INTÉRIEUR.
5e ANNÉE. - N° 444.
DIMANCHE, 3 AOUT 1845.
JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
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YPRE8, le 2 Août.
LE NOUVEAU MINISTERE.
Après un travail de près de deux mois, un
nouveau ministère vient d'être formé, et il a
fallu lire les arrêtés royaux, qui nomment les
nouveaux membres du cabinet dans le Moni
teur, pour y croire. M. Vande Weyer accepte le
portefeuille de I intérieur. M. Dechamps passe
celui des affaires étrangères. M. Mercier quitte
et M. Malou le remplace aux finances. M.
d'Hoffschmidl prend la place de M. Dechamps au
déparlement des travaux publics, et MM D'Ane-
than et Dupont conservent leur portefeuille.
Ce qui nous étonne, c'est que M. Vande-
Weyer ait voulu accepter une place dans un
cabinet, où le parti catholique se trouve en ma
jorité. M. Vande Weyer dont les opinions poli
tiques étaient peu connues passait pour un
libéral en 1830, mais depuis ce temps, combien
d'hommes d'étal ont renié leurs idées d'autre
fois! iNousplaignonsM. Vande Weyer, car il était
bien sa place dans le poste diplomatique qu'il
occupait Londres et qu'il quitte pourquoi
pour jouer le rôle de M. Nothomb, qu'il devra
continuer, par suite de la fausse position dans
laquelle il se trouvera placé.
Mous disons que ce ministère n'est plus mixte,
quoique nous n attachons aucune valeur celte
qualification, mais plus catholique, plus jésui
tique que le précédent. Premièrement M. De-
champs y conserve un portefeuille et c'était dans
le ministère-Nothomb, l'homme de confiancedes
catholiques. M. D'Anethan, l'élu de l'université
de Louvain, est venu renforcerce parti.et mainte
nant on y ajoute M. Malou, incarnation du
svstème jésuitique dans les régions gouverne
mentales. Il est de fait que dans ce ministère
où MM. Dechamps, Malou et D'Anethan d'un
côté, et MM. Vande Weyer et d'Hoffschmidl de
l'autre,doivent se partager l'influence, la part
du lion est faite au parti catholique, celui qui
a été battu aux élections, mais qui, tout en ayant
perdu sa puissance morale, se trouve encore
l'étal de majorité la chambre.
Nous n'avons ni approuver ni désapprou
ver celte combinaison ministérielle elle est
formée en haine de l'opinion libérale et par con
séquent nous n'avons qu'à la juger telle qu'elle
est, c'est-à-dire comme l'ennemie des principes
que nous défendons. Quant nous, nous pré
férons, dans l'intérêt de notre parti, que nos
adversaires continuent diriger les destinées de
la Belgique, jusqu'à ce que leur impuissance
devienne patente et qu ils soient forcés de
l'avouer eux-mêmes. Celte époque n'est plus
éloignée de nous. Luttons avec courage, com
battons avec franchise les expédients plus ou
moins rusés de nos ennemis politiques, la vic
toire, mais une victoire complète, est ce prix!
Qu on veuille faire attention la force de cohé
sion que l'opinion libérale vient d'acquérir
dans la dernière crise. Tous ses hommes ont
donné des preuves de consistance politique et
aucun de ses chefs n'a voulu se jeterpar
amour de pouvoir, dans une combinaison mi
nistérielle qui n'eut pas donné la plus large
part dinfluence l'opinion dont il relève.
Qu'importe que des expérimentateurs politi
ques prennent tâche de gouverner encore
pendant quelque tempsà l'aidede la corruption
et de l'immoralité! Quand ce temps d'épreuve
sera écoulé, on pourra bien rencontrer le parti
catholique dans un état d'épuisement plus vi
sible et plus constaté. L'œuvre que M. Nothomb
laide de son scepticisme et de son astuce
politiques n'a pu parvenir édifier, fera suc
comber MM. Malou, VandeWeyerettulli quanti
la tâche, car ce qu'ils veulent, c'est de gou
verner au profit du parti clérical et l'encontre
des vœux et des sentiments du pays.
M. d'Huart est nommé ministre d'état. Au mi
nistère Nolhomb, on avait attaché M. de Mue-
lenaere en la même qualité 11 parait qu'il de
vient de mode d'attacher chaque nouveau
ministère, un eunuque politique dont les fonc
tions consistent mettre tous les ministres d ac
cord.
A l'occasion de la mort de M. Leu d'EbersolI,
grand partisan et protecteur des jésuitesle
Journal des Bazilesavec son outrecuidance
habituelle, demande une réponse au Progrès,
sur la question de savoir, si les jésuites ont
commis ce nouveau crime. Mous avons lieu
d être surpris de celte effronterie pyramidale de
la part d'une feuille, dont nous avons refuté si
souvent les allégations mensongères et dévoilé
le but de sa polémique calomnieuse. Jamais
nous n'avons eu quelque peine, repousser ses
insinuations par trop stupides, pour pouvoir
produire l'effet qu'elle en attend.
Eh bien le fait sur lequel la feuille des sa
cristains nous demande des explications est
une nouvelle infamie du parti jésuitique de Lu-
cerne. Il n'est pas prouvé, que l'assassinat de
M. Leu ail été une vengeance politique. Des
correspondances qui n'émanent pas de l'officine
jésuitique, font plutôt croire un acte de ven
geance personnelle, ou peut-être un suicide.
