INTÉRIEUR.
5e ANNÉE. N° 492.
JEUDI, 22 JANVIER 1846.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
l'interpellation de m. cans.
le concert de la societe des choeurs.
On l'abonne Ypkes, Marché
au Beurre, 21et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT,
par trimeitre.
PourYpres. fr. 5-00
Pour les autres localités 6-00
Prix d'un numéro 0-25
Le Progrès
Tout ce qui coneerne I. rédac
tion doit être adressé, franco, k
l'éditeur du journal, i Y près.
Le Progrès parait le Diman
che et le Jeudi de chaque semaine,
PRIX DES INSERTIONS.
Quinze centimes par ligne.
TIRES ACQDIRIT EUNDO.
l'PRES, le 21 Janvier.
La convention intervenue entre l'autorité
communale de Tournai et l'ordinaire de ce dio
cèse a acquis toute l'importance d'un événement
politique. A peine cet acte a-t-il été rendu pu
blic, que la presse de toutes les couleurs s'en
est emparée, les feuilles catholiques pour la
citer comme un modèle et les journaux libéraux,
pour protester de toutes leurs forces, au nom
de l'opinion qu'ils représentent, contre le pou
voir absolu et sans contrôle accordé aux dé
fiances cléricales l'endroit des professeurs.
C'est heureux que ce nouvel empiétement,
celte nouvelle prise de possession d'un établis
sement laïque d'instruction secondaire ait eu
lieu au moment qu'un ministre se disant libé
ral, annonce vouloir présenter une loi sur l'en
seignement moyen. Il s'agissait desavoir si celte
loi qui devait donner la mesure des concessions
qu'on voulait faire au libéralismeallait être
calquée sur cette convention de l'autorité com
munale de Tournai, qui se résigne si hum
blement jouer le rôle de caissier, sans pouvoir
exercer aucune influence en récompense des
fonds que l'institution autrefois communale,
actuellement épiscopale, lui coule.
line interpellation au ministre de l'intérieur
devenait donc indispensable. On commençait
soupçonner que, dans celle occasion comme sous
le régime de la mixturel opinion libérale au
rait eu payer les frais des succès du minis
tère et qu'ainsi que M. NothombM. Vande
"Weyer se serait laissé effrayer par les menaces
du parti clérical. L'opposition voulait savoir ce
qu'on pouvait attendre de celui qui disait avoir
pris les rênes du pouvoir en Belgique, pour
sauver la royauté.
Dans la séance du 16 janvier, M. Cans, le
concurrent de M. Vande Weyer aux élections
de Bruxelles, s'est chargé d'interpeller le minis
tre de l'intérieur sur celte convention, afin de
savoir si elle avait obtenu son assentiment.
L'athénée de Tournai étant subsidié par le gou
vernement, il était juste au moins qu'on le
consultât. Mais quand on abandonne un éta
blissement d'instruction au clergé, l'état ne doit
pas même en être prévenu, on peut en disposer
sans demander la sanction du pouvoir, qui se
garderait bien de revenir sur les usurpations que
le clergé s'est permises.
Quoiqu'il en soit, M. Vande Weyer a répondu
que jusqu'ici il n'avait pas été appelé prendre
une décision sur cette question, puisque le con
seil communal de Tournai n'avait pas encore
approuvé la convention, mais qu'elle iie rece
vrait pas sa sanction. La réponse de M. Vande
Weyer ne brille nullement par la fermeté ni
par l'énergie; cet empiétement si scandaleux
ne lui a pas inspiré cette indignation qu'uu
acte de cette nature eut dû provoquer chez le
défenseur de l'opinion libérale au ministère.
Si M. Vande Weyer s'est tiré adroitement de
celte question délicate et sans soulever le voile
qui couvre encore les principes du futur projet
de loi sur l'enseignement secondaire, les chefs
du parti clérical ont montré de l'audace et une
raideur de prétentions qui ne s'explique que
par l opinialreté qui a toujours distingué le parli-
prètre. Ils ont été jusqu menacer le ministère
d'un vole négatif, si la loi n'accordait pas la
faculté aux communes d'agir comme a agi la
ville de Tournai. Mais alors que deviendrait
l'instruction publique aux frais de l'étal? elle
serait la dévolion du c&evgécl c'est là le but
qu'on a voulu atteindre"en décrétant la liberté
de l'enseignement.
