5e ANNÉE. N° 497.
INTÉRIEUR.
DIMANCHE, 8 FÉVRIER I84G.
JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Feuilleton.
Pau A. HOCHSTEYN, directeur de bureau, per-
cefteur des postes, a Bruxelles, 2 vgrand 8°.
Voilà une idée neuve et un ouvrage dont il
n'existe pas de modèle. Jusqu'ici quand il fallait
trouver une disposition législative ou adminis-
On s'abonne Ypres, Marché
au Beurre, 21et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
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LePro
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tion doit être adressé, franco
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che et le Jeudi de chaque semaine.
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VIRES ÀCQUIRIT EtJNDO.
YPRES, le 7 Février.
L'an 1845 a été fertile en découvertes défaits
scandaleux de plus d'un genre; nous ne par
lerons plus de la mauvaise gestion financière de
levêché de Gand nous nous occuperons une
autre fois de l'éboulement du tunnel de Cump-
tich survenu par suite des négligences coupa
bles des ingénieurs qui en ont surveillé la
construction et peut-être par suite de leur en
tente cordiale avec l'entrepreneur. Mais un
autre scandale vient delre perpétré par le
gouvernement et la chambre en est saisie, c'est
l'abandon des débris des bâtiments incendiés de
l'ancien hôtel provincial de Liège.
Exposons les faits. L'ancien palais du prince-
évêque devait être restauré. Une partie servait
de prison et. une institution des Filles de la
Croix avait loué une dépendance de ce monu
ment, pour une somme de 3,000 francs. Le
gouvernement s'était décidé construire une
nouvelle prison et approprier les anciens bâ
timents avec ceux occupés par l'établissement
des Filles repenties, sous la direction de M. le
curé de Ste-CroixHabetsla demeure du
gouverneur civil de Liège.
Pour la prison, il n'y avait aucune difficulté,
on en construisait une nouvelle, cela devait
exiger quelques millions, mais on n'y regarde
pas de si près. Mais le point difficile, la question
résoudre était de savoir où on aurait trouvé
une construction qui aurait pu convenir l'in
stitution des Filles de la Croix. Après quelques
négociations et après avoir songé mûrement
ce problême ardu, M; le ministre des finances
résolut, sous sa responsabilité personnelle et
sauf ratification des chambres, de vendre les
bâtiments incendiés et le terrain d'une surface
d'au-delà 4,000 mètres de l'ancien hôtel du
gouvernement provincial, M. Habets, person
nellement et en son nompour une somme de
90,000 francs!
Que jusqu'ici on ait fait bon marché des do
maines et propriétés du gouvernement quand
le clergé les convoitait ou même que simple-
meot un prêtre quelconque, sous promesse de
faire œuvre pie daignait s'en mettre en posses
sion nous savons que cela s'est vu, quelques-
uns même pourraientcomme MDubus
s'élonoer que nous n'y fussions pas encore accou
tumés; mais que le gouvernement donne lui-
même l'exemple de la violation de la loi et que
moyennant de demander un bill d'indemniléaux
chambres il soit permis un ministre de ne
tenir aucun compte des garanties inscrites dans
la loi, qu'il lui soit loisible de vendre sans pu
blicité ni concurrencevoilà de ces témérités
que la législature doit réprimer, car si par ex
ception un marché de ce genre pût être favo
rable etqu'on l'acceptât, on s'autoriserait de l'ac
quiescement donné pour en conclure d'autressur
les mêmes bases qui ne seraient que des actes de
faveur, sur lesquels il serait difficile de revenir.
Encore si des motifs plausibles avaient pu être
allégués par M. le ministre des finances! mais,
hélas tous ces arguments en faveur de cette
vente illicite, consistent dire qu'on ne pouvait
exproprier le bail en bonne forme que M. Ha
bets tenait du gouvernement et qu'en tout cas. il
aurait fallu lui donner uneindemnité. En admet
tant qu'il aurait fallu passer par là, ce n'était pas
encore un motif de céder un domaine de cette
étendue aussi vil prix, tandis qu'il n'est pas
prouvé qu'en le meltant'en adjudication publi
que, on n'en eut obtenu bien davantage, puis
que déjà un parliculiera ofFertcent mille francs.
