5e ANNÉE. N® S14.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
JEUDI, 9 AVRIL 1846.
INTÉRIEUR.
Feuilleton.
On s'abonne Ypreb, Marché
au Beurre, 21et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT,
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Prii d'un numéro0-25
Le Pro
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tion doit être adressé, franco
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che et le Jeudi de chaque semaine,
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VIRES ACQUIRIT EUNDO.
YPRES, le 8 Avril.
LE MINISTERE DE THEUX DOIT ETRE
RÉACTIONNAIRE.
On est revenu de la surprise qu'a excitée
parmi la nation, la solution de la crise ministé
rielle. L étonnement a fait place l'indignation.
A quoi sert-il d'avoir des élections, quand il est
permis quelques intrigants milrés ou dorés
sur tranche, de lancer le char gouvernemental
sur une voie antipathique la majorité intel
ligente de la nation? INous disons la majorité
éclairée de la nation, et nous le prouvons. Dans
les deux dernières élections générales, le relevé
en a été faittous les candidats libéraux dans
toutes les provinces appelées renouveler le
mandat de leurs députés, ont obtenu chaque fois
de vingt vingt-deux mille votes, tandis que
tous les candidats du clergé n'en ont jamais ras
semblé qu'environ quatorze mille. On doit en
tirer la conséquence ques'il était possible de
réunir tous les électeurs de la Belgique en un
seul collège, tous les noms qui sortiraient de
l'urne seraient libéraux, et la chambre ni le
sénat ne compteraient plus aucun représentant
relevant de l'opinion cléricale.
On peut donc en conclure avec certitude, que
le parti qui s'est si audacieusemcnt saisi des
rênes du pouvoir, est en minorité dans le pays
légal, que la majorité du corps électoral lui
refusesonappui. Mais, nous dira-t-on. comment
se fait-il qu'à la chambre, il soit encore en ma
jorité? C'est la division des collèges électoraux
qui a valu au parti-prêtre ces serviles adhé
rents qui garnissent les bancs de la chambre et
qui sont moins les représentants de la nation
que les députés de la caste cléricale.
Mais si les grands centres électoraux échap
pent son influence, dans les villes d'un rang
secondaire, les électeurs libéraux sont réduits
l'infériorité par les nombreuses machines vo
ter, qui font irruption au moment du scrutin.
Toutefois les nominations obtenues de cette
manière, n'ajoutent la force ni la considé
ration d'un parti que ce qui peut valoir, arilh-
métiquement parlant, un vote brutal dont il
dispose son gré. Le côté droit de la chambre
n'a d'autre valeur qu'une valeur numérique
tandis que la gauche exerce une influence mo
rale que ses adversaires subissent souvent sans
même s'en rendre compte et tout en la niant.
Malgré son avènement inopiné au pouvoir si
ardemment convoité, le ministère dit Poisson
d'avril est embarrasséet ne saura au début,
comment se déguiser. 11 n'ignore pas qu'il ne
peut compter sur aucun autre appuique
celui du clergé et de ses ininlelligpntes créatu
res. Il faudra donc qu'il épouse, de toute néces
sité, toutes les prétentions intolérantes de cette
caste ambitieuse et avide, qu'il les défende et
les fasse adopter. Ce sera donc la réaction ou
verte que le ministère De Theux est venu inau
gurer après M. Nolhomb. qui en avait entrepris
une jésuitiquetoujours- au profit de l'opinion
cléricale.
Nous avions dit, il y a peu de temps, que
l'opinion libérale était la seule nationale, que ses
adversaires, tout en protestant de leur dévoue
ment au pays et ses institutions, n'ont de
l'amour pour nos lois libérales, que pour autant
qu'ils puissent user seuls des garanties qu'elles
présentent. Nous pouvons en donner un nouvel
exemple. Après les élections de juin M. No
lhomb, ihomme daff'aires du parli-prêtre a
cru devoir quitter le ministère, parce que les élec
tions donnaient ouvertement la prépondérance
l'opinion libérale. Déjà alors, si en haut lieu,
on avait voulu comprendre le vœu de la nation,
c'était par un ministère libéral qu'il aurait fallu
remplacer la mixture, mais non, un second
gâchis a suivi le premier, et grâce M. Vande
Weyer, qui n'a pas voulu être joué par les en
fants de Loyola, la seconde combinaison mixte,
après une crise ministérielle de deux mois, se
trouve remplacée par qui? par un ministère
libéral! on aurait pu le croire, puisque celait
une manifestation libérale qui avait occasionné la
crise? Eh! non par un ministère clérical pur-sang,
qui sera chargé de par la Cour et le parti jésui
tique, d'agir en sens contraire au vœu national
librement et hautement émis par les élections
des grands centres de population de la Belgique.
