6e ANNÉE. N* 542.
INTERIEUR.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
JEUDI, 16 JUILLET 1846.
Feuilleton.
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VIRES ACQUIRIT EUNDO.
YPRES, le 15 Juillet.
MENÉES JÉSUITIQUES.
Si le Congrès libéral el les nombreuses asso
ciations électorales qui se sont formées depuis
quelque temps, avaient besoin d'une justifica
tion, on la trouverait dans les sociétés soi-disant
de bienfaisance et de piété, qui ont été organi
sées sous les auspices des révérends pères
jésuites, joséphites, rédemptoristes, voire même
des jésuites en robe courte. Sous l'impulsion
des ordres religieux il se fait un travail sou
terrain et incessant, dans le but de maintenir la
direction des idées sous l'influence exclusive de
l'ordre des jésuites. Autrefois sous l'ancien ré
gime, ces manœuvres occultes élaient pratiquées
pour la forme et pour se donner une habileté
de mainqui pouvait être utile l'exécu
tion de certains projets, mais non pour le
maintien de la prépondérance des principes
ullramontains.Le bras séculier prenait parti dans
les querelles suscitées par les révérends pères,
ennemis du droit du libre examen, et le pouvoir
civil ne dédaignait pas d'être au besoin l'exécu
teur des basses vengeances de certains ordres
monastiques.
Alors la milice théocralique ne sentait pas au
même degré la nécessité de travailler dans l'om
bre, quoique l'influence occulte ait toujours été
de son essence. Pouvoir reconnu dans l'état
ayant des privilèges très-élendus et puissam
ment richele clergé marchait tète levée et
faisait plier, dans l'occasion même, faisait dis
paraître les hommes courageux qui, au nom de
la liberté, osaient le dépouiller de son prestige.
Mais aujourd'hui ces beaux jours ne se ren
contrent plus dans toute leur splendeur. Si de
temps autre, cette caste insatiable de pouvoir
poursuit outrance des hommes, un parti qui
ne veulent point subir son joug, ses armes sont
ébréchées, et cette suprématie qu'il veut recon
quérir tout prix lui est vivement disputée.
Deux révolutions qui ont eu lieu dans un pays
voisin, n'ont eu d autres causes que les préten
tions de l'ullramontanisme reprendre son
ascendant sur la société laïque.
En 1830, quand tous les partis en Belgique
se sont unis pour proclamer l indépendance na
tionale, on était tenté de croire que mieux avisé,
le clergé se serait contenté des libel lés que la
constitution lui a octroyées. Mais celte sagesse
qui alors semblait présider aux actes du corps
ecclésiastique belge, fit bientôt place d'autres
sentiments. Seulement on sentit la nécessité de
manœuvrer d après un toutautre plan de cam
pagne, que celui qui lui avait permis de con
server, pendant des siècles, la direction suprê
me des intelligences. Le pouvoir civil n'était
plus un instrument dont il pouvait disposer
son gré, il fallait lâcher de le dominer. Sous
l'impulsion des jésuites, les milices du clergé
furent dirigées de manière tenir l'autorité
civile sous leur tutelle, en profilant des libertés
que la constitution leur avait garanties. Celait
désormais par \e gou ver/iement des esprits qu'on
voulait dominer, après avoir régné despotique-
ment en dirigeant les consciences, quand les
pouvoirs civils et religieux ne faisaient qu'un.
Nous savons bien que les adhérents du parti-
prêtre contesteront la vérité de nos allégations.
Depuis longtemps ces idées ont été développées
par d'autres que nous, mais jamais on n'a pu y
répondre que par de simples dénégalioriS. Ce
que nous voyous tous les jours vient corroborer
nos assertions l'endroit des projets audacieux
du parti soi-disant catholique et sous ce nom,
on ne doit tenir compte que du clergécar il
en est l ame.
