JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTÉRIEUR.
1 4e ANNEE. - N° 397.
JEUDI, 20 FÉVRIER 18
Opinion de M. Malou, Sénateur de Varrondisse
ment d'Ypres, sur l'art. 3 du projet de loi
relatif au domicile de secours.
On s'abonne Ypres, Marché
au Beurre, el chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
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daction doit être adressé, franc»,
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st le Jeudi de chaque semaine.
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3 i£l
YPRES, le 19 Février.
Nous apprenons que la cour d'appel de Gand
vient de prononcer un arrêt dans la cause
inlenlée par le sieur Crossée, colonel comman
dant alors le 5me régiment d'infanterie en gar
nison Ypres,contre le.sieur Brunfaut-Bourgois
de celte ville, en paiement de dommages-inté
rêts, résultant de cejque, dans l'année critique
1841, il avait suspendu la livraison de pommes
de terre aux troupes de ce régiment.
On se rappelera que le tribunal d'Ypres,
qui ordinairement alloue des dommages-inté
rêts avec tant de parcimonie, avait celte fois
condamné le sieur Brunfaut 2,200 francs de
dommages-intérêts et aux frais.,Cette condam
nation exorbilante el qui avait surpris tout le
monde, avait été prononcée la suite d'une
conférence en ebambre du conseil, où le sieur
Brunfaut et son avocat avaient résisté l'in
sistance du tribunal, afin qu'on payât, au Sieur
Crossée, une somme assez considérable par
forme de transaction le sieur Brunfaut devait
porter la peine Je ce qu'on appelait alors son
opiniâtreté.
Mais aujourd'hui la cour d'appel de Gand
a mis le jugement du tribunal d'Ypres au néant
avec condamnation de l'administration du 5me
régiment aux frais d'appel et de première in
stance.
Ce n'est pas la première'fois que M. Crossée
entraîne l'administration des régiments qu'il
commande, dans des frais qu'il eut été facile de
leur épargner. Mais son caractère allier et dif
ficile l'a embarqué dans des démêlés plus sé
rieux el qui n'ont pas tons tourné de manière
ce qu'il puisse trop s'en vanter.
C'est avec un sentiment de satisfaction que
nous reproduisons ci-dessous l'opinion de M.
Malou sur l'art. 3 decetle loi si importante pour
les villes. Dans un de nos derniers numéros,
nous avons blâmé le sénat avec amertume, pour
la légèreté avec laquelle il s'acquittait de ses
fonctions de législateur. Mais nous avons un
repr oche plus grave lui adresser. La majorité
jésuitique du sénat se ressouvient trop qu'elle
ne tient son mandat, que de la partie brute de
la nation. Aussi dans celle assemblée, toutes les
mesures qui flattent les préjugés de certaine
partie de la population sont-elles adoptées avec
enthousiasme par les honorables qui veulent
plaire la classe d'électeurs de qui ils tiennent
leur mandat. C'est avec plaisir que nous consta
tons que M. Malou n'a pas trouvé juste de
suivie ses collègues dajv: leurs aberrationset
qu'il a appuyé de son vole et de sa parole, une
loi équitable qui, sans écraser les villes, n'est
pas trop défavorable aux communes.
M. Malou-Vergauwen. Messieurs, la loi en
discussion offre une amélioration eu égard ce qui
existe acluellement, grâce aux interprétations mi
nistérielles. La loi de itf 18 avait prescrit une habi
tation de quatre ans, mais il fallait avoir contribué
dans les charges de la commune. Depuis on avait
couru au plus pressé, le paupérisme décimait les
campagnes et sans prévoyance; des arrêtés minis
tériels ont offert les villes comme asile une popu
lation misérable el incapable de gagner sa subsistance
autrement qu'en mendiant.
Lesconimunes|oiil saisi l'occasion que leur don
nait l'interprétation ministérielle de la loi de iKiK,
pour se débarrasser d'une charge de jour en jour
plus pesante. C'est alors que les villes, surtout dans
les Flandres, ont vu accroître leur population indi
gente vue d'oeil. A peine entretenu pendant quatre
ans dans une ville, par une commune quelconque,
l'indigent venait solliciter des secours du bureau de
bienfaisance de son nouveau domicile de secours. Il
est inutile de nous appesantir sur les conséquences
que pourrait avoir une trop forte agglomération de
population pauvre et sans travail dans l'enceinte des
villes; une voix éloquente a dans une autre enceiule
attiré sur ce fait l'attention du gouvernement.
«Cependant, Messieurs, le terme de huit ans em
pêchera ail moins que la fraude se fasse au grand
jour et avec une aussi déplorable facilité qu'actuel
lement. On pourrait approuver ce terme, si on avait
daigné y ajouter: que celui qui se trouverait secouru
par la commune qui est son domicile de secours dans
une autre commune, ne pourrait jamais acquérir
droit aux secours publics dans cette dernière localité.
C'est ainsi, Messieurs, que vous empêcheriez ces
transmigrations de pauvres d'une commune une
autre, et que vous mettriez un terme ce mode im
moral de se débarrasser de ses indigents, en les
déversant sur une commune voisine et en les y en
tretenant pendant quatre ans; la longueur du terme
n'obviera cependant pas entièrement ce vice enra
ciné dans les -habitudes administratives des com
munes.
D'ailleurs, Messieurs, il est un principe qu'oïl
paraît avoir perdu de vue: c'est celui que l'indigent
lie peut avoir droit aux secours publics, s'il n'a au
préulahlecontribuédans les charges de la commune.