Qu'y aurait-il d'étonnant que M. Leu, promoteur
'le l'appel des jésuites Lucerneéperdu des
résultats de cette manœuvre politique, fut
tombé dans l'abattement et au désespoir des
calamités qu'il avait attirées sur sa pairie?
Oui, on a tout lieu de le croire, ce crime n'a
pas été commis par les jésuites, mais exploité
par eux et dans un but politique, attribué
aux libéraux. On a voulu les rendre odieux
aux habitants des campagnes fanatisés, et ce
n'est pas en Suisse seulement que cette tactique
est l'ordre du jour, nous connaissons des pays
où le parti clérical de Lucerne pourrait trouver
se perfectionner dans cet odieux système de
calomnie et de déloyauté.
Du reste, la conduite du parti ullramontain
doit au moins fournir la preuve que ces en
ragés modérés, dans le genre de nos honnêtes
gens, ne reculent devant l'emploi d'aucun moyen,
pour maintenir la domination lyrannique qu'ils
exercent sur un pays. Jusqu'ici l'opinion ca
tholique reprochait aux libéraux de semer l'anar
chie et de vouloir régner par la terreur. Nous
voyons par ce qui se passe Lucerne, que les
jésuites trouvent ces moyens délicieux, du mo
ment qu'ils leur sont utiles. Le régime de 1793,
que les hypocrites nous accusent de vouloir res
susciter, est appliqué par eux en Suisse, pour la
plus grande gloire et profit de la société de
Y Agneau.
Jusqu'à ce que les autorités de Lucerne aient
pu prouver, que la mort de M. Leu a été un
crime commis par fanatisme politique, les hom
mes sensés croiront avec nous, que cet événe
ment a été exploité par les Révérends Pères
qui ne sont pas habitués reculer devant toute
espèce de manigances et qui ont commis assez
de crimes, dont ils ont été convaincus juridi
quement pour qu'on ne puisse soupçonner
que leur délicatesse eut pu se révolter pour une
petite calomnie. Ce qui doit prouver que celte
O N i Z R Ei
le portrait.
I.
Sire, puisqu'il y a suspension d'armes et que vous daignez laisser
les ligueurs en repos, je viens vous demander la permissiou d'aller
Cœuvres.
Permission vous est accordée, mon cher Bellegarde, répondit
Henri IV qui, assis une table dans son château de Mantes, écrivait
Marie de Beauvilliers j car toutes les fois que le Béarnais ne s'occu
pait ni de guerre ni d'affaires, il s'occupait d'amour.
Meroi, Sire, répondit Bellegarde, vous ne pouvez me faire un
plus grand plaisir,
Tant mieux, mon féal! dit le roi en quittant la plume et en
regardant le vicomte avec finesse.... Ah ça reprit-il, vous êtes donc
bien amoureux, et elle est donc bien belle?
Belle comme un beau rêve, Sire, exclama Bellegarde avec feu,
et j'en sois amoureux comme un fou.
C'est trè» sage, et je vous approuve, repartit le roi. Toutefois
je vous reprocherai d'avoir dit votre ami Ruban que cette dame de
vos pensées est mille fois plus enchanteresse que Marie de Beauvil
liers elle-même. Mille fois! venlre-saint-gris vous conviendrez que
c'est un peu fort
[Rohan est un traître, dit Bellegarde avec un peu d'embarras,
il m'en rendra raison.
Ce serait plutôt moi de croiser l'épée avec vous pour l'hon
neur de ma daine, repartit le roi en souriant. Mais ventre-bleu
nous ne sommes plus au temps de ces preux qui ne permettaient
aucun doute sur la beauté supérieure de leurs maîtresses.
Même alors qu'ils n eu avaient pas, répliqua Be legarde en
reprenant son aplomb.... Pour moi, reprit-il, avec tout autre qu avec
le roi j imiterais volontiers les preux dont vous parlez.
Bah un duel ne prouve absolument rien cet égard, et le plus
petit.portrait, pourvu qu'il soit ressemblant, en dit bien d avantage.
Il est vraiment des merveilles qu'on ne peint jamais quen les
affaiblissant.
La vôtre est-elle donc de ce nombre En vérité, Bellegarde,
vous piquez singulièrement ma curiosité. Voyons, dépeignez-inoi
yotre merveille.
Je ne saurais, Sire.
Allez, allez je sais, moi, que vous décrivez comme un poète
Un i oète même resterait au-des30us du modèle.
Un amoureux comme vous aura plus de bonheur je vous
écoute.
Vous l'exigez?
Je l'exige, s il le faut.
Eh bit n, Sire, figurez-vrous d'abord nne blancheur de cygne,
une fraîcheur d enfant, une élégance d'oiseau, une pureté de lignes
désespérer la statuaire grecque, et dix-huit ans: voilà pour l'en
semble.
Pas mal, pas mal, murmura le roi qui écoutait d un air mo
queur en faisant pivoter les deux pouces de ses mains placées sur
sou ventre légèrement rebondi... Voyous maintenant les détails?
De longs cheveux blonds d'une nuance céleste, encadrant
l'ovale le plus harmonieux. Des yeux bleus d'un brillant éblouir
et d une douceur qui égale leur éclat j un uez d'un dessin suave j
une bouche où semblent se reposer I eujouemeut et l amour, et par
faitement garnie; loieille petite, vive et bien bordéela gorge
d'une beauté..., faire oublier toutes les autres.