5e ANNÉE. - N° 466.
INTÉRIEUR.
DIMANCHE, 19 OCTOBRE 1845.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
L'opération la plus importante nos yeux
avant l'élection définitive, est la réunion prépara
toire des électeurs. C'est là qu'il faut médiler
les titres des candidats, juger du degré de sym
pathie qui les entoure dans le public, enfin ce
n'est que dans une assemblée de ce genre, que
les opinions se font connaître et qu'un choix
digne et qui mérite l'assentiment unanime, peut
être fait Nous savons bien que nos adversaires
n'aiment pas ces convocations d'électeurs, qu'ils
appellent des réunions tumultueuses. Ce qui se
fait au grand jour les effraie il leur faut des
assemblées secrètes, où une dizaine de person
nes proposent une liste de candidnls au public
et dont aucun de leurs fidèles séïdes ne dévie
rait. Jusqu'ici du moins, cela s'est fait ainsi,
et si maintenant on prétend faire un appel la
discussion loyale et franche par la voie de la
presse c'est que ces ennemis de toute opinion
progressive se sentent impuissants, et que dé
sormais leur rôle doit se bornera tacher d intro
duire parmi les libéraux des germes de division.
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YPKJES, le 18 Octobre.
LÉS PROCHAINES ELECTIONS COMMUNALES.
Il est facile de blâmer les scrutins, qu'on qua
lifie de soi-disant préparatoires et qui le sont
plus qu'on ne veut en convenir. On se souvient
encore que c'est aux clameurs injurieuses
poussées par l'organe de nos adversaires,
qu'a été du, il y a trois ans, l'échec d'un
ancien conseiller communal, qui ne partageait
pas l'opinion de la majorité du conseil ét, on
ne l'a pas oubliéqu'un autre a été porté sur
les rangs et admis comme candidat. Cela s'est
fait dans une assemblée d'électeurs libéraux, et
certes il y avait là initiative et spontanéité; car
avant que des injures grossières l'adresse de
l'opinion libérale ne fussent insérées dans le
journal du parti rétrograde de notre ville, on
était d'avis de n'éliminer personne du conseil.
Que nos adversaires ne veulent point de ces
réunions, nous le croyons sans peine, elles
tendent faire naître l'union et maintenir celte
cohésion dans le parti libéral, sans lesquelles il
est impossible d'obtenir des succès aux élec
tions. Ce n'est qu'en se disciplinant et en faisant
abnégation de son opinion personnelle, qu'on
peut parvenir l'emporter sur desadversaires qui
sont unis, car, il faut leur rendre celte justice,
nos ennemis politiques sont disciplinés. Si, il
y a trois ansnous avons obtenu un triomphe
complet, c'est l'union qui régnait parmi le parti
libéral qu'il a été dû. C'est par l'unité de vues
et par l'accord et le dévouement de tous ses
membres, que le parti libéral de notre ville est
parvenu miner linfluence prépondérante jus
qu'en 1836, de l'opinion qui rêvait la domina
tion exclusive en Belgique.
Maintenant qu'elle se trouve en flagrante mi
norité, c'est la modération qu'on invoque, \esex~
ayérations sont un cauchemar pour le vertueux
journal rédigé d'après les inspirations de ces chat-
temilles, qui ne pouvant aborder la position de
front, lâchent d y introduire le désordre. Nous
voulons bien savoir en quoi l'autorité commu-
a dévié de celte ligne de modération qu'elle s'est
tracée, et qu'elle n'a pas quittée. Il sied bien
un journal connu par sa violence jésuitique et
son ullramontanisme outré, de parler de mo
dération. La preuve que ces sentiments doux et
mielleux ne sont qu'un masque adopté pour
la circonstancec'est que lorsque le parti qu'il
représente dans la presse avait l'espoir de rem
porter dans les élections, ce journal ne s'entou
rait pas alors de ce bagage de beaux sentiments.
C'était un énergumène ei> fureur, attaquant avec
violence lïon-seulement les opinions, mais in
juriant les personnes.
