INTÉRIEUR.
DIMANCHE, r MARS 1846.
JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
5e ANNÉE. N° 503.
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TIRES ACQUIRIT EUNDO.
l'PRES, le 28 Février.
L ADRESSE AU ROI POUR LA DISSOLUTION
DES CHAMBRES.
Depuis longtemps les hommes éclairés el in
dépendants sont fixés sur ce point, que la com
position actuelle de la législature est un obstacle
toute idée de progrès, tout système de
gouvernement sagement libéral en Belgique.
Elle entretient la désunion et attise les haines
au sein de la nation. Quoiqu'il soit prouvé que
le parti clérical n'est plus de force exercer la
suprématie, lui appartient encore une majo
rité factice au sein des chambres. La législature
ne reflète donc plus l'opinion dominante de la
nation, mais représente ce parti qui, par suite
d'échecs multipliés, aurait dû sentir que le
temps des concessions est sonné pour lui.
Mais il y a loin de la conduite prudente que
l'opinion publique et les élections semblaient
devoir prescrire au parti catholiqueaux pré
tentions affichées par ses meneurs, ne rêvant
que domination et qui s'apprètenlà consommer
plutôt la ruine de la Belgique que de fléchir
dans l'exécution de l'utopie qu'ils poursuivent.
C'est en songeant probablement l'inflexibi
lité des chefs du parli-prètreque quelques
habitants de la ville de Liège ont trouvé oppor
tun d'invoquer la Couronne et de la prier de
jouer le rôle de médiateur entre le parti libéral
qui ne veut plus faire des sacrifices et qui en a
comblé la mesure et la faction cléricale disposée
jouer son va-tout, pour conquérir la domi
nation exclusive en Belgique. Une adresse au
Roi a été rédigée pour le prier de dissoudre
les chambres el de faire un appel la nation.
C'est le Libéral Liégeois qui nous a fait con
naître celte adresse. Elle a soulevé les clameurs
de la presse jésuitique, qui l'a trouvée écrite
en style révolutionnaire. Soitquoique nous
ne soyons pas de cet avis, car nous croyons
qu'il faut oser dire la vérité ouvertement et
nous ne voyons pas que dans la rédaction de
cette pétition, les formes soient blessées. Dans
tous les cas, on a été loin d'atteindre l'outrecui
dance de levêque de Liège, étranger au pays et
traîtreau souverain qui a été l'auteur de son élé
vation.On ne s'est pas encore avisé derappeler au
gouvernement et au Roi, que, si on ne trouvait
opportun de décider la question de l'enseigne
ment secondaire et de l'instruction primaire
comme le voulaient les évêques belges, et en
particulier M. Van Bommel, on avait renversé
du trône, pour ce motif, l'empereur Joseph II
et Guillaume Ir, voulant insinuer qu'on était
tout disposé en faire autant, si le cas se pré
sentait.
En définitivenous sommes tout disposé
approuver la rédaction de cette adresse et nous
la trouvons très-conslitutionnellequoiqu'en
puisse gloser la presse cléricale. 11 n'est qu'une
chose que nous regrettons c'est que nous
croyons que le temps n'est pas venu de faire une
démarche de ce genre. Tous nos amis politiques
ne sont pas encoreconvaincusde l'enlêtemenldu
parti-prêtre qui ne pourra être tenu dans les
limites de la Constitution que par des moyens
énergiques et peut-être par des efforts violents.
Ce parti est incorrigible et quoiqu'il puisse arri
ver, l'opinion libérale, en présence des empiéte
ments du rebroussement, se trouvera dans le
cas de légitime défense.
Voici le texte de l'Adresse au Roi pour la
dissolution des Chambres, tel que le donne le
Libéral Liégeois
Sire,
La Belgique libre et indépendante, en vous ap
pelant au trône, a voulu donner sa nationalité
naissante une garantie de stabilité, et placer ses
institutions, qu'admirent et lui envient des nations
plus puissantes, sous la sauvegarde d'un pouvoir
irresponsable émané d'elles, destiné maintenir en
tout temps leur libre action, el dans des circonstan
ces graves rétablir celle action faussée ou déviée.
Le droit de dissolution des Chambres législati
ves, qui fait partie de la prérogative royale, est le
moyeu par excellence que la constitution a remis
entre les inains de la Royauté pour rétablir le jeu
libre et vrai des institutions. Par la dissolution des
Chambres, le pouvoir royal ne préjuge rien; il en
appelle seulement la nation pour connaître son
opinion et ses volontés.
L'appel au pays par la convocation des collèges
électoraux, est l'acte royal qui témoigne le mieux
du patriotisme du monarque, et de sa confiance
dans le peuple auquel il a Lié indissolublement sa
personne et sa dynastie. Si jamais ce lien qui unit la
Belgique a son Roi pouvait se relâcher, un tel appel
le resserrerait infailliblement et lerendrait plus fort
que jamais.
Sire, la nation belge honore en vous le roi de
son choix mais cette nation généreuse et dévouée,'
n'est pas seulement dans les antichambres de vos
palais; elle ne se compose pas seulement des servi
teurs de votre Couronne, des grands dignitaires de
l'Etat, ni même des mandataires du corps électoral
qui forment les Chambres législatives. La nation
belge est ailleurs que lâ. Jetez, Sire, les yeux plus au
loin embrassez par le regard nos villes populeuses
et puissantes par le travail, l'industrie et le com
merce, nos campagnes où, grâce aux sueurs d'une
population laborieuse et sobre, s'élaborent les pro
duits qui forment la principale source de la richesse
publique: le pays est là surtout; et les besoins
moraux et matériels, les souffrances, hélas! trop
grandes et trop nombreuses de ces populations,
appellent votre royale sollicitude.
