M. le procureurdu roi demandeau témoin A mare
s'il a su parle mari Baelde qu'il y avait du poison
chez lui.
Le témoin répond affirmativement Philippe
Baelde lui a montré le pupitre où le poison avait été
déposé, mais alors il n'y avait plus d'arsenic dans
ce pupitre. lia entendu les voisins parler de l'épaisse
fumée qui provenait, d'après ce qu'on croit> de la
destruction de l'arsenic par le feu.
Deuxième témoin, Louis Renolte, agent de police
Ypres, confirme la déposition du précédent té
moin. Il ajoute que les attroupements devant la
maison Baelde étaient si nombreux et si hostiles
que, si les soldats et les gendarmes ne les avaient
retenus, les individus qui les composaient auraient
arraché la femme Baelde de sa maison. Lors de l'ex
humation du cadavre de la servante, il y avait 3
4,000 personnes autour du cimetière.
C'est le témoin qui a été prendre chez la femme
Baelde la fiole qui avait contenu la médecine et le
verre dont la défunte s'était servi il l'a portée chez
le pharmacien, qui a reconrKi la fiole et a versé sur
sa main quelques gouttes du liquide qu'elle conte
nait; après avoir porté le liquide la langue, le
pharmacien l'a rejeté, disant que c'était bien là la
médecine qu'il avait préparée. Lorsque ce témoin
remit la fiole au pharmacien nommé expert par
la justice, celui-ci jeta un peu du liquide sur un
charbon ardent, et s'écria de suite qu'il y avait de
l'arsenic dans la fiole.
Le témoin confirme ce que le commissaire de po
lice a dit des querelles qui s'élevaient au départ de
chaque domestique de chez la femme Baelde.
Le jour du décès de Catherine Leroy, la première
accusée a dit au témoin que Marie Van Oost n'avait
pas couché dans la maison Baelde.
L'accusée Baelde nie avoir tenu ce dernier propos.
L'accusée Van Oost répète qu'elle a cédé aux sol
licitations de la femme Baelde, en disant d'abord
qu'elle avait couché chez cette dernière.
M. le président la fille Van Oost. I/avocal de la
femme Baelde n'est-il pas venu vous trouver dans
la prison d'Ypres, et qu'est-ce qu'il vous a dit.
L'accusée Van Oost. Oui, M. le président, l'avocat
m'a demandé pourquoi je n'avais pas persisté dans
ma première déclaration concernant lelieu où j'avais
couché je lui ai répondu que je ne voulais pas per
sister dans un mensonge. 11 m'a demandé: ne pour-
riez-vous pas ajouter que la fiole contenant la
médecine a été si bien cachée par la fille Leroy que
la femme Baelde n'avait pu l'apercevoir. J'ai dit qu'il
serait ridicule de faire une pareille déclaration.
M. le président l'accusée Baelde. Avez-vous mis
du sucre dans le petit lait préparé pour la servante.
R. Oui, monsieur, une seule fois.
L'audience est levée i heure et renvoyée 3
heures et demie de relevée.
Audience du soir,
A 4 heures i/4 l'audience est reprise.
Troisième témoin. Charles-Léopold Lannoy, doc
teur en médecine Ypres. La première fois que j'ai
été appelé chez Baelde, c'était en iNdg, au mois
d'août, pour rendre visite la tante qui était arrivée
de Mayeuce pour passer quelques jours chez les
époux Baelde. M. le docteur Coppieters l'avait déjà
traitée antérieurement. Pendant ce mois je lui ai
fait une dixaine de visites, et autant pendant le mois
d'octobre. Celte tante avait une maladie d'estomac
et d'intestins, outre un cancer la matrice. 11 lut
parlé souvent en ma présence de la fortune de celle
tante, et j'ai cru comprendre que celle fortune
était plus ou moins convoitée par les époux Baelde.
Il y a trois mois j'ai encore rencontré le docteur
Coppieters; vous vous rappelez, me dit-il, celte
maladie de la tante? A quoi j'ai répondu que je me
la rappelais vaguement. Le docteur Coppieters
ajouta que les symptômes de celte maladie lui re
venaient en mémoire, ainsi que de fréquents vomis
sements qu'avait eu cette femme, et qu'il ne serait
pas éloigné de penser maintenant qu'elle aussi au
rait pu mourir empoisonnée.
L'année dernière, le 8 juillet, j'ai été appelé en
grand'hâte pour donner mes soins un homme qui
se trouvait malade dans la maison Baelde. Après une
visite cet homme, la femme Baelde me dit, que sa
fille Hortense était malade, et me pria de la voir. J'y
suis retourné pour cette jeune fille les 12, i4, i5 et
16 du même mois. Le 16, après avoir visité Hor
tense, la femme Baelde me dit qu'elle pensait que sa
servante avait besoin d'une saignée. Je fis appeler
celle-ci et lui demandai pourquoi elle désirait être
saignée elle me parla de violents maux de lêles. Je
lui fis une autre question laquelle elle me répondit
de manière que je crus devoir l'engager renoncer
se faire saigner, et je lui donnai une recette in
signifiante.
