INTERIEUR.
5e ANNÉE. - N° S12.
JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
JEUDI, 2 AVRIL 1846.
Feuilleton.
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VIRES ACQUIRIT EUNDO.
YPRES, le lr Avril.
Si les efforts du parti clérical et de la cama-
rilla pour parvenir continuer le régime des
mixtures sont infructueuxils accusent au
moins une aptitude singulière l'intrigue et des
progrès dans la représentation de la haute co
médie politique de leur invention. Jusqu'ici le
système mixte n'a pas eu grand succès s'est
dit le parti-prêtre, tachons d'amener l'opinion
libérale au pouvoir, elle n'y restera qu'aussi
longtemps que nous le voudrons la majorité
la chambre et au sénat nous appartient et
pour les élections de 1847 nous renverserons
ce ministère nous userons les chefs de l'op
position qui, devenus ministres, seront con
vaincus par nous d'impuissancecar en fin
de comptela majorité des chambres élues
sous notre règne et l'armée des fonctionnaires
de notre choix qui les entoureraleur feront
pièce, et quand le temps sera venu, non-seule
ment le pouvoir nous reviendra mais nos ad
versaires les plus redoutables seront démoné
tisés noire profit.
Telle est la petite conspiration qu'on avait
OUrdie l'enonnlro de l'npîninn l<Wé~U
comme on peut s'en convaincre, elle ne brille
pas par le sublime de l'invention. Ce n'esl qu'un
réchauffé de 1841 et nous croyions le parti
clérical assez sage pour ne pas recommencer
une pareille campagne. Il paraît que nous nous
sommes trompés. Mais le piège qu on avait tendu
l'opinion libérale, a été flairé d instinct et M.
Rogier, avant de se charger de la reconstitu
tion du ministèrea posé des conditions au
nombre de quatre. Il demandait la dissolution
des chambres dans des cas déterminésla loi
sur l'enseignement moyenla révocation et la
destitution des fonctionnaires infidèles au pro
gramme ministériel, et en dernier lieu, le retrait
de la loi sur le fractionnement et la modifica
tion de celle sur les Bourgmestres choisis en
dehors du conseil communal.
Quand le parti clérical a eu connaissance des
conditions posées par M. Rogier l'acceptation
du pouvoir, ce fut un toile général dans le
camp tXAgramantCe n'était pas ainsi qu'on
entendait laisser tenir les rênes du char de l'état
par les libéraux. On voulait bien accepter un
cabinet libéral, mais il devait faire les affaires
du pays avec les éléments cléricaux qui peu
plent les avenues du pouvoir. D'un autre côté,
on avait des craintes sérieuses sur les consé
quences d'un pareil essai. Les élections s'étaient
toujours faites sous un ministère dévoué au
parti clérical. Si le gouvernement restait sim
plement neutre dans celte questionles catho
liques-politiques étaient certains de laisser sur
le terrain électoral, une bonne partie de cette
majorité, dont ils se larguent avec tant d'ar
rogance.
Enfin les feuilles cléricales ont reçu ordre de
poussera l'unisson des clameurs l'endroit de ce
qu'elles nomment l'outrecuidance des libéraux
vis-à-vis de la Couronne. Mais l'explication de
tout ce bruit est facile comprendre; un piège
a été tendu l'opinion libérale; se ressouvenant
de 1841 ses chefs ont pris leurs précautions
et la fureur des journaux rétrogrades n'a d'au
tre mobile, que le désappointement de n'avoir
pu faire réussir la trame ourdie par le parti
clérical et la cour.
Il est inutile, nous parait-il, de prouver la
parfaite opportunité des conditions faites par le
parti libéral son entrée aux affaires. 11 était
l.bro a la Couronne die içs aroenler ou
rejeter, mais il est certain que le programme
était indispensable, moins qu'on ne désirât voir
un ministère libéral sans aucune vitalité? C'est
alors qu'on ne se serait fait faute d'adresser
l'opinion libérale, l'accusation de ne pas être
gouvernementale et autres lieux communs de
ce genre. En outre, nos amis qui auraient fait
partie d'un cabinet, auraient assumé line grave
responsabililé et juste titre, on aurait pu leur
reprocher de s'être laissés jouer ou par élour-
derie ou par trop de confiance.
Les feuilles cléricales crient Yabdicalion du
Roi et prétendent que le programme n exigeait
rien moins que cela. En premier lieu nous
avons lieu de nous étonner de cet amour subit
pour la prérogative royale de la part du parti
prêtrela Couronne ne doit pas y être habi
tuéemais passons. La royauté, quand elle
donne sa confiance un ministère, doit le sou
tenir, jusqu'à ce qu'il l'ail perdue. Si le cabinet
marche dans le sens iniiqué du programme
qui a été arrêté entre la Couronne et lui son
avènement aux affaires, la royauté est tenue de
lui donner aide et protection envers ses ennemis
politiques et surtout contre ces adversaires
cachésqui tâchent de le saper par les bases
et de le ruiner dans la confiance du chef de la
nation. Mais si la Couronne doit contracter
l'engagement d'honneur d'en agir ainsi, où est
l'abdication de la royauté?La grande colère du
parti clérical, n'aurait-elle pas pour cause la
conviction que, si le programme était compris
ainsi, un moyen d'intrigue lui serait ravi et que
tout l'échafaudage d hypocrisie qui enveloppe
la Couronne, s'écroulerait.
Il est un fait que nous déplorons amèrement,
c'est que la Royauté est découverte et que les
intrigues de la camarillapour faire marcher
le gouvernement dans la fausse voie dans la
quelle il est engagé font rejaillir sur la Cou
ronne l'impopularité que l'opinion cléricale s'est
attiré. Nous considérous ce fait comme un mal
heur, mais l'opinion libérale ne peut en
être attribuée la faute. On croit pouvoir gou
verner sans elle; qu'on essaye, les conditions
qu'on a refusées deviendront peut-être plus
graves, mesure que l'impasse dans laquelle
s'est fourvoyé le pouvoir, deviendra plus évi
dente.
