4e ANNEE. - N° 403.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTÉRIEUR.
JEUDI, 13 MARS 1843.
On s'abonne Tpres, Marché
an Beurre, et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
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Tout ce qui concerne la ré
daction doit être adressé, franco,
l'éditeur du journal, Y près.
L» Progrès parait le Dimanche
et le Jeudi de chaque semaine.
PRIX DES INSERTIONS.
Quinze centimes par ligne.
YPKES, le 12 Mars.
CHEMIN DE FER.
Nous avons cherché démontrer par plusieurs
articles publiés, il a quelque temps, dans le
journal le Progrèsque les habitants de 1 an
cienne Wesl-Flandre en général et de I arron
dissement d'Ypres en particulier, avaient con
tribué pour des sommes immenses dans les
dépenses occasionnées par les travaux publics
exécutés dans le pays, et qu'en échange de ces
sacrifices, nous n'avions rien obtenu; nous
avons cru pouvoir conclure de ces faits, que
notre demande tendante être reliés au grand
réseau du chemin de fer de l'Etat, devait être
favorablement accueillie par ceux auxquels les
préoccupations politiques ou les intérêts de clo
cher n'ont pas fait oublier totalement les prin
cipes de la justice dislributive.
Nous avons prouvé en outre, que par suite
de l'établissement des chemins de fer dans di
verses parties du pays, les localités qui ne sont
pas admises jouir des avantages que procurent
ces voies de communication rapides et faciles,
sont placées dans une position telle, que la
concurrence commerciale et industrielle avec
les contrées plus favorisées, leur est matérielle
ment impossible.
Aujourd'hui, le moment est venu pensons-
nous, de tirer de ces principes géuéraux, des
conclusions applicables ail pays composant la
Wesl-Flandre, qui depuis longtemps est lésée
si injustement dans ses intérêts les plus chers
et les plus vitaux.
Nous n'ignorons pas que notre demande ne
peut manquer d amener une polémique sérieuse
et vive peut-être entre les journaux de Bruges
et nous; nous regrettons même de devoir lutter
en cette circonstance avec une feuille du chef-
lieu de la province, {VImpartial de Bruges
qui a su mériter toutes nos sympathies politi
ques. Mais la question est trop grave pour qu'il
nous soit permis d'hésiter un instant défendre
nos droits; si on nous attaque, nous nous dé
fendrons avec énergie, avec persévérance, mais
avec loyauté. Notre cause est juste et sacrée,
mais nous saurons honorer et respecter nos
adversaires, tout en les combattant.
La plupart des voies de communication con
struites dans la Flandre Occidentale se dirigent
du midi vers le nord et viennent plus ou moins
directement aboutira Bruges. La frontière orien
tale de notre province a une étendue, en ligne
droite, de 14 lieues environ sur un espace de
7 1,2 lieux, qui sépare Thielt du village de
FEspierre (frontière de France), il n'existe qu'une
seule route tracée de l'ouest vers l'est, c est-à-
dire vers le centre du pays et le Hainaut; celle
route est celle d'Ypres Courtrai.
La nature même du commerce fait par nos
ancêtres, pour qui les communications vers la
mer du Nord étaient un besoin réel, a amené
cet état de choses; maïs aujourd'hui que les
communes ont perdu leur individualité puis
sante, aujourd'hui que notre Wesl-Flandre
forme plusieurs districts du royaume de Belgi
que, les relations commerciales se sont modi
fiées. De nouveaux besoins se fout sentir; c'est
vers le centre du pays qu'il faut exporter les
produits de notre riche territoire, c'est le Hai
naut qui doit fournir les matières premières ou
fabriquées. C'est donc vers le Hainaut et le
centre du pays, que des lignes nouvelles doivent
être établies.
Dans la situation actuelle des choses, le prix
du transport ou du fret des produits que nous
exportons vers les pays et de ceux que nous
recevonseti échange, est tellement élevé, que les
transactions commerciales deviennent peu
près impossibles. Four certaines marchandises
le prix du fret égale et dépasse même le prix
primitif de vente; c'est ainsi que le mètre cube
de chaux de Tournay, qui se vend Ypres de
23 25 francs, ne coûte sur les lieux que 9
10 francs. La suite un prochuin numéro.)
Dans un de nos derniers n°9, nous avons cru
pouvoir annoncer nos lecteurs, que la candi
dature de M. LéopolJ DeFlorisone, pour la place
de représentant, était une mauvaise plaisanterie.
Nous nous sommes trompés. On a vu le candi
dat au chef-lieu de la provincerendant des
visites Monseigneur l'évêque, pour invoquer
humblement sa protection, et chez le gouver
neur, pour lui annoncer ses intentions.
En vérité, c'est ne pas y croire, comment
cet homme qui ne voulait pas de places, qui
abhorrait les honneurs, se trouve piqué de la
tarentule, il est devenu ambitieux. Nous connais
sons des individus qui jouent le rôle de saule
marquis avec toute la naïveté désirable, mais
certes personne ne possède des prédispositions
comme M. DeFlorisone, pour tenir la chambre
l'emploi de paillasse, d'autant plus que sou édu
cation politique s est faite sur un théâtre qui, du
reste, l'a mis, lui chétif, plaisamment en relief.