Pour s'emparer du gorv.-vernemenl des esprits,
n'a-t-il pas réclamé le monopole de l'instruction
eldéjà I enseignement primaire n'est-il pas entiè
rement sous sa dépendance par les inspections
el le choix quasi-obligatoire des instituteurs
dans les écoles normales ecclésiastiques? Tous
les efforts du parti-clérical ne sont-ils pas con
centrés pour enlever de vive force une loi sur
l'enseignement moyen, qui donne aux évêques
des prérogatives exorbitantes dans les institu
tions de l état
Mais on ne s'est pas borné agir seulement
par I instruction sur les masses. La liberté du
droit d association même a été tournée contre
l'existence et les droits les plus essentiels de la
société actuelle. Sans parler d'une multitude de
couvents contemplatifs et autres, qui ont été
érigés, des sociétés de toute espèce ont été éta
blies, sans qu on en connaisse précisément le
but. Les statuts cet égard ne donnent aucun
renseignement et quand ils indiquent les ten
dances de la société, le but avoué ne sert
souvent qu'à colorer les manœuvres secrètes
auxquelles les affiliés doivent être dressés. C'est
ainsi que nous voyons s'élever des confréries
où la délation est exigée des membres sous des
prétextes saints, des congrégationscomme
il en existait en France au plus mauvais temps
du règne jésuitique. Même une société de S*-
Vincent de Paul s'est établie en Belgique, sous
l'apparence d'une société de bienfaisance. C'est
une véritable association de jésuites en robe-
courte, dont la direction est Rome et qui
tend infiltrer partout les plus mauvaises pra
tiques de l'ordre d'Ignace de Loyola.
Qu'on y prenne garde, ce travail occulte, se
cret, mystérieux ne cesse jamais. Les adhérents
des jésuites sont, sinon nombreux, au moins
infatigables. Si l'on n'y prend garde L, démora-^
li-ation suivra de près l'influence croissante de
ces principes délétères, si souvent flétris et ja
mais abandonnés. Déjà le clergé séculier se
trouve en butte aux entreprises des révérends
pères, qui veulent absorber l universilé de Lou-
vain pour en faire le théâtre de leurs exploits
en subtilités casuistiques et immorales. L'ensei
gnement qui y est donné est trop peu ultramon-
tain sans doute leur gré. Ils n auront ni cesse
ni repos, qu'ils n'y soient intronisés et alors seu
lement les catholiques-politiques apprécieront
ce qu'ils auront gagné en réchauffant ce ser
pent sur leur sein. Quant nous, depuis long
temps nous avions jugé les tendances du parti
clérical et c'est pour ne pas laisser ravir nos li
bertés que le libéralisme a opposé aux congré
gations jésuitiques mystérieuses et oceulles, les
associations libérales el la publicité des discus
sions au sein des sociétés électorales.
Toutes les villes de la Flandre seront repré
sentées aux fêtes de l'inauguration de la statue
de Simon Stévin Bruges. La ville d'Ypres y
comptera trois sociétés la société royale de S4
Sébastien, la société des Chœurs la société de
la petite arbalète de Guillaume Tell. Il est juste
qu'un des anciens membres de la Flandre se
mette en frais, pour concourir augmenter
la splendeur des fêtes qui seront données en
l'honneur d'un flamand, d'un homme d'un gé
nie éminent et qui, s'il était moins connu de
nos jours a été apprécié sa juste valeur par
les écrivains les plus célèbres.
CONCERT DE Mu» HITZEMANN.
La température tropicale dont nous jouissons
pendant cet été avec une si rare stabilité, avait
empêché beaucoup de personues de se rendra
ce concert; on n'y voyait que les dilettauti
B li A îi G 23
i.
Monseigneur, lui dit-elle, quand vous'avez donné Blanche ce
«harmant petit page, j'ai été la première tu en réjouir en songeant
eux distractions que cela devait lui procurer; mais nous avons peut-
être commis une faute en leur laissant tant de liberté, car ils s'ai
ment déjà. Ce sont deux enfantsmadame ne craignez rien
d'une amitié éphémère et sans conséquence. Celte amitié
croyez-moi, ressemble bien l'amour.
Le marquis haussa les épaules.
De l'amour Et savent-iis donc ce que c'est
Quand ils le saurontmonseigneuril sera trop tard. Trop
tard si monsieur Hector Guy s'avise de me gêner, les oubliettes
sont là. Toujours des crimes, quanti il est si facile de tout prévénir
en les séparant des aujouid'hui. Non, non; je ne veux po.nt causer
ce chagrin Blanche je ne veux pas que ses yeux s'éteiguent dans
les larmes et qu elle s étiole au fond de sa chambre, privée d'air et
de soleilce qui lui arriveiait si je ]ui enlevais le seul compagnon
de ses jeux et de ses promenades.