MINISTERE DE lr AVRIL.
Voici la combinaison ministérielle, telle qu'elle
est arrêtée définitivement:
MM. Deschamps, d'Anelhan et Malou con
servent leurs portefeuilles.
M. DeTheux est appelé succéder M. Van-
de Weyer au département de l'intérieur.
M. DeBavay, secrétaire général au départe
ment des travaux publics, remplace M. d'floff-
schmidt la tète de ce déparlement.
M. Prisse, est nommé ministre de la guerre.
Voilà ce qui s'appelle de la franchise nous
qui croyions que le parti clérical pour exister, ne
pouvait soutenir le grand jour, voilà un minis
tère comme il en faut, pour faire les affaires du
parti libéral. Il prendra pour devise les mots
persévérance et courage. Mais ne nous réjouissons
pas trop, c'est peut-être un poisson davril.
M I g r~I V
Certain journal, l'occasion d'un fait scanda
leux qui a été constaté par les débats judiciaires
du tribunal de cette ville, en prend texte pour
aa (3®2»®532S as
(Suite.)
xiv.— l'entrevue.
Eh bien ma tante! 1 Empereur Du courage, mon enfant,
ma fille,.. dit la princesse, en embrassant sa nièce avec effusion..,.
Tout est fini il n'y a plus d espoir! s'écria Mme de Bracciauo.
Et elle se couvrit le visage de ses deux mains.
Jeanne du calme de la résignation*, ne vous désespérez pas
ainsi... Hélas je ne veux pas vous faire de reproches mais si vous
m'aviez consultée avant de faire cette fatale démarche, vous vous
seriez épargné bien des chagrins... Vous le savez je considère le
divorce comme un acte reprouvé par la religion; et d'ailleurs, votre
mâri vous avait dit sur quelles raisonsmalheureusement trop
vraies, 1 Empereur devait, dans les circonstances présentes, s'opposer
des actes de cette nature. Je ue pouvais doue aVoir que bien peu
d'espoir. Il eut été indigne de vous et de moi d abuser des confi
dences de M. de Bracciano, tout odieuses qu'elles étaient, sur ses
projets venir dans le cas où son maître serait renversé*.. J'ai dû
me borner peindre 1 Empereur, avec conviction, avec chaleur,
le* causes qui vous rendaient votre union pénible la différence
d'âge, de goùls, d habitudes, qui existait entré vous et votre mari»
et insister surtout sur le noble dévoûment qui vous avait décidée ce
mariage, alors que vous étiez peine capable de comprendre toute
la portée de l'engagement que vous contractiez. Je le suppliai d ob
tenir de M. de Bracciano qu'il vous laissât vous retirer dans une de
vos terrés et vivre avec moi; cela eût évite le scandale et l'éclat, A.
ces mots, l'Empereur me répondit d un air sévère Madame je
déteste les mauvais ménages; je ne crois pas aux incompatibilités
d'humeur, ce sont là des visions de femmes ennuyées, romanesques.
Si Mme de Bracciano a quelque faute grave articuler contre sou
mari, qu'elle parlej'en ferai justice; sinon je laisserai celui-ci le
drbit, le pouvoir que la raison, qut la loi lui donnent sur sa fem
me. Qélàs! mon enfant, je lui pailai en vaiu du caractère morose,
atrabilaire de votre mari; il me répcadit, en me régirdent fixement:
u Madame la maréchale, vous êtes la phis honnête femme que je
connaisse je ne sais pas de caractère plus noble et plus équitable que
le vôtre. Franchement, que penseriez-vous de moi si, pour satisfaire
un caprice de votre nièce, j'abusais de mon pouvoir pour l'enlever
son mari, en lui ordonnant de se séparer d'elle Entre nous,
Jeanne, que pourrais-je répondre? il avait raison; et je devius
muette devant la justice et la vérité... D ailleurs, reprit l'Empe
reur, il n'est pas dans mes habituées de condamner les gens sans
les entendre. 11 sofana en disant ces mots, et donua ordre d'aller
suf-le-champ chercher M. de Bracciano. Devant vous, madame,
reprit-il, je l'interrogerai je lui ferai part des désirs de madame
Votre nièce. Tout ce que je puis faire votre seule considération,
o'est de vous promettre que si M. de Bracciano consent oe que sa
femme vive loin de lui, j'y consentirai, quoique, je vous le répète,
je trouve ces sortes de séparations du plus mauvais, du plus dange
reux exemple. Je ne pouvais, vous le sentez, m'opposer la vo
lonté de l'Empereur. Votre mari vint. Son maître lui dit toute notre
couversatiou. Quoiqu'il vît par là que j'avais eu la générosité de
taire les seules circonstances qui auraient peut-être pu, en irritant
l'Empereur contre lui, le disposer nous écouter favorablement,
M; de Bracciano eut 1 indignité de dire, en affectant une confiance
et une résignation hypocrites, qu'il ne vous acousait pas de cette
démarche si pénible pour lui, qu'il croyait votre conduite au-dessus
de tout reproche, mais que vous aviez été sans doute poussée cette
fâcheuse démarche par un de vos parents qui avait sur vous une
dangereuse influence, en un mot, par M. de Surville...
Jusqu'alors, Jeaiiue avait écouté sa tante avec une sorte de stu
peur; voyant tout espoir perdu pour elle, elle poursuivait, dans sa
pensée, avec une douloureuse ténacité, la résolution fatale qu'elle
Venait de prendre; mais au nom de M, de Surville, elle releva brua-