Le mercredi 17, je suis retourné pour voir la
jeune Hortense, mais sans penser a voir la servante
dont l'indisposition m'avait paru fort peu grave.
Sur le point de partir, je dis cependantà M me Baelde:
Comment va votre servante? Elle a dû se lever ce
matin, me répondit-elle, et elle a été obligée de re
gagner son lit, elle a vomi, après avoir pris son
remède en une seule fois. Elle me montra en même
temps la bouteille dans laquelle il n'y avait plus
que quelques gouttes d'un liquide rougeâtre et tel
que devait être celui que j'ai prescrit.
Je suis alors monté voir la serrante qui m'a dit
qu'elle avait eu une ou deux selles et autant de vo-
missemens, je lui ai demandé où elle souffrait elle
m'a répondu qu'elle ne souffrait pas, et je n'ai re
marqué en elle aucune circonstance particulière. Il
est vrai de dire que la place était assez sombre, et
que je ne pouvais bien parfaitement distinguer la
maladie. Ensuite Mme Baelde in'a dit que la servante
prenait du petit lait avec du sucre blanc, et elle n'a
fait aucune remarque relativement au remède qu'on
avait été chercher. On 11e m'a pas instruit non plus
que la servante eût eu des vomissements le jour
précédent.
Le jeudi, 18 5 heures du matin, un enfant est
venu me chercher, me priant d'aller chez la femme
Baelde. Aussitôt que je fus entré, celle-ci me dit
ma servante est morte, hier elle a continuellement
vomi, et ce matin, quand je suis allée pour lui de
mander si elle n'avait besoin de rien, je l'ai trouvée
morte dans son lit. Je suis alors allé près du cada
vre et je l'ai trouvé étendu dans le lit et soigneuse
ment couvert, le corps était déjà froid et raidi, mais
la poitrine couservuil encore un reste de chaleur.
J'ai d'abord cru la mort par suite d'une congestion
cérébrale, et ce 11'a été qu'après l'exhumation que
je suis resté convaincu que tel 11'avait pas dû être le
motif de celle mort.
Toutefois, quand la femme Baelde m'apprit la
nouvelle, je lui ai exprimé mon étounement qu'elle
ne m'eût pas fait appeler plutôt, ne fût ce que pour
préparer la mourante recevoir les derniers secours
de la religion.
Lorsque je fus descendu avec la femme Baelde elle
me témoigna le désir d'être débarrassée le plus
promptemeut du cadavre, attendu qu'elle avait chez
elle une forte quantité de beurre et de lait qu'elle
craignait de voir gâter. Là dessus je lui conseillai de
faire porter le cadavre l'hôpital, ce qu'elle n'a pas
jugé propos de faire.
Quant l'instant où la servante a cessé de vivre,
je pense que ç'aété quatre on cinq heures avant mon
arrivée.
Sur une interpellation de M. le président, le
témoin répond que la femme Baelde lui a dit avoir
été elle-même auprès du lit de Catherine Leroy et
l'avoir trouvée morte.
A une seconde interpellation, le témoin dit que
la femme Baelde n'a fait aucune mention de Marie
Van Oost, et que pour lui, il ne saurait dire s'il a vu
ou non cette dernière chez fa femme Baelde. Le
témoin dit que dans ce moment la femme Baelde
était fort agitée et qu'il pense, sans oser l'affirmer,
lui avoir prescrit un calmant.
A y heures du matin, la femme Baelde m'a fait
appeler de nouveau, elle était alors dans son lit et
très-agitée; sur sa demande, je lui ai pratiqué une
saignée. Dans ce moment encore, elle ne m'a parlé
ni du remède ni du piiarmacieu.
Interpellé de nouveau par M. le président, sur le
point de couuaitre si le témoin pensait que Catherine
Leroy ait dû avoir des convulsions dans sou agonie,
M. Lannoy répond affirmativement et ajoute que les
couvertures auraient dû être nécessairement déran
gées. Quelques jours après, j'ai encore été appelé par
la femme Baelde, mais cette fois je crois, dans un but
de curiosité, car elle m'a dit Le bruit court en ville
que le pharmacien se serait trompé et aurait donné
une substance pour une autre.
Je n'ai jamais dit, comme le prétend la femme
Baelde, que le pharmacien pouvait s'être trompé.
Telle est en substance toute la déposition de M.
Lannoy, en ce qui concerne la mort de Catherine
Leroy, en ajoutant toutelois que le témoin, interrogé
par M. le président, a déclaré énergiquemenl et eu
renouvelant son serment, que jamais la première
accusée ne lui aurait dit ces paroles: Nous vous
avions fait venir, parce que Marie Van Oost croyait
que la servante n'était pas encore morte.
M. le président observe que celte partie de la dé
position de M. Lannoy est en tout conforme au
premier interrogatoire devant M. le juge d'instruc
tion d'Ypres.
