INTÉRIEUR. 6' ANNÉE. S' 861. DIMANCHE, 20 SEPTEMBRE 1816. JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. Feuilleton. PDSIRIRE MOUTON. On 'abonne Ypreb, Marché au Beurre, 21et chez loua les jier- •efteurs des postes du royaume. PRIX DE L'ABONNEMENT, par trimestre. Pour Ypresfr. 5-00 Pour les autres localités 6-00 Prix d'un numéro0-25 LePro Tont ce qui oonceme la rédac tion doit être ^dressé, franco, l'éditeur du joun^îI(à près. Le Progrèsj che et le Jeudi de chaque semaine. PRIX DES INSERTIONS. Quinze centimes par ligne. VIRES ACQUIRIT EUNDO. YPHfiS, le 19 Septembre. La question du paupérisme est l'ordre du jour dans la presse catholique. Elle lui paraît faire une heureuse diversion la discussion des tendances politiques du ministère clérical pur- sang. L'attention du pays se trouve détournée des faits et gestes des six Maloupar une ques tion palpitante d'intérêt et laquelle ce même parti clérical qui a été omnipotent pendant quinze ans, a contribué par son incurie et son inintelligence donner des proportions aussi effrayantes. Ainsi non-seulement la misère des Flandres peut être en grande partie attribuée la mauvaise direction que le gouvernement suiviedans ses efforts pour empêcher la dé cadence de l'ancienne industrie linière, mais encore la presse catholique exploite cette cala mité publique, pour en accuser l'opposition, la minorité du parlement. Si nous devions prendre la lettre les allégations des feuilles cléricales ce serait la minorité qui aurait empêché la ma jorité de remédier efficacement la détresse des Flandres. Nous n'avons pas besoin de faire toucher du doigt toute l'astuce avec laquelle les journaux jésuitiques se sont emparés de cette question pour s'en faire une arme contre le libéralisme. Donnez nous conseil, crient les organes du clergé, si vos idées sont justeset pratiques, nous serons heureux de les appliquer. EhJ nous le croyons bien le parti clérical a assez bien la coutume de jouer le rôle du geai paré des plu mes du paon; mais quand l'opposition a voulu attirer l'attention du gouvernement sur le dan ger de demeurer stationnaireetde vouloir lutter l'aide de procédés imparfaits contre le génie de la mécanique, ces prévoyants ministres de la nu ance politique que vous savez, ont répondu par des demandes de subsides. Ils ont préconisé l'organisation des comités liniers qui devaient avoir pour résultat de précipiter la ruine de l'ouvrier honnête et capable de subvenir par son travail l'entretien de sa famille. La con currence des comités liniers, au lieu d'être utile, a été plulôtnuisibleet maintenant on commence en convenir. Constatons toutefois que l'ima- ginalive du parti au pouvoir n'a pas été plus loin. Et cependant dans notre pays même, un exemple avait été donné de ce qu'il fallait faire pour soutenir la concurrence dans les brusques modifications du régime industriel. Après 1815, le même danger n'a-t-il pas menacé la fabri cation du drap Vefviers et par l'introduction immédiate des machines nouvellesn'est-on point parvenu conjurer la ruine de cette in dustrie? Si au lieu d'adopter des améliorations dans la fabricationces populations s'étaient opiniâtrées travailler l'ancienne manière, nul doute que depuis longtemps, il ne serait plus question de la draperie de Verriers. Dans la Flandre, un remède semblable eût été d'une application plus difficile, mais dans les grands centres de l'industrie linière, on au rait pu favoriser l'introduction des mécaniques nouvelles et créer des fabriques. Mais non, les intelligents organes du clergé et du ministère ont fait croire ces malheureux tisserands que l'état de souffrance de leur industrie ne du rerait pas, que les consommateurs reviendraient aux toiles tissées de fil filé la main. D'autres promesses ont été faites qui ne se sont pas réa lisées et dont la réalisation de jour en jour de