Une liste de candidats a été présentée par le
parti que nous combattons. Nous n'avons pas
l'examiner, çt d'ailleurs nous avons lieu de
croire, que les candidats improvisés dans le
béaljournal, n'ont pas tous été consultés, avant
que leur nom fût placé sur celte liste. Du reste,
présentés sous cette bannière, nous n'avons pas
nous en occuper. Dansl'assemblée préparatoire
desélecleurs libéraux, qui aura lieu au milieu de
la semaine prochaine, h majorité désignera les
candidats qui, par leur position, leurs connais
sances, leurs talents ou l'industrie qu'ils exer
cent, méritent de représmter leurs concitoyens
IHôlel-de-ville. Mais avant tout, il faut des
hommes qui aient doiné des preuves, que
leurs convictions libérales sont l'abri des sé
ductions du pouvoir et dts intrigues jésuitiques.
Notre bulest indiqué, qie la Bourgeoisie d'Ypres
fasse choix elle-même ifis hommes qui seront
chargés de diriger les affaires de la commune,
et que nul élément hétérogène ou rétrograde
n'ait de l'influence sur la composition du conseil
communal.
La dernière séance du conseil communal a eu
lieu huis-clos. Nous avons appris cependant
que la demande a être autorisée de la Société
de la Concordetendant placer un appareil
fabriquer le gaz hydrogène bi-carbonné
dans la cour de l'Hôtel de la Châtellenie, a été fa
vorablement accueillie. Les plans et devis de la
nouvelle maison des aliénés, ont été approuvés
l'unanimité.
De la part du journal du clergé, plus rien ne
doit étonner. Nous savons depuis longtemps,
qu'il rivalise avec ce que la presse compte dans
notre pays de plus méprisé. Mais cependant en
fait d impudents mensonges il fait de jour en
jour de nouveaux progrès. C'est la seule voie
dans laquelle, il daigne ne pas pratiquer le mou
vement de recul qu'il voudrait voir appliqner
partout. Dans son dernier article sur les élec
tions, il fait l'histoire des sollicitations qui ont
eu lieu autrefois, en faveur des candidats du
parti rétrograde par certains membres du clergé;
seulement il insinue que c'était le fait des libé
raux. Nous espérons bien, maintenant que le
journal du parli-prëlre désapprouve ce» démar
ches qu'aucun membre du clergé n'osera plus
y avoir recours, non-seulement pour recomman
der les candidats chéris du parti, mais même
pour une multitude d'autres exigences, car, en
fait d'importunitésils n'ont plus rien ap
prendre.
Monsieur le Rédacteur du Progrès,
Je vous prie de vouloir insérer dans vos co
lonnes, la réclamation que je viens d'adresser
au Journal le Propagateur, de celle ville.
Agréez, Monsieur le rédacteur, l'assurance de ma
parfaite reconnaissance,
H. IWEINS-FONTEYNE.
A Monsieur le Rédacteur du Propagateur,
En voyant figurer mon nom sur une liste
de candidats proposés par voire journal du 16
courant, des électeurs pourraient croire que je
partage les opinions que vous cherchez pro-
pager. Je saisis avec empressement celte occasion,
Feuilleton «lu Progrès,
LU LDVRËOTgUlftËi.
nouvelle.
DEUXIÈME partie.
SuiteIV.
Depuis qu'il avait quitté son ministère, Roland vivait retiré dans
line petite maison de la rue Saint-Jacques. Tallien et "quelques Gi
rondins habitaient la même rue, et Jeanne, pour se trouver dans le
voisinage de ses amis, s'étail décidée s'y loger aussi.
C'est là que le bruit du canon mêlé au bruil lugubre du tocsin
était venu troubler la jeune fille dans ses rêveries méditatives, dans
ses vagues espérances.
A cette époque de danger et de troubles incessants, où le peuple
avait pris, comme lui appartenant légitimement, cette altitude me
naçante delà révolte, la sûreté du citoyen paisible se trouvait souvent
compromise. Il en résultait que les hommes ne sortaient qu'armés
et que les femmes, abandonnant les vêlements de leur sexe, cher
chaient sous les nôtres une protection que la haine et le tumulte
populaires, chaque jour grossissant, ne permettaient plus aux lois de
leur accorder.
