6" ANNÉE. N° 533.
DIMANCHE, 14 JUIN 1846.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTERIEUR.
YILLE D'YPRES. conseil communal.
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YPRES, le 13 Juin.
Le parli clérical a perdu tout espoir de pou
voir empêcher la manifestation imposante qui
aura lieu demain Bruxelles. Aussi ses journaux
croient-ils devoir faire semblant de souhaiter
la réunion du Congrès libéral, en insinuant cha
ritablement qu'une scission pourrait être la
conséquence de cette mesure, qui doit avoir
pour but d'unir plus étroitement toutes les
nuances du libéralisme. Ils battent des mains
aux divergences qui, dans la presse libérale, se
font jour sur diverses questions qui seront sou
mises au Congrès. Exploitant perfidement quel
ques articles de feuilles libérales les plus avan
cées la presse catholique se pâme d'aise en
constatant le peu d'unité qui existe d'après elle,
entre les nuances du libéralisme.
La joie des organes du parti-prêtre sera
croyons-nous, de courte durée, et la thèse qu'on
exploite maintenant ne pourra longtemps servir
de texte aux ridicules suppositions que les
ennemis du libéralisme colportent partout. En
présence de l'ennemi commun, toutes les dissi
dences qu'on pourrait soulever entre les diverses
fractions de l'opinion libéraledisparaîtront
pour ne s'attacher qu'au but principal, celui
d'avoir un pouvoir civil indépendant et libre,
ce que nous ne possédons aujourd'hui que sur
le papier. Quant au meilleur moyen de l'attein
dre, c'est une question qui sera décidée par le
Congrès etnous le croyons la satisfaction
générale de l'opinion libérale.
Cette colère concentrée du parti clérical et
celte joie la moindre dissidence qui se fait
remarquer dans la presse libérale prouvent
l'inquiétude qui le travaille, et combien la réu
nion du Congrès lui inspire de terreur. Il est
inconteslablc que la convocation Bruxelles des
délégués des associations libérales, est une idée
d'une haute portée, et que cette assemblée
aura sur les destinées de l'opinion libérale une
influence extraordinaire. Si l'on veut êlre fixé
sur la valeur de celte mesure, qui donnera une
impulsion uniforme aux efforts des libéraux de
toute la Belgique, a-t-on besoin d'autre pierre
de touche que le dépit que laisse voir le parli
catholique de n'avoir pu la faire échouer?
Séance publique du jeudi, 11 Juin 1846.
Présents MM. Alphonse Vanden Peereboom,
échevin, en l'absence de M. le bourgmestre,
président, Gérard VandermeerschThéodore
Vanden Bogaerde,MartinSmaelen,Boedl-Lucien
Legraverand, Charles Vande BroukeErnest
Merghelynck Pierre Beke et Iweins-Fonleyne,
conseillers.
M. le secrétaire donne lecture du procès-ver
bal de la séance précédente la rédaction en est
approuvée.
M. le président donne communication d'une
missive de M. le ministre d'état gouverneur,
adressée au collège des bourgmestre et éche-
vins, pour lui demander son avis sur un nou
veau mode de comptabilité introduire, pour
les fonds affectés l'instruction primaire. Il pro
pose de faire un fonds commun de toutes les
allocations portées aux budgets des communes
de la province pour cet objet,et de faire mandater
les dépenses par la députation permanente, di
rectement, sans l'intervention des autorités com
munales. Le Conseil est d'opinion qu'un pareil
mode de faciliter la comptabilité est illégal et
croit que le collège agirait prudemment, en
refusant son assentiment aux propositions de M.
le gouverneur.
II est donné lecture d'une seconde dépêche
de M. le ministre d'étal, gouverneur de la pro
vince, qui désire connaître de quelle manière
l'administration veulintervenir dans la restaura
tion des murs du bassin non encore reconstruits.
Le devis s'élève la somme de 67,000 francs.
Avant la révolution, la province a repris le ca
nal et le bassin, et perçoit les revenus qui en
proviennent; jusqu'ici tous les frais de recon
struction ont été sa charge. Le Conseil té
moigne son élonnement de ce qu'on paraît
croire, que cette restauration est une charge
communale, tandis que le canal a été creusé, et
le bassin muré, aux frais de la ville, et que la
province en a acquis la propriété, sans rien dé
bourser Aujourd hui, si une voie navigable est
jugée utile, le creusement s'en opère aux frais
de l'état ou de la province, tandis qu'actuelle
ment, la ville d'Yprespaye encore les intérêts
de l'argent levé pour la construction du canal.
Le Conseil croit que la reconstruction de la
partie des murs du bassin qui est eu mauvais
état, est une obligation de la province et espère
que le Conseil provincial, convaincu de la né
cessité de cet ouvrage, ne se refusera pas voter
les fonds pour le faire exécuter immédiatement.
M. le président donne leeture d'un rapport
très-étendu sur les opérations du comité géné
ral des secours, pendant le déplorable hiver de
11545-46. Le produit des souscriptions faites
par les habitants de la ville d'Ypres, a produit
fr. 12,640-50et les receltes diverses s'élèvent
fr. 2,383-76, total fr. 15,024-26 ce», non
compris le produit des ventes de pains et de
pommes de terre. Il reste un excédent placé
la caisse d'épargnes de fr. 2,935-75 ces.
