6a ANNÉE. - N° 560.
JEUDI, 17 SEPTEMBRE 1846.
INTÉRIEUR.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
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l'PBE.S, le 16 Septembre.
SYSTEME ÉCONOMIQUE DU PARTI CLERICAL.
A l'exception des journaux dévoués l'ordre
ries choses aboli par la révolution de 1830,
jusqu'ici aucune feuille ne s'en prenait la sé
paration accomplie il y a seize ans, pour ex
pliquer l'extension du paupérisme en Belgique.
On refusait de discuter les allégations des jour
naux défenseurs des intérêts de la dynastie dé
chue et personne ne pouvait s'imaginer qu'avec
les éléments de puissance productrice qu'offrait
la Belgique, elle put se trouver réduite voirla
misère s'étendre de jour en jour davantage. Il
est vrai qu'il n'entrait pas alors dans les prévi
sions que nous aurions eu subir le joug de
la domination cléricale et de tous les systèmes
de gouvernement s'il y en a qui engendrent la
misère et le paupérisme, le système théocra-
tique, dans tous les pays, les a entraînés sa
suite.
Un concert remarquable peut être constaté
dans la presse. Feuilles libér ales orangisles
républicaines, toutes sont d'accord pour expli
quer l'extension du paupérisme par la prépon
dérance exclusive que possède le parti clérical
en Belgique Les arbitres souverains de nos des
tinées sont des hommes occupés d'un ordre
d'idées totalement étranger la prospérité ma
térielle du pays. Nos évéques qui sont l ame du
parti clérical, n'interviennent que dans les ques
tions politiques qui peuvent froisser leur orgueil
ou leur ambition,-ou dont la solution pourrait
mettre leur influence politique en péril. Four
l'application d'un système économique, le parti
•clérical a été abandonné lui-même et a tourné
tous les vents, parce que dans ces questions,
les chefs du parti étaient désintéressés et n'en
avaient aucun souci.
Ces accusations lancées parla presse indépen
dante du pays contre l'opinion cléricale ne doi
vent point être considérées comme un efFet de
l'esprit de parti. Malheureusement l'histoire
nous enseigne que partout où la domination
théocratique a existé sans obstacle, la misère a
été une conséquence nécessaire de celte forme
de gouvernement. En Espagne, n'a-l-on pas
vu ce peuple riche et prospère descendu au
dernier dégré de l'abrutissement, sous le règne
des moines et de l'inquisition. En Italie dans
les étals romains, les habitants ne sont-ils pas
pauvres et n'ont-ils pas une existence misérable
et cela dans un pays fertile, sôtis un climat
tempéré La Belgique doit-elle aussi subir
celte épreuve, avaler cet amer breuvage jusqu'à
la lie, elle, qui depuis le moyen-âge, avait tou
jours pu se garantir de l'influence prépondé
rante et lélhifère du parti-prêtre. S'il en était
ainsi, chez elle comme dans d'autres pays, les
mêmes causes ont eu les mêmes efFets.
Dans le régime que l indus'trie moderne a
imposé aux peuples, il y a tout autant de pré
cautions prendre et une surveillance aussi
vigilante exercer, que dans l'ordre politique
proprement dit. Aujourd'hui, il n'est plus per
mis de ne pas s'occuper des questions d'intérêts
matériels de les abandonner elles-mêmes.
La prospérité commerciale et industrielle doit
être le but de tout gouvernement qui a le sen
timent de ses devoirs et des obligations qui lui
incombent. Nous pouvons accuser juste litre
le parti clérical qui a dirigé les affaires du pays
depuis la révolution de n'avoir pas été la hau
teur île sa mission. Ce n'est pas nous seulement
qui l'en accusons, mais toute la presse non stipen
diée par lérgouvernemënt Ou le clergé.
De toutes les mesures économiques que ce
parti fait voler la chambre, aucune n'a amé
lioré la situation matérielle de la Belgique. Les
traités ont été plutôt onéreux que favorables et
les concessions Faites Ont dépassé en impor
tance les faveurs obtenues. Aux plaintes par
ties des Flandres, le ministère et la majorité ré
pondaient par des subsides. L'aumône voilà
ce qui résume le système économique du parti
clérical. Ce qu'il exploite dans l'ordre spirituel
avec un certain succès, il a voulu le mettre en
œuvre comme un axiomed économie politique,
sans réfléchir que ce mode de porter remède
la plaie du paupérisme, est stérile et loin d ex
tirper le mal, finira par l'aggraver et Faire de la
Belgique entière, un vaste dépôt de mendicité.
Le Journal des Baziles a daigné s'occuper
du Progrès, avec sa bonne foi et sa galanterie
ordinaire. Il s'avise d'alléguer que dès que nous
nous occupons de la politique du jour, en trois
lignesnous commettons trois méprises gros
sières. Ceci mérite une réfutation elle sera
claire, précise et nullement emphatique; nous
laissons l'emphase et le fracas aux ignares
journaux du clergé.
Pour inventer la première méprise, le Journal
des Baziles nous fait dire que M. De Monta-
lembert est carliste. Qu'on relise l'article et ou
veifâ qu'il n'eu est rieu nous avons nommé
M. De iMoutalembert mais sans le qua
lifier au point de vue de ses opinions. Si nous
avions voulu le classer dans un parti quelcon
que, c'était parmi les jésuites qu'il aurait fallu
le placer, ainsi queson beau-père, M. De Mérode.
Quant la seconde méprise qu'on croit avoir
découverte c'est l'allégation que le mandat
impératif sur toutes les questions soumises la
chambrene diffère eu rien de la promesse de
favoriser un intérêtune opinion.