J'aurais désiré qu'il eut été fait mention de ce prin
cipe équitable. Je conviens, de bonne grâce, que la
manière de l'appliquer offre de grandes difficultés,
niais au moins il aurait pu être utile de détourner
les mal heureux dans l'indigence de s'engouffrer dans
les villes, où la vie est plus chère et qui ne peuvent
offrir aucun travail la portée de personnes accou
tumées aux ouvrages de la campagne.
II me serait facile de faire le tableau de la province
que j'habite, mais je me bornerai citer un seul
fait qui s'est passé dans la ville d'Ypres, et qui y a
amené un grand nombre de familles pauvres. Ce
fait, le voici lorsque en 1816 on a posé les fortifi
cations de la ville d'Ypres, il y est arrivé par cen
taines d'individus pauvres des villes et des commu
nes de toutes les provinces, pour travailler ces
Feuilleton.
(Suite,)
VIII.
Le jour commençait peine et déjà une agitation extraordinaire
se faisait remarquer dans la ville de Linlithgow. La populace inon
dait les rues, tandis que des groupes de têtes charmantes pendaient
aux fenêtres vermoulues des vieilles maisons connue ces belles touf
fes de fleurs que la nature jette au flanc des i uiues pour cacher leurs
cicatrices. L'affiuence était surtout considérable aux abords de cette
maison qui, deux jours auparavant, avait attiré si vivement 1 atten
tion de James Slewart. La foule qui s'était portée sur ce point for
mai l une masse assez compacte pour que le§passage de la rue s'en
trouvât presque entièrement intercepté, ce qui amenait de fréquen
tes allercatious entre les bourgeois qui voulaient passer outre et les
hommes qui avaient choisi ce lieu pour y attendre l'arrivée du ré
gent. Mais les paisibles habitants de Linlithgow s'aper.'cvant enfin
que le résultat de ces escai mouches leur était rarement favorable,
se décidèrent abandonner le terrain en litige ceux qui parais,
saient déterminés en conserver tout prix l enlière disposition.
D'ailleurs, outre leurs façons d'agir un peu brutales, tous ces hom
mes portaient sur leur physionomie quelque chose de dur et de
rébarbatif qui n'était pas fait pour leur gagner les sympathies de la
Joule; aussi les laissa-t-ou bientôt seuls sur remplacement dont ils
avaient pris possession. Ces réprouvés u'élairnt autres que Totn
Hockuey et une baude de deux cents compagnons.
Lorsque le digne chef eut mis un peu d'ordre dans sa troupe et
signifié chacun le rôle qu'il avait remplir dans la fête qui se
préparait, il s'approcha d'un homme aux formes robustes, la phy
sionomie féroce et intelligente et lui fit signe de le suivre l'écart.
Frère, lui dit-il, quand il crut ne pouvoir être entendu de per
sonne, rappelle-toi bien ce dont nous sommes convenus; le régent
doit entrer dans Linlithgow midi, onze heures tu laisseras là
toutes ces bétes brûles et tu viendras me rejoindre. Jusque là ne les
quitte pas un moment; quant moi, je cours au-devant de Murray,
je lui dévoile les dangers qui menacent ses jours eu fournissant les
indications nécessaires pour que le coupable soit surpris au milieu
de ses préparatifs, puis quaud je tiendrai dans mes maius la récom
pense dont me gratifiera le comte de Morray pour lui avoir sauvé la
vie, avec celle que m'a remise I ami John pour la lui ravir, nous
quitterons l'Écosse pour aller vivre en paix en Angleterre. C'est
bien, Tom, compte sur moi es-lu armé en cas de surprise? J'ai
sur moi de quoi recevoir qui voudiail m'atlaqucr, deux pistolets et
un poignard.
En ce moment un petit être frêle et difforme, qui, grâce l'exi
guïté de sou individu, avait pu entendre les paroles de Ton» H-ick-
ney, caché derrière uue légère anfracluosilé de muraille, se relira
douceineut et® '°l Uii toutes jambes.
A l'heure où la ville de Linlithgow tout entière se livrait U
joie et levétait ses habits de fête, un cavalier s'arrêtait l'entrée du
vaste jardin qu il fallait traverser pour pénétrer dans la maison de
l'archevêque S1-André, en venant du côté des champs; car, ainsi
que c'était l'usage cette époque, cette demeure avait deux issues,
11 écoula un instant le bourdonnement de la rue qui grondait
vingt pas de lui comme un orage lointain, jeta un regard rêveur sur
les champs paisibles et la solitude profonde qui l'entouraient, puis il
mit pied terre, attacha la bride de son cheval l'un des poteaux
de la porte du jardin et entra, ayaut soin de laisser cette porte ou
verte derrière lui.
Arrivé au corps de logis, il monta avec précaution quelques
degrés, tira lui une petite porte qu'il laissa eutrebaillée après avoir
franchi le seuil, et se trouva d?us une grande pièce ornée d'un large
balcon tn bois qui surplombait sur la grand'rue de Linlithgow.
Cet homme, c'était Hamilton de Bothwellaug; sa physionomie,
naturellement sombre, était empreinte en ce moment d une déter
mination calme et impassible qui le rendait plus énergique encore,
et il portait un costume dout l'effet ajoutait singulièrement cette
expression importante, eu même temps qui! montrait dans tout
leur avantage sa haute taille el ses membres robustes: de lourdes
bottes moulaut jusqu au-dessus du genou, une ouiras$e par-dessus
sou justaucorps eu peau de buffle, un large chapeau de feutre, et
une épée dont la poiguée élincelante et le fouricau moitié usé
attestaient que l'homme qui le portait sa ceinture en faisait autre
chose qu'un objet de parade.