Nous ne croyons pas devoir faire connaître
les noms des candidats de l'opinion libérale pour
la représentation nationale, parce qu'il nous a
semblé que le parti clérical n'a pas encore de
candidat officiel. Tout au moins les feuilles qui
sont rédigées sous I inspiration du clergé, n'ont
pas encore donné le dernier mot de la ligne de
conduite que tiendront leurs patrons.
Le public se rappelle sans doute encore avec
quel généreux élan les habitants de la ville
d'Ypres et des communes voisines de celle de
Dickebusch, vinrent au secours des victimes de
l'incendie qui éclata dans cette dernière loca
lité le 13 mai 1844.
Une commission présidée par M. le commis
saire d'arrondissement fut chargée d'employer
et de répartir les sommes provenant des collec-
Feuilletoi» «lu Progrès*
ILA TOUMES-RATTS»
NOUVELLE.
Suite et fin
Ace passage de son récit, je regardai fixéraent Rugierri; je com
pris qu'il allait aborder le merveilleux. Mou regard l'intimida; nue
brûlante rougeur se répandit sur sou visage, et il garda pendant un
instant le plus grave silence. Eufin il sembla faire un violent efTort
aur lui-même et reprit aiusi
L'homme se soumet difficilement des croyauces nouvelles ce
qui fut d abord pour lui un sujet de railleries intarissables ne saurait
devenir tout-à-coup l'objet de son respect, de son cuite. Il y a quel
ques jours notre opinion était la même, aujourd hui elle diffère de
toute la distance qui sépare l'hypothèse de la preuve, la vérité de la
fiction. Voilà pourquoi je me trouve embarrassé parler devant vous
des incidents surnaturels qui ont amené dans mon esprit un chan
gement aussi prompt que bizarre
Aiusi donc, dis-je en interrompant Rugierri, vous attribuez
on obstacle surnaturel cette impossibilité de faire avanoer ou reculer
votre barque?
Vous allez vous-meme en juger. Pendant que nous faisions les
plus violents efforts jpour regagner le bord du fleuve, un voix, dont
les accents plaintifs et lugubres donnèrent une triste direction nos
pensées, sortit des débris de la Tour-des-Rals, et chanta une longue
complainte dont voici peu près le sens
Viens Tout dort sur la terre, tout repose dans le ciel. Les étoiles
sont brillantes et la lune est si belle!
O ma bien-aimée, relève-toi du sein de la mort et viens écouter le
chant du ménestrel
Viens ton barbare époux na plus prononcer de jugement sangui
naire, car duns le néant éternel il dort enseveli O ma bien-aimée,
relève toi du sein de la mort et viens écouter le chant du ménestrel.
Viens! je bénis le maître dont l'arrêt me condamnecar dans mon
remord même je trouve du bonheur O ma bien-aiméerelève-toi du
sein de la mort et viens écouter le chant du ménestrel.
Viens! c'est ma voix chérie qui chaque année t appelle, c'est ton
Jidèle amant qui renaît pour f aimer O ma bien-aimée, releve-tui du
sein de la mort et viens presser sur ton cœur ton ardent ménestrel.
La voix se tut et un instant après nous vîmes apparaître, sur le
sommet de la tour, un jeune homme vêtu la manière de ces chan
teurs nomades qu'au moyen-âge Ion désignait sous le nom de mé
nestrels. Une jeuue femme l'accompagnait et semblait se suspeudre
son bras avec bonheur. Mais bientôt leur ivresse fut troublée par
les cris qu'une voix tonnante jetait travers des meurtrières de la
tour. Les deux amants en descendirent précipitamment et parcouru
rent l'île dans une extrême agitation. Ce fut alors que nous nous
aperçûmes de 1 apparition d'un troisième personnage qui, lépée au
poing, la hâche la ceinture, les poursuivait avec acharnement»
frappé du danger qui meuaçait les malheureux amants, je résolus
de prendre part cette scène étrange que jusqu'à ce moment j'avais
regardée plutôt avec une inquiète curiosité qu'avec crainte. J'armai
aussitôt mes pistolets deux coups et fis feu sur le dernier venu
quand il passa la hauteur de noire barque. 11 s'arrêta sans pousser
uq seul cri, et cependant mes balles l'avaient atteint, mais, me Groi-
rez-vous, saus le blesser! il s'avança avec un grand sang-froid jusque
sur le bord du lleuve, et là, me regardant en ricanant, il entr'ouvrit
sa poitrine et en retira les quatre balles qu il me jeta au visage aveo
un mouvement de dédain que nui être humain ne saurait imiter.
Cette scène ne fut que le prélude d'autres scènes plus épouvan
tables.
Nous nous persuadâmes bientôt que les trois personnages de ce
sombre drame étaient le châtelain, sa femme et le meuestrel, héros
de la légeude que I on nous avait racontée Reiustein, et qu un
arrêt mystérieux condamnait sans doute reparaître ainsi chaque
année sur la scène du monde.
Les amants s'étant de nouveau réfugiés dans la tour, le châtelain
les y poursuivit. Jugez de notre horreur lorsque nous le vîmes se
saisir du ménestrel et déchirer son corps en lambeaux qu'il jeta
par-dessus les créneaux, mais peine eut-il achevé cette épouvan
table exécution que l'ombre du ménestrel se dretfa de nouveau au