L'a mour et le dé voûment pour nos institutions
est très-vif chez le parti clérical et ses représen
tants au pouvoir, aussi longtemps qu'elles sont
favorables l'omnipotence qu'ils veulentexercer
sur le pays. C'est ainsi que nous avons vu tour
tour, plaider l'opinion jésuitique pour l'éman
cipation pleine et entière de la commune et
tâcher de lui ravir les libertés qui lui avaient
été octroyées, quand elle avait acquis la preuve
que les villes échappaient sa domination.
C'est ainsi que nous pouvons nous attendre
voir le parti dominant s'attaquer tour tour
tout cequi lui fait ombrage et pour y parvenir, les
palinodies déshonorantes, les revirements les
pluséhontés ne lui coûteront rien, afin de pour
suivre la marche ouvertement réactionnaire
forcément imposée au ministère par les lois de
son existence et les nécessités de sa position.
Le Moniteur contient des explications sur le
dissentiment qui a amené la crise ministérielle,
ainsi que le projet de loi sur l'enseignement
moyen présenté par M. Vande Weyer et son
projet amendé, d'après les observations des mi
nistres ses collègues, auxquelles ila pu fairedroit,
sans sacrifier d'après lui, les justes exigences
de l'opinion libérale. Il s'en suit que les préten
tions de la fraction cléricale du ministère, ap-
puyéedans ses exigences par le synode épiscopal
de Malines, étaient exorbitantes et intolérables.
En dernière analyse, le pouvoir civil devrait en
matière d'enseignement dépendre selon elle d'un
corps qui n'exisle que de fait et qui n'a aucune
existence légale en Belgiquedu clergé. Son
bon ou mauvais vouloir aurait le pouvoir, d'après
les prétentions du parti jésuitiquede décider
de l'existence des établissements d'enseignement
secondaire de l'état.
Les idées de M. Vande Weyer, en matière d'en
seignement par contre, étaient très-modérées
trop modérées même et maintenant que l'opi
nion cléricale n'a pas voulu les admettre par
forme de transaction il est probable qu'on ne
se contentera plus des garanties que M. Vande
Weyer avait stipulées au nom du libéralisme.
aa (g©a©532s. sa 3®ia^a2»2»3»
(Suite.)
XVI. montbard, le soldat aux gardes,
L'assurance de cet homme, confondait M. de Bracciano. Il se rap
pelait, en eflet, que de honteux motifs, une rivalité d'amour auprès
d une femme étrangère avaient causé sa haine et ensuite exoité
ses sentiments de vengeance contre Jacques Briot, mais il ne con
cevait pas quelle influence pouvaient avoir sur son sort actuel ces
faits depuis si lougtemps passés. Reprenant courage, le duc dit
Pierre Herbin avec hauteur Finissons, monsieur,., il est tard...
Il est tard Tu trouveras tout l'heure qu il est trop tôt répondit
Pierre Herbin d'un air sombre.,.. Procédous par ordre. Te souviens-
tu... d un officier autrichien prisonnier Dijon en 92, nommé But
ler Je m en souviens vaguement, dit le duc en pâlissant
Vaguement El Pierre Herbin sourit d'un air sardonique;.,. et
de sa fille Wilhelmine,... t en souviens-tu Oui, dit le duc d une
voix brève et émue. Jacques Biiot était passionnément aimé de
Wilhelmine Butler, reprit Herbin; il l'aimait tendrement... Tu vis
cette belle fille tu en devins épris; elle te repoussa avec dédaiu,...
en le disant qu elle aimait Jacques Briot.... Tu juras la mort de ce
malheureux.... Tu as attendu 1 occasion,... tu as tenu ton serment.