Déjà I instruction primaire est pour ainsi
dire, excepté dans quelques villes, entièrement
absorbée par lui; I instruction secondaire, malgré
les nombreux établissements placés sous les
auspices de l'autorité épiscopale, échappait en
partie son action, car ils u avaient que la spé
cialité de former de bons prêtrespuisque les
jeunes gens se destinant aux carrières libérales,
fréquentaient les institutions des communes
subsidiée» par l'état.
MM. Dubus, Dumorlier, De Theux et De
Merode ont rendu un véritable service au pays,
en exposantclaireoieulet sans ambages, cequ'ils
entendaient par la liberté de l'enseignement et
comment celle convention de Tournai était
leurs yeux la dernière concession que le clergé
pouvait faire l'opinion libérale. INous sommes
avertis que les prétentions du parti jésuitique
malgré les échecs successifs subis aux élections,
n'ont pas diminuées. Il faudra redoubler d ef
forts pour le mettre dans l'impossibilité défaire
prévaloir des idées quisi elles pouvaient être
appliquées, nous ramèneraient au moyeu âge et
au régime de l'ullramontanisme.
La tâche du critique est aussi facile qu'agréa-*
ble, lorsqu'il n'a qu'à dire, tout est bien et c'est
une tâche laquelle la Société des Chœurs
nous a depuis longtemps habitué. Or, en la fé
licitant du succès mérité de ses efforts persévé
rants, qu'il nous soilpermis de nous féliciter eu
même temps.
La soirée musicale de dimanche ne l'a cédé
en rien aux soirées précédentes, tant parle choix
des morceaux que par leur exécution.
Mm0 a chanté la belle scène de Léonor
O mon Fernnnd avec ce sentiment exquis qui
lui est particulier. Ne croyez pas qu'elle tour
nera une difficulté, l'épreuve où vous l'atten
dez, la note va s'échapper plus vibrante, plus
énergique, et vous ne manquerez pas d applau
dir; des bravos sortiront de votre bouche et ce
sera justice.
Le duo de Jeanne d'Arc et de Bedfordde
Concone, chanté par Mll° M*** et Mr B***, a
été couvert d'une triple salve d'applaudisse
ments la voûte de la salle en a été ébranlée,
et nous avouons que dans notre sollicitude
pour cette charmante réunion, nous y avons
jeté un regard inquiet. Si l'on se propose de nous
donner encore quelques soirées semblables
celle-là, ne serait-il pas prudent d'appeler l'at
tention des architectes sur cet antique plafond?
Est-il nécessaire, après vous avoir entretenu,
de celle marque éclatante et un peu bruyante
de la satisfaction générale, de vous parler de la
belle voix dont Mlle M*** fait ressortir les avan
tages avec tant de talent? Non,sansdoute, mais
nous devons ajouter que Mr B*** l'a puissam
ment secondée avec cette intelligence dont il
nous a déjà donné tant de preuves.
L'ouverture grand orchestre Olymphia
de Spontini, a été exécutée avec une précision
remarquable. S'il n'est pas donné tous les in
strumentistes de saisir et de rendre les phrases
savantes de ce grand compositeur, l'orchestre
de la Société des Chœurs a prouvé que par lui
cette hauteur est parfaitement accessible.
Le grand chœur de Charles VI, Guerre aux
feuilleton.
aa aa a^a^aaaa.
i.
le votagecr.
Sur la fin de février 1810, par une belle matinée d'hiver une
voilure de voyage entra dans la cour d'un joli hôtel situé rue Cliau-
tereiue. Un vieillard âgé d'envirou soixante aus parut sur le per-
rpn Cet homuie, grand et maigre, encore vigoureux, était vêtu d'un
habit noir la française portait des faoes poudrées une queue et
une espèce de petite bourseautrefois appelée crapaud. Ce person
nage, valet de chambre ou plutôt homme de confiance du colunel.
