INTERIEUR.
5e ANNÉE. N° 427.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
On s'abonne Ypres, Marché
au Beurre, et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT,
par trimestre.
Pour Ypresfr. 5-00
Pour les autres localités 6-00
Pris d'uD numéro0-25
LePro
JEUDI, 5 JUIN 1845.
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé, franco,
l'éditeur du journal, Ypr^A.
Le Progrès parah le Diman
che et le Jeudi de chaque semaine.'
PRIX DES INSERTIONS.""^
Quinze centimes par ligne.
VIRES ACQUIRIT EUNDO.
YPRES, le 4 Juin.
II est fâcheux pour le Journal des Baziles
que ses répon.sesjau Progrès soient toujours mar
quées au coin de la mauvaise foi la plus évi
dente. Nous avions avancé dans un de nos
derniers n"», que la ville de Poperinjjhe comp.
lait environ cent quarante électeurs, tandis
que la ville d'Ypres n'en avait que deux cent
quarante d'inscrits. Là dessus, exclamalions de
la part du béat journal, sur limporlance de la
ville de Poperinyhe, qui n'a qu'une centaine
d'électeurs de moins que le chef-lieu de l'ar
rondissement. Mais ce que la feuille du cleqjé a
oublié d'ajouter, c'est que le cens qu'il faut
payer àg Poperinghe, n'est que de 35 florins
(fr. 7-4-07 c. tandis qu'à Ypres, il s'élève
50 florins, ou fr. 105,82.
Ce simple rapprochement explique le méca-
nismede la loi électorale. Pour assurer influence
prépondérantedu clergé, lecens est tellement bas
la campagne (30 florins), qu'un tiers des élec
teurs ne possèdent que nominalement la pro
priété qui leur donne le droit d'être électeur.
Bien des campagnards inscrits sur la liste élec
torale, s'ils devaient déduire de la valeur vénale
les charges qui grèvent leur propriété, se trou
veraient, en se libérant, réduits mendier leur
pain.
Telle est la composition du collège électoral
d Ypres, qui se trouve chargé, de par la loi du 3
mars 1831, de juger en dernier ressort le système
ministériel, qui fait le malheur et la honte de la
Belgique.
On paraît peu satisfait de ce que nous
avons dit que les électeurs de Poperinghe vo
lent comme un seul homme. Eh! mon Dieu,
il est possible qu'on ne soit pas content qu'on
le dise, mais il est prouvé qu'on en agit ainsi
et quelques très-rares exceptions près, les
électeurs de celte localité sont unanimement
guidés par leurs curés aux comices électoraux.
Le Journal des Baziles eut mieux fait de ne
pas relever l'importance de la ville de Pope
ringhe dans nos luttes électorales, car on vient
de prouver comment celle importance est ac
quise et combien elle est inique.
Le cens est de près d'un tiers moins élevé
qu'à Ypres, et seulement de cinq florins de plus
que dans les communes rurales. Si Poperinghe
on était tenu de payer, pour être électeur,le même
cens qu'à Ypres, nous pouvons certifier qu'on
ne compterait pas soixante dix noms inscrits
sur la liste électorale.
Il faut bien que la ville d'Ypres ail toujours
passé pour une cité remarquable par l'esprit in
dépendant et éclairé de ses habitants, car on a
fait une exception pour elle dans la loi électo
rale. Le cens est plus élevé Ypres que dans la
ville de Namur, où il ne faut payer que quarante
florins et cependant Namur compte au-delà de
vingt mille habitants et est chef-lieu de pro
vince. Mais aussi il faut ajouter, que Namur
est la première ville de la Belgique qui a été
dotée de jésuites et l'on se flattait que les
bons pères maintiendraient les habitants dans
les bonnes habitudes de servilisme I égard
du clergé. Mais l'on s'est trompé, car le collège
électoral de Namur ne veut plus de députés, qui
ne représentent que la sacristie.
Loin donc que la ville d'Ypres ait lieu de
regretter que son rayon électoral de communes
guidé par le curé et le bourgmestre, vote en
majorité pour les candidats du clergénous
croyons, nous, que ces communes sont plus
plaindre que la ville d'Ypres. Car au besoin la
ville d'Ypres se défend elle-même, quand les
représentants qui devraient prendre cœur
ses intérêts, ne jugent pas propos de le faire,
tandis que pour lescomiunnes qui volent si bé
névolement pour le premier venu qu'on leur
indique qui donc songe satisfaire leurs élec
teurs apathiques qui il est égal d'avoir l'un ou
l'autre individu pour représentant, dès qu'il plait
M. le curé.
On nous annonce que M. Vandevelde pro
cureur du roi Furnes, se maintient sur les
rangs comme candidal la représentation
nationale, malgré l'ordre formel du ministère,
qui ne veut pas qu'il reste ostensiblement op
posé M. Clep, le candidat du clergé.
Le Journal de Bruges annonce que M. De
Breyne-Peellaertbourgmestre de la ville de
Dixmude, accepte la candidature de député que
les électeurs de l'arrondissement de Dixmude
lui ont spontanément offerte. S il est nommé, il
remplacerait la chambre, M. Morel-Danneel.
minislration de l'hospice royal de Messines, en
remplacement de son frère décédé.
Par arrêté royal du 30 mai 1845, le sieur
Iweins (Henri-François-Gustave-Alphonse),avo
cat Ypres, est nommé juge-suppléant au tri
bunal de première instance de celte ville, en
remplacement du sieur Julien Castricque, décédé.