Ah. cet homme,... toujours cet homme s écria le duc avec une
sorte d épouvanté.Oui, toujours cet homme! répéta Pierre
Herbin, et il ajouta d'une voix presque solennelle Ecoule Jé
rôme Morissou,... ni toi ni moi nous ne croyons rien,... tu es un
ambitieux efTréue. Tous les moyens te sont bons pour parvenir, tu
as le cœur desséché par légoïsme,,.. tu as été un meurtrier juridi
que, la pire espèce de toutes, parce qu'elle est la plus lâche. Saus
êire ta hauteur,... je suis plutôt méchant que bon... La pauvreté
m a dépravé.... Quoique nous méprisions tous deux ce que les autres
craignent et révèrent, tous scélérats que nous sommes, prosternons-
nous devant cei taines fatalités providentielles. Tu as fait tuer Jac
ques Briot,... Eh bien par un concours de circonstances inouïes,
c'est de la tombe de Jacques Briot que vont sortir tous les malheurs
qui vont fondre sur toi.... Tu as donc raison de dire avec effroi
Toujours cet homme
M. de Bracciano fut frappé des paroles de Pierre Herbin. Un pres
sentiment laverlissait que quelque vérité terrible allait se dégager
de ce chaos inextiicable. Les événements de la journée. 1 heure
avancée de la nuit, la figure sinistre de Pierre Herbin, les souvenirs
sanglants qu il évoquait, tout concouiait augmenter la terreur in
volontaire du duc. Pierre Herbin reprit d'une voix grave
Jacques Briot était pauvre. Le capitaine Butler quoique pauvre
aussi, lui avait refusé la main de Wilhelmine la malheuieuse fille
n'avait écoulé que son cœur. Trois mois après la mort de son amant,
elle mit au monde un fils. Ce fils a aujourd'hui dix-huit ans, ce
fils... est Herman Forsler, ton secrétaire. Herman le fils de Jac
ques Briot! s'écria le duc avec épouvante; Heroian Lorsque tu
eus quitté Dijon pour venir accusateur public Lyon,... Wilhel
mine Butler retourna Vienne... Son père y mourut... Elle éleva
sou fils sous le non» de Butler jusqu au moment où un événement
que lu n'as pas d'intérêt connaître la força d'envoyer ce fils en
France sous le nom d Herman Forsler... 11 y a de cela six mois en
viron... J appiis, par hasard, que tu avais besoin d un secrétaire...
Je fis tant de manœuvres souterraiues que jep«trvinsà faire admettre
Herman Forsler chez toi, sans que tu te sois un instant douté que
ce beau cadeau le venait de ma oiain. Misérable! s'écria le duc,
vous agissiez ainsi dans l espérance de me surprendre quelque secret
d élai Introduire dans mou intérieur un homme qui secioit sans
doute le droit de me haïr, détre mon ennemi mortel, saus doute, di
sait le duo en marchant grands pas; empoisonner l'âme de cet
enfant par vos abominables calomnies... Des calomnies!... Il te
savait le meurtrier de son père... Je n'avais pas besoin de te calom
nier. Mais cesl un tissu d'infamies,... de ruses infernales!...
Ah tu vois bien que tu avais raison de dire toujours cet homme!
Écoute encore, Jérôme Morisson,... tu n'es pas au bout... Mainte
nant, laissons Herman Forster établi chez toi,... comme ton secré
taire... Revenous Montbard, que tu as fait aussi guillotiner, et qui
a été la cause involontaire de la mort de Jacques Briot.., Sais-tu qui
était ce Montbard, monsieur le duc? Un ancien soldat aux gar
des. Vous l'avez dit vous-même... Mais, terminons cette scène, mon
sieur... Je suis fatigué... Demain, je pourrai vous entendre...
Demain,... s'éciia Pierre Herbin, avec un éclat de rire sauvage,
demain 1 et lu ne sais rien encore... Tu connais la cause, et tu ne
connais pas encore l'effet... Toujours cet homme, te dis-je; Mont
bard est la clé de léuigme. Montbard n'était pas ce qu'il paraissait
être. Montbard était un noble, un émigré rentrant sous un faux
nom... Eh! que m'iuiporle? s'écria le duc...—Que t'importe?
que t importe J aime te voir dans cette sécurité. Tout l'heure#
ton réveil sera plus terrible...
M. de Bracciano regarda Pierre Herbin d'un air stupéfait; celui-ei
continua
Montbard était un noble, un grand seigneur déguisé sous un
nom de soldat. Dans ta précipitation le faire condamner mort,
pour asseoir ton accusation capitale contre Jacques Briot, tu ne t es
pas donné la peine d'examiuer le dossier que^ voici (et Pierre Her
bin montra les papiers qu il tenait la main). Pourtant ces actes
prouvent quel était ce moutard Et, maiutenant, vois-tu, peut-etre
donueiais-lu ta fortune pour anéantir ce document!... Eh mon
Dieu! dit le duc, avec plus d impatience et de colère que de crainte;
finissez, monsieur, et dites quel est cet homme. Tout ceci a déjà
trop duré. Vois s il uy a pas uue Providence! répondit Pierre
Heibiu. Ce préieudu Mon t bai d qui a servi de prétexte la mort
du père d Herman, est... Parlerez-vous s'écria le duc hors de lui.
Montbard, cétait le marquis de Souvry, c'était le père de ta
femme {La suito au prochain