui s'ouvre devant lui, qu'il travaille sans relâche, un jour il sera sculpteur Quelques personnes ont fait remarquer que l'Amour de M. Fiers était un amour flamand, c'est-à-dire fort et robuste. Ce reproche ne nous paraît pas sans fondement. Mais nous sommes couvaincus que le jeune artiste se corrigera fa cilement de ce défautdès qu'il aura été rais même d'étudier les chefs-d'œuvres des sculp teurs anciens et modernes qui se trouvent Paris et Rome. M. Charles Carton est un artiste-amateur ou plutôt un amateur-artiste. Elève de M. Dyck- mans, il a profité des leçons de ce maître expé rimenté. M. Carton a exposé six tableaux cette fécondité nous étonne, surtout quand nous re gardons le joli Portrait de sa voisine.Sa délais sée qui paraît aussi triste, aussi désespérée que la vbisine est joyeuse et riante, est un charmant tableau, plein d'expression, parfait de compo sition et de couleur. Le Portrait d'homme est frappant de réssem- blance et l'attitudele maintien du vénérable vieillard qu'il rappelle,, sont heureusement saisis. Les trois talbleaux de genre exposés par M. Cartonont constamment fixé l'attention du public nombreux qui a visité la salle de l'expo sition. Cet artiste a des idées fort originales, et les rend avec succès. Ces trois tableaux bien peintsbien conçus méritent des éloges. Le genre particulier qui paraît être celui de M. Carton, offre des difficultés, car la ligne qui sé pare le comique du trivial est souvent imper ceptible. Jusqu'ici ce jeune peintre a su éviter l'écueil que nous signalons, et nous avons lieu d'espérer qu'il ne franchira jamais la limite tra cée par le bon goût. (La suite au prochain N°.) Nous avons donné quelques détails sur le diverses fêtes et réjouissances qui ont eu lieu l'occasion de la fête communale. Nous devons ajouter encore que le tir la sarbacane, si toute fois tir il y a, avait attiré foule de monde.. Cent quarante-sept amateurs se sont joré9entés àtr concours. Les membres des diverses- sociétés étaient en uniforme. Nous avôns remarqué sur- FEUILLETON. LA FIANCÉE DE MADRID. (Suite.) v. l'allée dbs chênes. Les tables pliaient déjà sous le poids dés mets fumeux et des can délabres d'or, quand Yaldesillas entra dans la vieille galerie que Nunez, ainsi que nous Tarons vu plus haut, avait transformée, pour celte solennité, en une magnifique salle de festin. Ce n'était, du reste, qu'une réunion de famille, et de larges espaces vides démon- traient qu'une plus nombreuse affluence était attendue le lendemain. Juan de Yaldesillas ne pià réussir complètement dissimuler les émotions violentes qui l'agitaient. Après avoir salué avec courtoisie la marquise d'Ovéda et sa fille, c'est peiné s'il trouva le courage de répondre par un léger mouventeUt de tête l'accueil de don Diego* Une fois ces obligations remplies, il se renferma en lui-même, tout entier ses réflexions, observant.d'un regard furtïf le héros de cette fête, dont le sourire rayonnant lui produisait l'efFet d'une impudente bravade, et guettant le moment où il pourrait lui annoncer, sans d'ailleurs lui en dévoiler le secret, l'étrange entrevue laquelle le conviait un inconnu sur les bords du Mançanarès. Le repas commença silencieux, mais s'acheva au milieu des reten tissements croisés d'une conversation particulière. On remarqua toutefois que, soit pour manger, parler ou boire, Juan de Yaldesillas n'avait pas desserré les dents. Or, pendant cet espace de plusieurs heures, don Ruiz, loin de per dre patience, comme 011 pouvait le supposer, avait bravé les longueurs de Tattentc et mis chaque minute àpvofit. D'abord, l'aspect dè ces allées fraîches et vertes, qui, tout auprès de la Casa-del-Campo, sillonnent le sol en sens divers, et sont comme autant de guirlandes embaumées qui se déroulent depuis les étangs de la résidence royale jusqu'aux promenades voisines du fleuve, l'aspect, disons-nous, de cet admirable spectacle d'une nature qui depuis si longtemps avait disparu de ses yeux, mais vivait toujours dans ses souvenirs, don Ruiz s'était senti pénétré d'un double sentiment de bonheur et de désespoir. Il y avait en effet dans ce tableau de quoi lui faire aimer la vie et souhaiter la mort, c'est-à-dire qu'il y avait le rêve passé et la réalité présente, la mémoire de ces illusions de jeunesse, et la me naçante prophétie de l'avenir. C'était là, sous le voile protecteur de ce ciel blanc d'étoilessous les rameaux noueux de ces chênes séculaires, sous la tiède caresse de cette brise des nuits particulières au climat de l'Espagne,-queles pro ies 4é- messes mutuelles de Fernande et de Ruiz s'étaient si souvent échan gées.' C'est là que jadis la marquise d'Ovéda, encore en deuil*de la perte de son épôujt, rendait hommage la volonté de l'illustre mort en parlant aux deux jeunes gens, assis ses côtés, de leur b aheur futur. C était là encore que, forcé de quitter l'Espagnj^pour pli d'une année, don Ruiz avait reçu de Fernande et de sa ni<^ des h moignages d'une affection si lendré et dHin chagrin i dis que l'adieu glacé de son frèr^Dîégo avait retei^ ^>n oreille comme un son de mauvais augurent lui avait fait Éh* au cœur. 4 Ce n'est pas tout encorej pendant que les pieds Ruiz tou chaient ce sol tout, brûlant dt% souvfenir^ pendanl que sa pensée s'entretenait muette et fecueillie*, avec ces arbres, cette brise, ces parfums et ces fleurs, anciens témoins de sa joie perdue, vieux con fidents de ses espérances détruites,, ses yeux, franchisant l'espace et arrêtés dans une direction unique, enveloppaient, djtffc rœard fixe et humide, le parc et le château d'Ovéda. Là, en effetjitpassait la reL"' scène qui allait dénouer le drame de sa vie. Là.^e brisqjsou avenir et se préparait son malheur. Cette contemplation toute pénible qii"c fit, abrf>rh»il pourtant tout son être, et concentrait sur un seul jroïnt'ftutesY-./ <le son intelligence. Un incident, dont les conséquent

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