Du reste, ce n'est pas la première fois, nous le
répétons, qu'on dispose aussi audacieusemenl du
domaine de l'état, et toujours eu faveur du clergé
ou d'un de ses membres. Jamais les lois nesont^
aussi évidemment méprisées jamais l'équité
n'est aussi cavalièrement transgressée que quand
un intérêldela coterie cléricale se trouve enjeu.
Grand nombre de communes n'ont-elles pasfait
cession des bâtiments de leurs collèges, pour y
laisser donner l'instruction parle clergé, et le
gouvernement oserait-il revenir sur ces dona
tions déguisées, quand lui-même en a donné
l'exemple, en abandonnant la ville de Louvain
qui n'avait pas déguisé l'usage qu'elle voulait
en faire, les bâtiments et les collections de l'u
niversité de cette ville?
La chambre vient cependant d'adopter la loi
qui accorde un bill d'indemnité M. le ministre
des finances, malgré la lettre que M. Delfosse
lui a communiquée, démontrant qu'on avait
promis un subside de 7,000 francs, pour aider
M. Habets reconstruire l'hôtel du gouverne
ment. Ce vote prouve qu'il est inutile d'avoir
des lois, quand les intérêts du clergé sont en
jeu que ceux qui les font ne sont pas disposés
les mainleoir en présence des exigences du
parti clérical. Enfin que la majorité de la cham
bre serait disposée laisser voler tous les do
maines de l'état, plutôt que de mécontenter les
puissants feudataires milrés qui régnent en
Belgique.
La démolition des réduits des forts qui dé
fendent au nord les approches de la place, a
déjà occasionné un malheur affreux. Un ouvrier
nommé Marital continuant saper un mur
très-épais pendant qu'il était en mouvement,
n'a pu se retirer assez vite. Le mur s'est écroulé
sur luiet quand on est parvenu le rèlirer
des débris il était littéralement écrasé et mé
connaissable.
Il laisse une veuve et deux enfants dans la
misère.
La Société de Déclamationde Poésie et de
Comédie flamandes, sous la devise de kunst is
ons yermaek, se propose de donner Dimanche,
8 Février 1846, au profit des indigents, une
représentation composée de deux pièces et de
quelques déclamations. Nous espérons que les
amis de la langue flamande ne manqueront pas
d'assister cette fête et que la salle de spectacle
ne sera pas trop grande pour contenir ceux
que pourra attirer la nouveauté d'un spectacle
flamand. (Voir aux annonces.)
DICTIONNAIRE POSTAI DE LA BELGIQUE,
{Suite.)
IV. les adieux.
Quoique la maréchale-princesse de Montlaur'eùt soixante-dix
ans passés, sa taille élevée paraissait encore parfaitement droite et
dégagée. On ne pouvait avoir un plus grand air celte exliême
dignité était tempérée par une expression de bonté oharmante, de
spirituelle ironie ou de cette douce gaité, si rare chez les vieillards.
La princesse de Monllaur portait une simple et longue robe de satin
gris, un mantelet, des mitaines et un bonnet de dentelles noires
l'ancienne mode. Ses cheveux blancs étaient crêpés et légèrement
poudrés.
Bonjour, mon enfant, dit-elle A M"» de Bracoiano en l'embras
sant sur le front; puis tendant sa main blanche et maigre an colonel
qui la baisa respectueusement, elle lui dit: Eh bien! Raoul,,., quand
partez-vous.— Mais ce soir, madamejj e venais prendre vos ordres
pour A ienne. Ce soir déjà Voire empereur est sans pitié
Hélas madame, dit Raoul en souriant, je n'ai malheureusement pas
le temps de recommencernotre interminable querelle etdo défendre
mon empereur contre vous-Mais je vous prie bien de croire que
j e ne l'attaque pas du tout.... Je |e juge>_ c est bien lrOQ.