M. De Monlalembert n'a nullement prêché
les opinions que lui prèle le Journal des Baziles
dont l'intention était de jeter une pierre l'Alli
ance, sans réfléchir qu'elle blessait ses amis. Le
fils des croisés a nettement engagé ses co-religiou-
naires politiques, n'accorder leur suffrage qu'à
descandidats qui s'engagenlformellemenl voler
en faveur de la liberté de l'enseignementsous
la surveillance de l'autorité publique en dehors
de L'université et sans restriction préventive
Or, nous soutenons que c'est là un mandat
impératif et nous croyons qu'il serait fort dif
ficile de le formuler de la manière générale
indiquée par le Journal des Bazilespuisqu'il
est impossible de prévoir les questions qui se
présenteront pendant sa durée.
L'opposition en France a voulu imposer des
mandats impératifs tous tes candidats, el la
formule pour toutes les nuances était la même.
Eu nous accusant de n'avoir aucune idée de la
situation des partis en France, la feuille cléri
cale a fourni la preuve, nous venons de le dé
montrer, que s'il y avait ignorance.ee n'est pas
au moins du côté du Progrès qu'elle se ren
contre.
Nous avons lu le discours de M. Guizot. et
nous lisons tous ses discours c'est pour cela
que nous avons le plaisir de prier le Journal
des Baziles de se ressouvenir de celui où il a
déclaré que l'enseignement public doit être laie.
D'ailleurs les concessions faites au clergé el ce
qu'on nomme le parti catholique, par M.
Guizot, sont nulles, moins qu'on ne prenne
comme telles la dissolution des jésuitières en
France.
Nous avons dit que le journal clérical a parlé
avec fracas du parti catholique en France.
Veut-on savoir qu'elle est l'importance de celle
Feuilleton.
ix. deuxième veillée.
Laure u'aurail pas été femme, si le récit de Pierre n'eût pas laissé
dans sou esprit le dé.-ir de connaître ta tin de ses avcntuies. Ne
serait-ce que par uu instinct de curiosité, les femmes veulent arriver
au dénouaient de tout diame et c'est ce qui tient leur attention sus
pendue tant de sombres histoires chaque jour quittées, chaque jour
reprises. Chez Laure uu autre senliioent se mêlait peu a peu
celui-là j un intérêt plus vif pénétrait insensiblement le cœur de
la jeune fille.
A mesure que Pierre déroulait ses romanesques aventureson
voyait les impressions de ce récit se réfléchir sur la physionomie de
la prisonnière ses beaux yeux bleus passaient de toutes les nuances
de la pitié celles de l'attendrissementelle s'identifiait avec ces
passions fougueuses ces amours déréglés comme Desdemona avec
les exploits de son Maure et les épisodes de ses grandes batailles.
Accoudée sur son lit de repos et demi étendue sur la peau de
tigre qui le reoouvrait, Laure oubliait les heures écouter cet homme,
oc banditcomme si déjà elle eut été habituée ce séjour et heureuse
de cette intimité. Pierre, au contraire, semblait plutôt se résigner
ces entrevues que les rechercher sa réserve ne se démentait pas'
11 ne parut même qu'assez lard dans la soirée suivante et comme
s'il eut fait dessein le calcul d'exciter l'impatience de la jeune fille.
Involontaire ou médité ce moyeu ne manque pas son effet. Laure
se trouvait sous l'empire d'une émotiou visible, quand Pierre reprit
sou récit
Je vous l'ai dit, mademoiselle, Claire était un cœur sec et froid;
elle avait plus de vanité que d'amour plus d'ambition que de ten
dresse. Dieu vous garde d'une affection ou l'orgueil joue le plus
gtand rôle! il n'y a pas de pire condition que d'être aimé ainsi.
Pour les geus de théâtre,il n'en est point d'autre. L'ivresse des hom
mages publics laisse peu déplacé aux joies tranquilles de l'intimité;
ou paye au inonde extérieur un tel tribut, que tout bonheur deux,
tranquille, retiré, eu est presque impossible. On y passe de l'exalta
tion au décourageraeut, delafièvre du plaisir l'amertume du regrvet.
Jamais de reposjamais de sécurité c'est une chaîne aussi difficile
rompre qu'a assujotir.
Jugez de ce que devait êtrsdaus cette région de tempêtes, une
âme ardente, fougueuse, prompte tous les excès. Glaire savait se
contenir; moi, j'en étais incapable; ainsi s'explique l'euipire qu'elle
a exercé sur ma volonté. Nous étions donc commensaux du même
théâtre, et longtemps la vogue nous y soutiut; mais le public est un
sultan capricieux qui ne garde pas longtemps les mêmes favorites.
Claire l'éprouva graduellement sou étoile pâlit. Son talent était
toujours le même elle avait ce même éclat qui remplissait la scène,
et des qualités que l'étude avait accrues. Cependant les spectateurs
se montraient plus froids la lassitude avait fait place l'engoue
ment, C'est encore une des conditions des succès du théâtre, que de
briller et de disparaître connue des météores. Quand les choses eu
viennent ce pointrien ne sert de lutter il faut courber la lete.
Claire ne se résigna pas; elle voulut maîtriser la fortune. La chute
n'en fut que plus affreuse; on alla jusqu'aux sifflets, et il fallu
sortir de là avec les hontes et les douleurs d'une défaite éolalaute.
Nous quittâmes Paris et fumes des-lors attachés ces tioupes
nomades qui suivaient les étapes de nos armées. Nous vîmes aiu»i
les grandes capitales du coutinent, ttciliu, Vienne, Varsovie. Entre
deux batailles, on chantait l'opéra - comique et quand le grand ou