L'opinion de M. le docteur Lannoy est que Cathe
rine Leroy a pris le poison dans le lait battuqu'on lui
a présenté, que l'arsenic n'a été mis dans la petite
fiole qu'afin de dérouter la justice, que le 16 il n'y
a pas eu de vomissements, et que si le 17 il y en a
eu, il ne faut l'attribuer qu'à l'approche des cir
constances critiques de la femme.
Les dépositions des trois témoins qui précèdent
ont été énergiquement contestées plusieurs reprises
par la première accusée.
4° témoin. M. Henri Hammelrath, docteur en
médecine Ypres. Nous remarquons la facilité d'élo-
culion de ce témoin, et l'extrême lucidité des expli
cations scientifiques qu'il apporte en réponse aux
interpellations de la cour, de MM. les jurés et de la
défense.
M. Hammelrath dépose qu'il est sa connaissance
que Catherine Leroy aurait témoigné une grande
répugnance prendre le remède qu'on lui avait
prescrit, disant que ce remède était extrêmement
mauvais, or, fait remarquer le témoin, d'après
l'analyse que j'ai faite du remède donné par le phar
macien, j'ai dû penser qu'on avait fait erreur en
dounanL du sulfate de soude au lieu de sulfate de
magnesie indiqué par l'ordonnance, et ce qui me
confirme dans cette croyance, c'est la répugnance
éprouvée par la servante en buvant le remède,
attendu que la sulfate de soude est en effet d'un
goût détestable, tandis que l'arsenic n'a aucun goût
au moment de l'absorption.
Il a ajouté que Marie Van Oost avait dit qu'on lui
avait rapporté que le pharmacien n'avait mis dans
la bouteille qu'une poudre blanche, d'où il tire cette
conclusion qu'on n'a pas pu mettre la fois et du
sulfate de soude, et de l'arsenic en poudre.
En résumé, son opinion est que la mort a été oc
casionnée par l'arsenic et non par le remède donné
par le pharmacien, et que le liquide trouvé dans la
bouteille contenait du sulfate de soude et non du
sulfate de magnésie.
M. le docteur Hammelrath avait été désigné par
l'instruction, comme expert pour toute les opéra
tions corcernant l'exhumation et l'autopsie. Sur
l'ordre de M. le président, une caisse contenant les
élémens et les résultats de ces opérations a été
ouverte en présence de M. Hammelrath, qui a lui-
même présenté la cour, MM. les jurés et la dé
fense tous les détails de ses opérations, et qui les a
développés, nous le répétons, avec une clarté qui
prouve en lui une véritable science, et laquelle
nous ne saurions donner trop d'éloges.
L'audience est levée 8 heures pour être conti
nuée le lendemain g heures et quart du matiu.
Audience du 25.
L'audience est ouverte y heures.
5° témoin. M. Gerste, pharmacien Ypres. Le 16
juillet, entre y et 1 o heures, la fille Clémence Baelde
est venue ma pharmacie avec une ordonnance du
docteur Lannoy, portant: 1 once sulfate de magnésie
2 onces de sirop de pavots rouges 6 onces
d'eau de fenouille. J'ai préparé ce remède, et comme
on m'a demandé l'ordonnance, je l'ai donné. Mais le
même jour j'ai écrit son contenu sur mon registre:
j'en ai donné une copie M. le juge d'instruction
qui a vérifié avec le registre précité.
M. le président fait remarquer au témoin qu'au
lieu de sulfate de magnésie., on a trouvé dans le
liquide qui était resté dans la fiole du sulfate de
soude. - Le témoin dit qu'il a pu se tromper, at
tendu que ces deux substances étaieut renfermées
dans la même caisse, et seulement séparées par une
feuille de papier.
M. le président. Où mettez-vous votre arsenic?
R. Il reste toujours sous clef. Je n'ai d'ailleurs
remarqué aucun dépôt au fond de la bouteille, cequi
n'a rien d'étonnant puisque le sulfate de soude se
dissout facilement dans l'eau. Quant l'arsenic,
personne ne pouvait atteindre chez moi la caisse
qui renfermait l'arsenic, attendu que j'en ai tou
jours la clef sur moi.
D. N'aviez-vous pas chez vous de l'arsenic de
soude, et n'en a vez-vous jamais ni préparé ni vendu?
R. Je n'en ai jamais eu, et jamais je n'en ai ni pré
paré ni vendu.
D. Avez-vous reconnu la bouteille et la médecine?
R. Oui, et ce que j'ai vu au fond de la fiole m'a
paru être du sel cristallisé.
6° témoin. Henri de Houck, élève en pharmacie
Ypres. Je me rappelleque Clémence Baelde est venu
chez mon patron le pharmacien Gerste, tout ce quo
j'ai vu c'est que celui-ci a préparé la recette dans
un mortier, et comme la fille Baelde a demandé
qu'on lui rendit l'ordonnance, M. Gerste a cemsenti
la lui rendre.