veraitmême que c'est trop, j'en suis sûre. -OU! quant cela, il aime
aussi peu la critique que s'il était roi légitime.... - Pouyez-voiu
parler ainsi, vous, Raoul un des noires 1... comment vous êtes-vous
laissé éblouir ensorceler ainsi —Mais, vous même, ma tante dit
Mrae de Bracciano, qui s'était remise de son émotion, et aiTeclait de
sourire,,., je vous ai vu aussi ensorcelée votre retour des Tuileries
après votre entrevue avec l'empereui.... Vous, Madame? dit Raoul
étonné je ne savais pas.... Bêlas! on cache ses péchés le plus
qu'on peut; j'aime mieux vousconter cette belle équipée, car Jeanne,
avec son charme de fée, finirait par vous persuader, et moi aussi,
que je suis bonapartiste voici comme cela s'est passé Un malin,
quelques jours avant le mariage de ma nièce, mon valet de chambre
m'annonce un monsieur,... je ne sais plus qui, aide de camp de l'em
pereur; je vois entrer un très-beau jeune homme, qui, dans les meil
leurs termes du monde me vient prier de la part de Sa Majesté
Y.Empereur et Roi, s'il vous plaît, de vouloir bien me rendre le len
demain midi aux Tuileries. Cet ordre, déguisé en prière, me parut
assez peu rassurant je ne m'étais jamais génée pour dire ma pensée
sur ce régime-ci et je songeais, part moi, L'exil de cette spiri
tuelle et charmante duchesse de ChevreuseEnfin je répondis
cet aide de camp que je me rendrais aux ordres qu il me trans
mettait. Le lendemain, je fis une prière ma patrone, je pris mon
grand courage, je in enveloppai bien dans mon coqueluchon, et j'ar
rivai aux Tuileries.... Ah mon cœur se serra douloureusement en
montant cet escalier où pour la dernière fois, je vis cette belle et
adorable reine. Enfin ajouta la princesse, en surmontant son émo
tion, j'entrai dans la galerie de Diane je ne sais comment ils l'ap
pellent maintenant; j'étais attendue, car depuis les huissiers jus
qu'aux gentils-hommes de service.... Jusqu'aux chambellans, ma
dame la maréchale, dit en souriant le colonel.
La princesse menaça Raoul du doigt, et reprit:— Les chambel
lans de service furent pour moi de la plus respectueuse prévoyance.
On m'annonça, ce qui me parut d'une étiquette un peu sauvage, et
je me trouvai face face avec l'Homme du Destin. Un moment
j'eus peur mais mon vieux sang gaulois me monta au cœur, je fis
bonne contenance, et, comme dit certaine nièce moqueuse, je pris
mon air de princesse, et je montai sur mon grand cheval d'Espagne
et du Saiut-Empire. Après m'avoir un instant examinée d'un œil
perçant, Bonaparte me dit J'ai voulu vous voir madame la ma
réchale. Je fis une demi-révéreuce, et je répondis très-sèche ment,
d'uu ton de victime révoltée J'ai dû obéir aux ordres de 1 Empe
reur. Il reprit «Votre mari était un excellent général,., il a beau
coup fait pour 1 armée, dans son temps et puis il a été fidèle son
roi cela est beau sous tous les régimesmadame la marecltale.
Ces mots éveillèrent en moi un souvenir bien cruel. Les larmes sont
rares chez les vieillards, pourtant je pleurai alors Bonaparte, avec
une expression de sollicitude exquise, avec une vénération toute fi
liale, me prit la main et la baisa respectueusement, en me disant
aveo une douceur iuexprimable Pardon, ma bonne mère, je ne
voulais pas vous attrister. Pauvre soldat 11 y avait dans ses traits,
dans son accent quelque chose de si bon de sT pénétré que je
l'avoue, malgré la bizarre familiarité de cette expression: Ma bonne
mère je fus tout émue plus émue cent fois que lorsqu la tin de
notre entretien il m'annonça qu'il ine rendait nos bois de 1 Anjou et