INTERIEUR.
5° ANNÉE. - N° 486.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
JEUDI, Y JANVIER 1846.
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YPRES,le 31 Décembre.
A. NOS LECTEURS.
L'année 1845 qui est sur le point de finir, a
été pour la Belgique une année calamileuse sous
presque tous les rapports. Nous résumerons
rapidement les principaux événements qui se
sont accomplis durant cet espace de temps.
Courbée sous le régime de la mixture, inven
tion sublime de M. Nothomb, la Belgique est
parvenue se débarrasser de ce ministère de
mensonge et de jésuitisme politique, mais pour
Toir réformer une administration basée sur les
mêmes principes et composée d'hommes qui,
l'exception d'un seul peut-être, n'ofFrenlaucune
garantie l'opinion libérale.
Si sous le rapport politique, la nation a lieu
de ne pas se montrer satisfaite, sous le rapport
matériel, la conduite de nos ministres hommes
d'affaires a été pitoyable. La convention avec
la France était arrivée son terme, et si nous
devons en croire les bruits qui circulent dans le
monde politique, ce n'est qu'au prix de grands
sacrifices de la part delà Belgique, que la France
vient de conclure un nouveau traité, par lequel
.nos exportations de toiles et de fils vers ce pays
sont limitées. 1
Ajoutez une situation commerciale gênée,
un désastreux fléau qui est venu fondre sur
notre patrie. Nous voulons parler de la récolle
des pommes de terre pour ainsi dire totalement
perdue Si dans les villes, on peut venir au se
cours de l'indigence avec une certaine efficacité,
dans la campagne, la position des pauvres est
ljéplorable, et mérite d'attirer l'altenlion de la
harité publique. Des promesses d'exécution de
prands travaux publics ont été faites, surtout
ans les Flandres, des concessions de chemins
;e fer ont été votées, mais il ne s'agit pas en-
icwe de mettre la main l'œuvre, el cependant
e serait le moyen le plus puissant de venir au
scours de cette classe ouvrière si intéressante
qui, par suite des circonstances actuelles,
s>uffre sans pouvoir trouver un remède ses
uaux.
Nous aurions désiré n'avoir point faire un
rapine aussi affligeant et pouvoir porter nosre-
giéfls vers un avenir plus riant, plus heureux,
mis les déceptions qui viennent renverser quel-
que fois les prévisions les plus fondées, nous
empêchent de compter trop légèrement sur
une situation politique et surtout matérielle
prospère. Les plaies que l'année 1845 nous a
léguées ne pourront pas être toutes cicatrisées
en i846.
Pour la ville d'Ypres, nous ne formons qu'un
souhait et nous aimons croire sa réalisation;
c'est celui de voir rélier l'ancienne capitale de
la VVest-Flandre au railway national. L'année
passée pareille époque, nous avons émis ce
vœu, espérons que ce sera pour la dernière fois.
La Loge maçonnique d'Ypres, pour célébrer
dignement la fête de S'-Jean, son patron, vient
de faire une forte distribution de pains et de
pommes de terre aux indigents de celle ville,
par cartes valables pour uii mois. Nous avons
appris aussi qu'à l'occasion de celte commémo
ration, elle a voté un subside aux écoles gar
diennes instituées et dirigées, Ypres, par Al.
l'abbé Slruye.
Vendredi dernier a eu lieu au local des Halles,
elsous la présidence de Monsieur Vanderstichele
de Àlaubus, bourgmestre, unç élection, pour le
"renouvellement partiel du conseil des Prud'-
"hommes de la ville d'Ypres. Peu d'indus
triels ont cru devoir prendre part cette opé
ration qui a eu pour résultai le maintien des
membres sortants.
1er scrutin. Nombre des votants 26.
M. De Poorler-P.offiaenfabricant rubannier, a
obtenu 23 suffrages.
2® scrutin. Nombre des votants 27.
M. Van Atleynes-Schockeel, tanneur, a réuni
26 suffrages.
En conséquence, MM. De Poorter et Yan
Alleynes ont été proclamés conseillers.
On nous prie d'insérer l'avis suivant:
Les personnes dont les noms suivent, voulant
s affranchir d'un usage ridicule el en même temps
contribuer au soulagement de la classe nécessi
teuse ont résolu de verser dans la caisse du
Comité dessubsislancesle montant delà dépense,
que les visites de nouvel-an leur occasionnent.
Elles prient ceux qui adoptent leurs vues de
vouloir joindre leurs signatures celles qui se
trouvent déjà sur cette liste, déposée au bureau
du Journal et de verser leur offrande dans la
dite caisse.
Alph. Vanden Peereboorn, échevin; Legrave-
rand, Th. Vanden Bogaerde, A. De Ghelcke, Ern.
Merghelynck Ch. Vande Brouke, H. Iweins-
Fonleyné, SpilleboutBoedt, Lameere Ham-
melrath, Carpentier, Geurts, baron De Posch
Émile Durutte, A.-F. Durieu, P. Beke.
Le produit de la liste était hier soir de 115
francs.
Par arrêté royal du 26 novembre, sont nom
més dans la cavalerie:
Capitaines de 2e classel'ancienneté les
lieutenans Henrion du 2e régiment de chas
seurset D'Hanins ,de Aloerkerke, du 1" régi
ment de lanciers.
Lieutenans l'ancienneté, lessous-lieulenans
De Schietere, du 2® régiment de lanciers, et
l'Admirai, du 1er régiment idem.