Sire, la Belgique souffre elle souffre surtout
des déchirements intérieurs du gouvernement, qui
s'opposent toute direction ferme et une des af
faires publiques. Les compromis essayés plusieurs
reprises entre les opinions qui partageât le pays,
n'ont contribué qu'à aggraver le mal; désormais
toute combinaison mixte entre les deux éléments
politiques qui composent la Représentation natio
nale est impossible. C'est donc la dissolution de
celle Représentation actuellement frappée d'im
puissance politique, qu'il faut avoir recours. Que
Votre Majesté ose en appeler la nation, et cette
mesure, accueillie par les acclamations du peuple
belge, aura pour résultat la lormaliou d'une majo
rité homogène. Retrempées la source populaire
de l'élection, les Chambres représenteront d'une
manière plus prompte les besoins et les opinions
du pays; et par là donneront votre gouvernement
une force que les chambres actuelles ne peuvent
plus lui donner.
L'état déplorable de nos relations avec la Hol
lande et avec la France, et la position désastreuse
faite nos plus importantes industries par ces com
plications et ces guerres de larils;la question des
sucres qui exige une solution complète, en rapport
avec les intérêts et les droits acquis et par dessus
tout la plus grave des questions politiques et socia
les qui puissent être mises l'ordre du jour des
délibérations des pouvoirs publics, la question de
l'enseignement moyen, réclament le concours de
toutes les forces vives de la nation. C'est dans la
profonde conviction que les élections générales seu
les peuvent fournir la nation le moyen d'aborder
et de résoudre conslitutionnellemcnt, et avec l'en
semble et l'énergie nécessaires au succès, ces graves
difficultés, que les Soussignés ont l'honneur de dé
poser au pied du trône, le vœu de voir Votre Majesté
user de sa prérogative pour dissoudre les Chambres
actuelles, et appeler les électeurs se prononcer sur
la meilleure direction donner aux affaires.
Feuilleton.
2,52 (S(D2i©Sï22» 2)2 313 51 ^2212» 2»
(Suite.)
VIII. pierre herbin.
Pierre Herbin avait cinquante ans environ, une tête énorme re
couverte d'une forêt de cheveux presque blancs, touffus et hérissés;
d'épais sourcils noirs couvraient moitié ses petits yeux d'un bleu
pâle. Sa tigure hâve et terreuse disparaissait presque sous une barbe
grise, courte et drue, qui n'avait pas été rasée depuis plusieurs jours.
Ses tràits étaient sinistres, durs; sa lèvre supérieure, fendue en
partie comme le colonel l'avait écrit Boisseau, rendait sa physio
nomie plus repoussante encore.
- Dès que la bougie lut allumée, Pierre Herbin alla fermer la porte
double tour pendant qu Herman lisait avec anxiété la lettre de
Raoul dont il s était emparé. Boisseau saisi de terreur s'écria
C est un abominable gueUapens Je vous sommé de m'ouvrir celle
porte vous n'avez pas le droit de me retenir ici
Sans lui repondre Pierre Herbin alla en boitant près d'Herman,
appuya sa hideuse ligure sur l'épaule du jeune hommeet lut avec
lui la lettre de Raoulen souriant de temps autre d'un air farou
che. Wilhelmine Butler secria-t-il, après avoir paroouru quel
ques lignes. Et frappant du pied avec rage,., il répéta Wilhelmine
Butler Comment a-t-il pu la découvrir Mort et damnation je
t'avais bien dit qu'il ne fallait pas écrire. Eh s'écria Herman,
ne le fallait-il pas... pour Et il dit un mot 1 oreille de Pierre
Herbin. Alors, s'écria celui-ci, on convient d'un chiffre. On ne
peut pas penser tout,., et surtout prévoir 1 impossible, dit Herman
avec impatience. Qui aurait jamais pensé que cet infernal colonel
irait découvrir eetle femme inconnue cachée dans le plus obscur
faubourg de Vienne?.,. C'est une fatalité,., un hasard inexplicable,
dont je douterais sans cette lettre maudite, ajouta-t-il en frappant
du pied avec rage.
Depuis le commencement de cette scene les traits d'Herman
semblaient complètement métamorphosés sa physionomieordi
nairement si ingénue, avait une expression dure et sardonique et
ses mains, presque toujours crispées, témoignaient de la violence de
ses ressentiments.
Anacharsis Boisseau était près de la porte qu'il essayait d'ouvrir;
ne pouvant y réussir, il frappa de toutes ses forces et cria au secours
Soit que les deux hôtes de cette maison isolée fussent assurés de
la complicité du portier, soit qu'ils fussent certains qu'il ne pouvait
pas entendre les cris d'Anacharsis ils ne firent aucune attention
ses clameurs et continuèrent de lire.
Ah voici qui me regarde, dit Pierre Herbin en arrivant au
passage qui le concernait, tout y est jusqu'au signalement, ou dirait
un rapport de préfet de police.
Monsieur, messieurs s'écria Boisseau, qui, voyant l'inutilité
de ses tentatives pour sortir de ce guêpier, commençait être sérieu
sement alarmé, au nom de la loi, je vous somme de m'ouvrir cette
porte,... je vous promets ce prix de ne pas dire un mot de cette
indigne violence t
Herman et Pierre Herbin se regardèrent en silence, après avoir
lu la lettre.
Avant tout, dit Pierre Herbin, en faisant un geste significatif
et en désignant Boisseau q«i était derrière lui; il faut d'abord nous
débarrasser de celui-là: »-< Monsieur, messieurs s'écria Anachar
sis,... je proteste,... je déclare,... c'est une indignité.... Je suis venu
chez monsieur en toute confiance, M. le colonel de Surville a bien
youlu user de ménagement. Voulez-yous l'en faire repentir Il