Un de nos amis de Nivelles nous signale les
démarches actives et les moyens mis en usage
par M. le curé de S,e-Gerlrude, au sujet des
prochaines élections. Nous ne voulons pas
reproduire les renseignements que nous trans
met notre correspondant. Nous nous bornerons
faire remarquer que s'il est permis d employer
tous les moyens légitimes pour combattre un
adversaire, le zèle en faveur de ses amis doit
être contenu dans de certaines limites, et qu'un
ministre des autels, plus qu'aucun autre, est
obligé de s'abstenir de débiter et de répandre
des bruits malveillants, inexacts ou faux.
Nous relèverons une seule observation il
paraît que l'ecclésiastique dont nous parlons,
insiste sur ce que M. Le Hon a échoué Tour
nai, et prétend, avec des commentaires peu
convenables, que s'il a éprouvé un échec dans
son propre arrondissement, plus forte raison
il doit échouer dans un arrondissement étran
ger. L'observation est maladroite. Nous rap
pellerons, en effet, qu'à la même époque, M.
Dubus ainé a, lui aussi, échoué Tournai, en
obtenant moins de voix que M. Le Hon, et
malgré cela, le parti catholique a applaudi
l'élection de M. Dubus ainé, quand on l'a désigné
aux électeurs de Turnhout, cependant, n'au
rait-on pas pu dire, comme le curé de Sle-Ger-
trude, que puisque M. Dubus ainé avait échoué
dans son propre arrondissement, plus forte
raison il devait échouer dans un arrondissement
qui lui est plus étranger, assurément, que ne
l est l'arrondissement de Nivelles M. le comte
Le Hon. [La Franchise.)
Par arrêté royal du 20 mai 1845, le sieur de
Florisone, Léopold, est nommé membre de l'ad-
Le Journal des Flandresen rapportant la
demande faite par M. Nolhomb auprès de M.
le général Jacqueminot pour faire appuyer la
candidature de M. de Mérode Nivelles, ajoute:
11 paraît que M. Nolhomb n'a eu recours
ce moyen qu'après en avoir éprouvé un autre
qui ne lui a pas réussi.
11 ue s'agissait de rien moins que de brouil-
S'euillctoii.
NOUVELLE. I.
La France qui luttait l'intérieur contre les factions royalistes,
tandis qu'elle combattait l'extérieur les ennemis de sa souveraineté
populaire; qui décimait ses enfants sur l'échafaud, tandis que ses
défenseurs lui élevaient, de leurs corps mutilés, un horrible rempart
que l'étranger s'efforçait vainement de franchir, la France, boule
versée au dedans, presque vaincue au dehors, appelait de tous côtés
ses républicains aux frontières. A ce cri puissant de la patrie en
danger, une vaillante jeunesse, bruyante fourmilière de soldats, se
leva en masse, et se précipita vers les lieux où une gloire immense
l'attendait.
Dans une petite ville du département du Nord, dévastée, ruinée
par les troubles civils, vivait, cette époque, une famille que la
hache révolutionnaire avait réduite trois membres une mère, son
fils «l sa fille.
Jean Durand, ainsi se uommait le fils de la veuve, était un garçon
de dix-huit vingt ans, petit de taille, frêle de formes, mais éner
gique du regard, du geste et de la parole. Sa sœur, qui avait nom
Marguerite, était une pâle jeune fille, une pauvre fleur couchée
l'ombre du malheur, belle encore malgré les traces profondes de la
douleur, de la misère, qui avaient sillonné si prématurément son
doux visage. La pauvre veuve avait les traits si amaigris, le front si
sombre, le corps si affaissé. Il y avait tant d'accablement dans toute
sa personne, tant de désespoiret d'effroi dans les regards qu'elle jetait
8ur ses enfants, qu'en vérité il était facile de s'apercevoir que le
sanglant tribunal avait siégé pour sa famille.
L'appel fait au peuple par la Convention nationale avait été reçu
dans la petite ville aux acclamations de quelques forcenés qui mê
laient leurs cris au bruit des tambours, mais avec un morne silence
par les mères et les épouses. Chacun de ces cris de mort, chacun de
ces longs îouleruents de tambour portait dans le cœur des pauvres
femmes une terreur nouvelle pour les leurs, une haine nouvelle contre
cette révolution qui s'accomplissait, grande et terrible, et s'avançait,
la tête d'un roi la main, le cadavre de la noblesse sous les pieds!
Après s'être longtemps agitée dans la rue qu'habitait la veuve
Durand, cette affreuse populace s'éloigna en poursuivant de ses
hurlements et de ses menaoesceux qui, refroidis par le souvenir de
leurs amis, de leurs enfants morts, prenaient une part moins aotive
aux mouvements populaires.
Dieu soit loué! s écria la veuve, en serrant son fils contre sou
sein desséché, et pleurant abondamment; Dieu soit loué! les cruel3
ne vont pas encore m'eolever mon enfant! Ah! lorsqu'ils ont passe
devant cette maison, combien j'ai tremblé pour toi, mon fils! Mais
non, je puis me rassurer, tu es trop jeune et trop frêle encore pour
être livré la boucherie révolutionnaire!
Mère, tranquillisez-vous, je vous en prie, dit Jean, en dégageant
doucement des bras de la veuve; ne craignez rien pour ma vie, je
saurais me la conserver elle n'est point au service des assassins de
mon père, de mon oncle, de mon pauvre frère qu ils ont tué vingt-
quatre ans! Elle n'est point au service des hommes sans pitié, qui
vous ont lâchement dépouillée de vos biens, et vous ont forcée vous
nourrir du travail de vos raaius, vous, naguère* riche et respectée!.,.
.Et tout cela, pourquoi? parce que mon père, homme honnête et
sensé, a osé blâmer ceux qui ont condamné le roi! Entre ces hommes
et moi il y a l'échafaud où fume encore le sang de généreux mar-