Raoul de Blansac, marquis de Surville, s'appelail M. Dauphin.
Emilie de Surville, ayant presque entièrement péri pendant
U révolution, ce fidele serviteur s'était retiré lors de la terreur, au
fond de ta Touraine, aveo le marquisencore tout enfant, et l'y avait
élevé jusqu 1 âge de quinze aus. A cette époque, le jeune marquis
fut recueilli par une parente de sa famille, M»e la maréchale prin
cesse de Monllaur, et resta près d'elle, jusqu'au moment où il entn
comme volontaire dans un régiment de cavalerie. Depuis, le vieux
Dauphin avait constamment suivi sou maître dans toutes ses cam
pagnes, conservant un sérieux, un calme inperlubable au milieu des
périls, où son affection pour Raoul l avait souvent engagé.
La portière de la voiture de voyage s'ouvritet il en sortit un
homme enveloppé de pelisses, la figure i moitié caohée dans un bon
net de martre, et dans une immense cravate. Y a-t-il bon feu
chez le colonel, vieux Dauphin? dit sourdement l'homme aux four
rures, en s'avauçant rapidement vers le vestibule.
Dauphin fit un mouvement assez brusque pour barrer le passage
au voyageur, et lui dit; Jenai pas I houneurde connaître monsieur.
Comment 1 vous ne reconnaissez pas le meilleur ami de votre
maitre, monsieur Dauphin? s écria l'inconnu eu relevant sou bounet
et laissant voir un front assez bas chargé d une forêt de cheveux
noirs, crépus, légèrement grisonuanls sur les tempes, deux yeux vert
de mer et un nez camard.— Monsieur Auarcharsis Boisseau s éeria
Dauphin ah mille pardous, monsieur.
Et i) passa rapidement devant le nouveau venu, qu'il introduisit
dans un petit salou du rez-de-chaussée et meublé la grecque, selon
le guût de l'époque.
Lorsque Auacharsis Boisseau, débarrassé de ses fourrures, se fut
installé devant un excellent feu, il apparut en frac verten panta
lon de tricot gris et en bottes noires d la Souwaroff; sur les boutons
dorés, de son habit on voyait ces deux lettres N. E., Napoléon Em
pereur, qui annonçaient que M. Boisseau, appartenait la diploma
tie française sa physionomie était ouverte et riante, il paraissait
âgé de trente-cinq quarante ans.
Comment c'est vous, monsieur répéta Dauphin. M. le mar
quis,... M. le colonel, voulais-je dire vous croyait encore en Espa
gne. Dieu merci, j eu arrive; et si l'on m'y reprend, aller en
Espagne, que je sois pendu, comme j'ai manqué de l'être... Ah ça I
Raoul est encore couché M. le tnarq... M. le colonel Noa
monsieur, il est chez monseigneur le prince de Neufchâtelquït
doit précéder Vienne.— Commeut Raoul va Vienne.— Mou»
sieur n'a donc pas vu la vuiture de voyage dans la cour Raoul
part bientôt? Ce soir même, monsieur.. Au diable! moi qui
venais justement m établir chez lui... pendant quelques jours... —Ma
le marquis sera bien désolé.— Eh comment va-t-il Toujours bril
lant, toujours brave, toujours galant Ah monsieur Anacharsis,
pour brave il n y a pas un plus brave que M. le marq... M. le co»
lonel, voulais-je dire.— Ne vous geuez pas aveo moi. Dauphin, dites
M. le marquis tant que vous voudrez. Vous êtes bien bon, mon
sieur, c'est le titre de la famille, et je ne puis m'habituer ne pas le
donner mon maître Cela Sonne mieux mes vieilles oreilles que
ce mot Colonel.., Mais il se fâche quand je l'appelle autrement.
Ah! li j'étais marquis,., je ue me ficherais paa d'être appelé par mes