La marquise regarda son époux, de plus en plus étounée et ravie
de ce développement de l'amour paternel. Elle osa continuer
Mais pour un chagrin fiivole et passager que vous voulez lui éviter
maintenant, vous lui en réservez un terrible et éternel peut-être...
A «ex 1 cria le marquis e» frappant le plancher de chêne d'un
coup de pied si vigoureux qu'il fit trembler tous les vitraux dans
leur châsse de plomb. Quand je dis non cela doit vous suffire. Je
veux que Blanche soit belle, mais belle faire mourir d'envie les
plus belles du royaume. Pour cela il lui faut de l'exercice et des
distractions; je cherche lui en proeuier par tous les moyens possi
bles et je n'eutends pas qu'on aigrisse son caractère par la moindre
violence.... Voilà tout, madame. Le maïquis fit un salut et se retira,
ne voulant pas prolonger cette conversation.
Depuis qu'Hector Guy était au château, le seigneur de Hurtevent
n'avait pas encore pensé que l'amitié «tes deux enfants pût se termi
ner par l'amour. Il le craignait maintenant pour la première fois et
il voulut en conférer a usai lôt avec son capitaine Olivier. 11 se confiait
volontiers cet homme par la raison qu il était de tiès-bon conseil
pour le mal, et que, comme lui, sa couscience admettait facilement
un crime quand il le fallait pour arriver sou but.
Ce fut daus la chambre du marquis qui n'était séparée de celle
de son épouse que par une tapisserie d une étoile lourde, qu'eut lieu
leur entretien.
Maître Olivier, dit le marquis en se laissant aller dans un large
fauteuil je te pose une questiou Un pauvre troubadour peut-il
s'élever jusqu'à aimer une noble demoiselle Seigneur deman
dez-moi si ce château peut suppôt ter neuf mois de siège si cette
lame est d'une trempe toute épreuve. Et il tira sou épée... De
mandez-moi si je puis vous débarrasser d'un ennemi sans scandale
ou le renverser en ch^rap clos, la lance au poing mais ne parlez pas
de ces billevesées d'amourettes, car je n'y comprends rien. Eufin,
*i-je eu tort d'amener ce jeune Hector Guy et d'eu faire le compa
gnon de Blanche? Madame la marquise prétend qu'il y a de 'amour
entre ces deux enfants; ma foi je ne veux m'en rapporter qu'à ta
sagacité voyous U'abord il est certain qu'ils s'aiment est-ce
d'amour ou d'amitié Je n'en sais rien II ne faut pas s'y fier pour
tant. L'amour est un brouillon qui se ptait coufoudre tou-; les
rangs et Doubler tous les monastères, me disait toujours mon oncle
le chanoine, vieux frocard, qui s'y entendait, lui. Diable diable,
que dit-on dans le manoir? on pat le devant toi sans méfiance,
mort-dieu 1 On trouve qu'Hector Guy joue plutôt le rôle d'un
frè«e que celui d'un page auprès de mademoiselle Blanche. C'est
vrai. Blauche mourait d'ennui dans ce château sa beauté se fauait
de jour en jour avant d'avoir atteint sa perfection la pâleur de la
mort envahissait ce front de douze ans il lui manquait ces plaisirs,
ces joies dont l'enfance ne peut se passer el j'ai cm y remédier en
lui donnantcomme tu le disun frète sous le titre de page. J'ai
réussi tu peux voir le changement qui s'est opéré chez elle depuis
lors. Certes, mademoiselle Blanche est d une beauté remarquable
et d'un caractère accompli. N'est-ce pas la priver d'Ilector, c'est
la replonger dans ce premier état de dépéiissement... Non non, je
ne veux pas lui causer la plus petite douleur. C'est agir en père
excellent. Al tends donc. Plus tard quand je ne craindrai plue
pour son développement moral et physique je m inquiéterai fort
peu si mes volontés sout pour elle uu sujet de larmes... N'ai-je pas
entendu remuer côté Soulevé uii peu ce te tenture..- En bien
Je ne vois personne, moust igneur, C'est bon. Vois-tu maître
Olivier je veux faire mou chemin la cour, je veux arriver uu
poste éminent daus le royaume l'épée de connétable m'irait ra
vir... —Vosservices et vos exploits vous l'ont bien méritée. «eign-Mir.
Gloire inutile temps perdu, maître Olivier! La roi sait-il seule-