Depuis quelque temps les ouvriers d'Harle-
beke se plaignaient du petit poids des pains
mais inutilement. Trois particuliers se firent
marchands de pains, allèrent, et vont encore
chaque jour chercher une bonne charge de pains
au Risquons-toul. Ces pains ont, dit-on, une
demi-livre de plus et se distinguent par leur
excellente qualité. Il y a de ces marchands im
provisés qui vendent jusqu'à 150 pains par jouiv
Voilà une bonne leçon pour les boulangers.
On écrit de Mons, le 27 décembre
Un orage violent a éclaté la nuit dernière sur
notre ville. Vers une heure de forts coups de
tonnerre accompagnés de grêle ont réveillé les
habilans de noire cité. Cet orage a duré environ
une demi heure.
Le jour de Noël, 7 heures du soir, le nommé
Verdoodt, petit cultivateur de Bever, hameau
sous Slrombeek, ayant reconduit Laeken la
sage-femme qui avait assisté son épouse en cou
che retournait chez lui par la chaussée de
Meysse ayant passé, une petite distance, la
barrière de Laeken, l'endroit dit Den Yzel,
il fut accosté par deux brigands qui le sommè
rent avec menaces de leur remettre l'argeat
qu il avait sur son refus, deux autres brigands
sortirent du fossé qui borde la route, et quatre
ils se jetèrent sur lui pour l'assommer. Alors
commençait une lutte terrible des coups vi
goureux furent donnés et reçus; Verdoodt,
Feuilleton*
23 2 2i 2 Sï 2a
histoire d'une loge d'opéra.
[Suite.)
U f avail de rabattement dans la pose de cette jeune femme; j'y
crus lecouvrir comme l'empreinte d'une souffrance cachée, et je
senti;|out mon cœur s'émouvoir dYn tressaillement subit. Je n'osais
faire m mouvement, et je la regardais ainsi repliée sur ellc-mcme,
elle, qie j'avais vue si insouciante, et dont la voix répétait des re-
frainsftdoux. Elle ne chantait plus aujourd'hui elle pensait. Cepen
dant je\fis quelques pas, elle tourna lentement la tête, puis se leva.
Je crûs rêver: ce ne pouvait être elle; mes yeux ne la reconnais
saient plus. Un instant je pensais que c'était une sœur bien dissem
blable d'âge, d impressions, de caractère, mais qui avait avec elle
une vague analogie de traits.
La comtesse de Saiut-Géran était extrêmement amaigrie, et sa
taille, déjà si souple, semblait alors avoir peine la force de se sou
tenir. Elle était évidemment languissante et faible. Son ravissant
«visage, charmant comme autrefois, était d'un blanc mat ses joues
avaient la même teinte que le front; ses beaux yeux bleus avaient
échangé leur vivacité d'autrefois contre une langueur rêveuse; ses
lèvres, qui jadis semblaient toujours sourire, étaient alors serrées
l'une contre Pautre, et s'abaissant légèrement vers les coins, don
naient toute sa physionomie une expression de tristesse voisine des
larmes.
Oh 1 mon ami l si tu avais vu celte figure si jeune, et qui déjà
pourtant semblait si triste, cette souffrance du cœur peut-être qui
tiraillait déjà chacun de ses traits, comme moi, je t assure que tu
eusses senti les larmes te venir aux yeux. Elle me regarda un instant
sans me reconnaître le souvenir qui avail précédé ces deux années
était déjà si loin d'elle! Au bout de quelques secondes, elle essaya
de sourire et dit doucement
Ah! je me souvieus!... A Metz, dans le petit jardin, par un
beau jour de printemps, il y a deux aus.
■*-» Oui, madame, lui dis-je, arrivé depuis quelques jours seule
ment don long voyage en Italie, j'avais hâté de venir m informer
de votre santé et de celle de M. de Sl-Géran. J'ai appris avec un vif
plaisir qu'il avait été nommé général.
Elle me répondit quelques mots insignifiants uous nous mîmes
causer. Elle s'acquittait d'un devoir de politesse, mais elle le faisait
péniblement, et moi-même j'oubliais d'écouter ses paroles pour la
regarder; je cherchais deviner quelle pouvait être la cause d'un
changemeut aussi étrauge survenu en peu de temps, mais rien no
venait m'aider dans mes conjectures.
Je lui demandai si elle avait été malade. Elle me répondit que
non; puisse reprenant vivement, elle balbutia les mots: uu peu
souffrante, faible puis changea de conversation. Je regardai l'en
fant il était plein de force et de vie auoune inquiétude venant de
lui ne pouvait donc arriver sa mère. Le général aurail-il cessé de
contraindre son caractère impérieux et dur, et ferait-il maintenant
peser son joug de fer sur cette jeune tête qui s'inclinait! Je m'arrêtai
cette dernière pensée, triste, il est vrai, mais qui laissait celle
jeune femme toute sa pureté.
Le général rentra. Il me lendit la main avec cordialité, puis il
s'avança vers sa femme et la baisa au front avec une tendresse qui
m'étonna. Il lui reprocha de n'être pas sortie, s'inquiéta pour elle
de la vie trop sédentaire qu'elle persistait mener, s'impatienta
contre les occupations militaires qui le séparaient d'elle si souvent.
Si Hélène avait jamais pu aimer son mari, c'était certes en ce mo
ment que ce devoir lui eût été facile. Les formes rudes de ce vieux
soldat s'étaient adoucies en vivant près d'elle; il était devenu tendre
et affectueux. Enfin, le dirai-je, tout me semblait changé dans cellp