Avec sou visage grave, aux traits prononcés, aux lignes sévères,
Jeanne pouvait en toute sécurité, se réfugier dans les habits de
l'homme pour satisfaire cette avidité de grandes sensations don (son
âme était tourmentée, et que la Révolution, si féconde en événements
de la plus haute importance, comme en incidents dignes d'intérêt
ou d'admiration, satisfaisait ayee la générosité d'une reine to ute-
puissante.
Dès qu'elle eut entendu le cann du 10 Août, Jeanne résolut
d'aller s'assurer par elle-même des ouveaux effets de l'insurrection
populaire. Une vague pensée la enduisit d'abord aux portes du
ministère de la justice, où elle apptt que Duranthon était aux Tui
leries et que l'on n'avait pas erore vu son secrétaire. Elle se
dirigea, plus inquiète, vers le chà;au assiégé et fut témoiu de la
première attaque faite par cette lultitude qui avait entraîné Al
bert, M.d'Amhezet George. Ells'était vainement efforcée de se
rapprocher d'eux, et après avoir u tomber le marquis, elle fut
forcée de quitter la place, poussée,nveloppée par les fuyards que le
feu des Suisses avait dissipés conne le vent dissipe la poussière.
Enfin, après avoir parcouru toutes lt petites rues qui, cette époque
avoisinaient encore les Tuileries, Jaine retrouva Albert au moment
où les pillards, revenant du chalet, 1 attaquaient d'une manière si
menaçante.
S il est des femmes assez perfidy assez lâches pour abandonner,
au moment du danger, ceux qu'e's entouraient d'une adulation
servile au sein de la sécurité, uisoirje bien vite, il en est d'autres,
et c'est le plus grand nombre, qui inspirent d un dévouement su
blime, lorsque la fortune les trahit
Jeanne était jeune, riche et belktout ce que le monde recherche
et admire, tout ce qui peut attaier la vie, elle le possédait, eh
bien! la noble jeune fille n'hésitoas un instant... quêtait la vie
pour elle si Albert devait périr?
Prompte comme la pensée, elle^ança au milieu du groupe qui
entourait et menaçait le secrétaire^ns attirer l'attention des meur
triers c'est ainsi qu elle reçut le»up destiné 1 homme dont elle
voulait sauver la vie au sacrifice de sienne!
Albert affaibli par tant de lutleÀ d'émotions, suivit les quais en
chancelant sous son précieux farde, et arriva enfin devant la porte
de la maison qu'habitait Jeanne. Un suprême effort l'avait conduit
jusques là..,., mais ses forces étaient épuisées par la fatigue comme
son esprit 1 était par la douleur, et il tomba sans mouvement devant
cette demeure au moment d'en franchir le seuil.
Lorsqu'Albert revint lui, il se retrouva dans son appartement.
Il regarda longtemps les objets qui l'environnaient, et qui pourtant
lui étaient si familiers, avec une attention confuse. Sa figure livide,
ses yeux effarés, lui donnaient l'aspect d'un homme qui sort d'un
horrible rêve. Il aperçut, moitié assoupi au pied de son lit, un do
mestique dont les traits lui étaient inconnus et qui se leva comme
pour se retirer des qu'il vit que le malade avait reconyré l'usage de
ses sens.
Albert s'efforça alors de parler
Où donc allez-vous? demanda-t-il, cet homme qui s'éloi
gnait.
Chez madame Tallien qui m'a chargé d'aller la prévenir aus
sitôt que vous seriez en état de la recevoir.
Albeit se frotta encore les yeux.
Ah! oui! dit-il, madame Tallien.... madame Roland...
Juana.... je me rappelle....
Puis, s apercevant que le serviteur le regardait avec une grande
curiosité
Allez, allez, lui dit-il, remplissez la mission dont vous avez été
chargé; j'ai besoin de repos.
Le serviteur ne se fit pas répéter cet ordre, et se rendit chez ma
dame Tallien suivant les instructions qu'il en avait reçues.
Resté seul, Albert se mit rélléchir sur les hasards singuliers do
cette journée. Un noble attendi issemeut vint lui arracher quelques
larmes lorsqu il se rappela le dévouement généreux de Jeanne. Il
ressentit dans son cœur comme un choc de sentiments contraires tt