INTÉRIEUR.
5e ANNÉE. - N9 519.
JOURNAL D'Y PRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
DIMANCHE, 26 AVRIL 1816.
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YPRES, le 25 Avril.
LE MINISTÈRE RÉACTIONNAIRE DEVANT
LA CHAMBRE.
Enfin l'époque était arrivée d'expliquer aux
mandataires de la nation, l'avènement imprévu
au pouvoir d'un ministère clérical après que
la mixture avait succombé devant une mani
festation]) libérale des collèges électoraux des
grands centres de population et qu'un replâ
trage n'avait servi qu'à démontrer l'impossibi
lité de continuer le système hypocrite que M.
Nolhomb avait inauguré. M. De Theux s'est
chargé de donner ces explications et le pro
gramme qu'il a développé au nom du nou
veau cabinet, se borne faire mention des idées
de modéralionet d'impartialité,dont sont animés,
assure-t-il, les membresde la nouvelleadminis-
tralion.Nous croyons même qu'il y est parlé de
progrès, comme s'il pouvait être question avec
des hommes comme MM. De Theux, Dechamps,
Malou et d'Anelhan, d'autre chose que des prin
cipes du rebroussement.
La discussion politique a été entamée. De-
suile le cabinet réactionnaire s'est emparé du
programme présenté au roi par M. Rogier, au
npm du ministère qu'il avait,cljargé de former
et cela afin d'esquiver les explications que 1 oppo
sition réclamait avec instance et que les ministres
cherchent éluder. Quelle explication peuvent-
ils donneren effet sur leur système il est connu;
quelle garantie peuvent-ils offrir? n ont-ils pas
faussé toutes nos institutions an gré de ce pou
voir occulte, dont ils sont les représentants au
ministère
Nous avons dit que, bien que des promesses
de modération et d'impartialité eussent été faites,
le ministère dit poisson d'avril, devait être réac
tionnaire, par la loi fatale de son origine, II ne
fallait pas être prophète pour le déviner, et
déjà les faits sont là pour constater que jamais
système plus exlusif n'aura pesé sur le pays
car les rétrogrades de 1846 sont les mêmes qu'en
1841et alors ne publiait-on pas hautement
que tous ceux qui ne sont pas avec nous sont
contre nous!
On a lâché dans les premières discussions la
chambre depuis l avénemenl du cabinet des six
Malouquelques aveux précieux noter. La
couronne n'a jamais refusé et ne refusera pas au
ministère actuel le droit constitutionnel qu'elle
n'a pas voulu accorder aux libéraux, le droit
de destituer les fonctionnaires qui ne veulent
pas se soumettre au programme ministériel.
Messieurs Delehaye et Cools ont été privés
de leurs fonctionsparce qu'ils ne voulaient
pas obéir aux injonctions du ministère. Dans
la discussion, M. DeTheux a soutenu que ce
droit appartient tout cabinet et de sa part,
nous n'attendrons pas longtemps avant de lui
en voir faire usage. Déjà M. DeBrouckerea
donné sa démission de gouverneur de la pro
vince de Liège, motivée la vérité sur l'état de
sa santé. Maison ne peut s'y tromper, la circu
laire envoyée tous les fonctionnaires, l avéne
menl du cabinet clérical, contenait probablement
l'exposé d'un système politique, qu'un homme
qui se respecte ne peut approuver ni soutenir,
et sans doutec'est là le motif prépondérant
quoique secret, qui a engagé M. De Brouckere
donner sa démission.
Ainsi implicitement la couronne fait une dis
tinction entre l'opinion libérale et leparticlérical.
Ce dernier doit posséder toutes ses sympathies,
puisque tous les fonctionnaires placés par lui
ou sous son influence, sont défait inamovibles,
quels que puissent être cet égard les vœux de
la nation.
Le pouvoir de destituer que M. De Theux re
vendique hautement, pourra servir purger
les administrations de ces hommes qui ne sont
pas encore arrivés se débarrasser entièrement
de leurs convictions politiques et créer des
vacatures pour y fourrer des sujets plus dévoués.
Les ministres ne seraient pas fidèles aux principes
sur lesquels a été basé leur éducation première,
s'ils n'organisaient un pelitespionnage bien ano
din l'encontre des fonctionnaires. Quoiqu'en
puissent dire les prôneurs du cabinet, nous croy
ons que le droit ]de dissolution ne lui serait
pas refusé si le besoin se faisait sentir de ren
voyer la chambre devenue trop libérale pour
supporter plus longtemps un ministère com
posé des agents d'un pouvoir occulte, qui im
pose même ses volontés la couronne.
Quelques représenlans et entre autres MM.
Rogier et d Elhougne ont fait toucher du doigt,
les intrigues qui ont été mises en œuvre, pour
faire prévaloir les volontés de celle influence
occulte qui pèse si durement sur les destinées
de la Belgique. M. Verhaegena exposé lucide
ment, comment, il se fait qu'aux approches des
élections, chaque fois un cabinet dévoué au parti
clérical soit aux affaires. La camarilla et lepis-
copalont la mesure de l'impopularité qui s'alla-
cheàeux elaux ministres qui ne sont que leurs
hommes d affaires; ils craignent que si le pou
voir restait neutre dans les élections le parti
qu'ils traînent leur suite, ne sorte de l'urnedu
scrutin l'état de minorité.