Dans ce dernier chapitre est compris le pro
duit des quêtes faites dans les estaminets de
celle ville. En vertu d'une décision du Conseil,
le maître de l'établissement qui serait parvenu
verser chez le trésorier du comité la somme
la plus élevée, devait obteuir une médaille en
vermeil. Elle a été remise par M. le président
M"e Tiiiebaut, fille du propriétaire de l'estami
net le Saumon, qui, par son zèle et ses soins,
a pu opérer un versementde fr. 240-61. La se
conde médaille en argent a été décernée M.
Louis Verschaeve, propriétaire de l'estaminet la
Citadelle, pour avoir fait une collecte de fr 63-
69 ces. Une médaille commémorative a été re
mise M. JeanJolyt, locataire de l'estaminet
le Salon d'Apollon, comme ayant, aux termes
de la décision du conseil communal, versé chez
le trésorier du comité une somme qui dépas
sait 50 francs.
Le Conseil, sur la proposition de M. le prési
dent, vole desremercimenls MM. les membres
du comité aux administrateurs du bureau de
bienfaisance la garnison de la ville d'Ypres
et aux chefs d'estaminet. Tous ont coopéré avec
zèle, activité et générosité organiser une œu
vre de bienfaisance qui est parvenue soulager
efficacement l'indigence, pendant le rude hiver
que nous venons de subir.
La séance est levée.
Lettre d'un habitant de la rue d'Ypres. Po~
perimjhe, un habitant de la rue deDixmude
Ypres.
Vous avez pu croire, mon cher amipar la
longueur de mon silencequ'il était survenu
quelque changement dans les habitudes tracas-
sières de certains dépositaires de L'autorité; et
que, sensible aux reproches mérités de quelques
amis de 1 ordre constitutionnelet peut-être
3 52 2 a> 2 3 a a a a a
HISTOIRE DU XVIe SIÈCLE.
(Suite.)
IV.
Le soleil commençait disparaître derrière la oime dentelée du
Mont-Maudit, lorsqu'un cavalier déboucha par un des cols de la
montagne d'où se répaud dans les plaines de l'Aragon, la pelite
rivière qui a donné son nom celte partie de l'Espagne. Le voya
geur portait l'uniforme des archers du roi Charles IX, autant du
moins que pouvait permettre de le distinguer la poussière dont il
était couvert. C elait un homme d'une trentaine d'années, grand et
vigoureux. Sa physionomie relevée par une épaisse moustache
noire, exprimait cette sorte de fierté rude qui ne messied pas un
soldat, en même temps qu il y avait dans son regard et sur ses traits
ce cachet de finesse et de ruse qui forme, dit-on le type de la na
tion italienne. C'était, en effet, un de ces volontaires d'au-delà des
Alpes dont la politique de Catherine avait rempli les rangs de l'ar
mée française. Il paraissait, du reste, harassé de fatigue, et peu cer
tain du chemin qu'il devait prendre. Après avoir hésité quelque
temps avant de s'engager dans la vallée, il se décida lout-à-coupà
suivre le bord sinueux d'un ruisseau qui fuyait devant lui. L'ombre
qui s'avançait au loin et la fraîcheur qui s'élevait du lit du torrent
produisirent bientôt une impression également agréable sur le cava
lier et son coursier poudreux, qui ralentit sensiblement son allure,
comme assuré du consentement tacite de son maître. Celui-ci en
effet, tout entier au sentiment de bien-être qu'il éprouvait depuis
quelques instants, oubliait la fois et le but encore éloigné de sa
course, et l'éperon dont il avait usé jusque-là avec trop peu de mé
nagement.
La nuit, cependant, avançait grands pas, et l'obscurité qui com
mençait se faire autour de lui, avertit le voyageur qu'il courait
risque, moins d'une prompte détermination ou d'un secours im
prévu d'atteindre le jour en errant ainsi la merci des voleurs,
dans un pays inconnu. Cette réflexion produisit sur lui un eiftt
rapide. Serrant brusquement la bride et tournantpar une voile
exécutée avec une remarquable prestesse la tête de son cheval du
côté de la rivière il le lauça bravement vers un endroit où les flots
élnncelaient sous les rayons de la lune, comme du sable d'argent.
Un nuage de perles liqnides jaillit sous les pieds du cheval qui dis
parut avec son cavalierL'imprudent voyageur, trompé par cette
sorte de mirage nocturne, s'était précipité dans une des cavités pro
fondes dont est semé le cours de l'Aragon... Quaud le cheval re
parut la surface sa selle était vide. Son infortuné maître avait
passé de son dos l'extrémité de sa queue qu'il était parvenu
saisir dans le trouble de cet accident. Son coursier atteignitnon
sans peine, le bord opposé présentant une berge assez élevée mais
ce fut en vain que le courageux animal essaya plusieurs fois de
gravir ce rempart naturel en enfonçant ses pieds dans le sol humide
dont il était formé. Vaincu par la force du courant, et épuisé déjà
par une longue roule, il s'en allait ainsi, battant la rive et traînant
son maître la remorque. Celui-ci, cependant, ne cessait de pousser
des cris de détresse, auxquels répondait seul, dans le silence de la
nuit, l'écho de la montagne. Au moment où il sentait ses forces le
trahir et ses mains près d'abandonner le singulier soutien que lui
avait donué la Providence, il lui sembla distinguer des sons humains
mêlés sa propre clameur. Presque aussitôt un bruit de pas pareil
au galop d'un cheval se fit entendre au-dessus de sa tète.
Holà hé du fond de la rivière cria une voix du haut de la
berge, es-tu homme ou diable en personne se débattant dans l'eau
Je suis un pauvre chrétien qui se noie, répondit l'ia lien a\èc un