C'est dans l'intérêt de la majorité que le pro
gramme de M. Rogier a soulevé ces répugnan
ces, quoique en réalité il n'ait pas demandé plus
que le cabinet actuel n'est certain d'obtenir. Mais
les armes de la dissolution des chambres et de
la destitution des fonctionnaires récalcitrants
entre les mains d'un ministère libéral, pouvaient
donner le coup de mort au parti clérical, sans
racines dans la nation. Ainsi doit être compris
le refus de la part de la faction rétrograde et
de la couronne, d'accorder M. Rogier les pou
voirs dont le ministère de la réaction est investi.
D'un autre côté, il est constant maintenant,
de l'aveu de M. DeTheux, que c'est sur son avis,
que la royauté n'a pas admis les propositions de
M. Rogier c'est ainsi que s'explique ce brusque
retour droite, après avoir négocié pour la forme
avec l'opinion iibérale. Le parti clérical ne trou
vant plus d'hommes qui voulussent servir d'in
termédiaires, s'est vu forcé d'accepter le pouvoir
ses risques et périls. Il était dangereux de
laisser former un ministère libéral aux condi
tions proposées par M. Rogier. On n'aurait pu
lui chercher noise facilement et le renverser en
temps opportun, car cétait le plan du parti
cléricalqui voulait être aux affaires pour les
élections de 1847. Ces causes réunies ont fait
doter la Belgique d'un cabinet composé de cinq
ministres-comédiens d'autant plus piètres que
leur masque ne s'applique pas hermétiquement
leur visage, et qu'ils laissent pressentir ce que
la nation doit attendre d'eux, en fait de projets
réactionnaires.
Le ministère réactionnaire vient de subir un
premier échec. La chambre, la presqu'unani-
milé, a ordonné pour la séance prochaine, que
des explications détaillées fussent fournies con
cernant l'affaire Retsinet ce malgré l'opposi
tion la plus formelle du cabinet.
Dans la discussion politique le ministre des
finances, M. J. Malou, fait preuve de peu
de calme, et dans ses réponses il se hasarde
souvent très loin. Après avoir parlé de sa mo
dération, il s'aventure déceler la chambre
ses sympathies pour la main-morteabus la
défense duquel il a écrit autrefois une bro
chure. Ce ne peut être cependant une présomp
tion de modération dans les vues politiques d'un
ministère, quand un de ses membres impor
tants avoue hautement le regret de n'avoir pu
implanter de nouveau celte sublime institution
du moyen-âge en Belgique. Comment veut-on
qu'on puisse croire la modération, l'impar
tialité de ce cabinet, quand l'un ministre vante
la loi des bourgmestres et celle du fractionne
ment; quand l'autre préconise les bienfaits de
la main-morte et invoque un événement exté
rieur pour raffermir la domination cléricale
quand un troisième ne respecte même plus la
décision de la justice, dès qu'il s'agit d'un pro
tégé du parli-prètre Comment peut-on croire
aux mielleuses paroles de ce programme qui
n'est doucereux, que parce qu il faut ménager
l'opinion publique? Mais si Ion croit lui avoir
fait prendre le change l'endroit des projets
du cabinet clérical pur-sang, alors seulement
celui-ci se fera connaître et la réaction ira en
avant tète levée.
Les journaux de Mous ont fait connaître
l'histoire d'un marchand-fabricant de reliques,
domestique de l'ancien nonce du pape, le nommé
Retsin. 11 paraît que cet homme était parvenu
par la toute-puissance du parti-clérical, dont il
passait pour être l'espion, et soutenu par quel
ques hauts personnages de ce parti, comme MM.
De Sécus. De Mérode,etc., être nommé rece
veur de Jemmapesplace qui lui rapportait
cinq six mille francs. R avait été condamné
dernièrement cinq ans de réclusion pour in
fidélité dans sa gestion. Il y a quelques jours
on aperçut M. Retsin Mons, habillé comme un
dandy et promettant ses faveurs ses connais
sances puisque disait-ilses amis sont au
pouvoir.
L'indignation qu'excita la présence de cet in
dividu Mons, fut générale. Maison ne pouvait
se rendre compte comment il était sorti de
prison, n'ayant pas^té gracié. Enfin des expli
cations ont été demandées par M. Yerhaegen
M. d'Anelhan, et le ministre de la justice a bal
butié qu il était sorti de prison, par son ordre,
pour faire soigner sa chère petite personne dans
une maison de santé. Au lieu de profiter de la
permission, Retsin n'avait eu rien de plus pressé
que de retournera Mons.
Que direde la conduite d'un ministre de la
justice qui suspend, de son autorité privée, les
jugements du pouvoir judiciaire l'égard d'un
individu mal famé, mais protégé par le parti
clérical? Que dire,d'un ministre qui viole aussi
odieusement la loi, pour obéir aux ordres d'un
pouvoir occulte qui ne respecte rien. Si la res
ponsabilité ministérielle était une vérité, M.
d'Anelhan aurait dû, dans les vingt-quatre
heures, être mis en accusation.