vient plus difficile. Nous le disons avec conviction la détresse des Flandres sert d'appât aux feuilles cléri cales, pour attirer le libéralisme dans une fausse voie. D'ailleurs les remèdes qu'on pourrait ap pliquer cette plaie qui ronge les Flandres ne pourront agir efficacement qu'avec le temps et la presse catholique veut des miracles qui fas sent passer nos contrées de l'extrême misère l'abondance. Tous les autres moyens ne lui pa raissent pas dignes d'être discutés. A son aise, mais l'opinion cléricale doit savoir que les mi racles ne peuvent s'opérer par une intervention libérale; elle doit consulter en cette occurence ses féaux amiset alliés, les jésuites qui devraient tâcher de les tirer de ce mauvais pas par quel que sainte subtilité. Lundi prochain, trois heures de relevée, aura lieu aux Halles, la distribution des prix aux élèves des écoles primaires gratuites. INAUGURATION DU CHEMIN DE TER DE LA FLANDRE OCCIDENTALE, lre SECTION. Voici quelques détails sur l'inauguration de la première section du chemin de fer de la Flandre centrale Le convoi d'honneur est parti de Bruges 3 heures de l'après-dînée. M. le ministre des tra vaux publics, M. Masui, directeur des chemins de fer de l'État, M. Noël, inspecteur-général, .M. l'ingénieur en chef mécanicien CabryM. Wilmar, M. le général Plettinckx, M. le comte de MueleuaereM. le baron de L'élichy Van Huerne et plusieurs autres fonctionnaires eu faisaient partie. A la station de Zedelghem, de jeunes demoi selles ont présenté le vin d'honneur; puis la musique de l'endroit s'est fait entendre. Après un quart d'heure de halte, le convoi s'est remis en marche, et son arrivée Thourout il a été reçu par les autorités locales le bourgmestre a prononcé un discours. Ensuite le vin d'honneur a été présentéet la cérémonie s'est terminée au bruit du canon et aux accords de la musique de la ville. Le convoi est rentré Bruges 5 heures 3 quarts. La locomotive était conduite par M. l'ingénieur en chef Prisseet le trajet s'est fait en vingt minutes et de la manière la plus régu lière. M.M. le président Richards, le vice-président Cubilt, le directeur W. Chanlrellle capitaine Jesseet l'ingénieur Prisse faisaient les honneurs du convoi. Le banquet, chez M. Kruydt,à YHôtel de Flandre a commencé six heures. Outre les personnages que nous venons de citer on re marquait MM. l'ingénieur en chefDesart, l'in génieur en chef Grandvoir, l'inspecteur De Moor, Eyckholt, Piddinglon l'avocat Aliard, les ingénieurs Forret et De Clercq MM. Gerardot de Sermoise et Wcllens, ingénieurs en chef. M. Richards avait sa droite le ministre des travaux publics et sa gauche M. Masui; le gouverneur comte de Muelenaere se trouvait la droite de M. Cubilt et M. l'inspecleur-général Noël sa gauche. IX. deuxième veillée. -« (Suite.) Pierre reprit La blessure était vive mon cœur en saigna. J'avais tout mis sur la tête de cette femme mes affections et mes projets venir. Pour la suivre, je m'étais fait comédien; pour m'associer sa défaite j'avais quitté la France pour l'Allemagne. Quand elle me manqua, je crus que tout me manquait; je n'aperçus que du vide autour de moi. Sans goût pour la carrière du théâtre, il ne me restait plus qu'à végéter comme un histrion obscur comme un héros des troupes ambulantes. Vingt fois je fus au moment de laisser 14 les planches et de m'engager comme simple soldatvingt fois mes préventions de race furent les plus fortes. S'il y avait eu alors un Coblentz, j'y aurais pris du service mais marcher sous les aigles d'un Bonaparte cette idée me causait une répugnance invincible. Le cœur humain a de singulières capitulations; pour devenir comédien j'avais vaincu mes scrupules je ne le pus pas quand il s'agit de devenir soldat de l'empereur. Mécontent de moi, ne sachant quoi me résoudre, je ne vivais plus que d une manière machinale obligé de monter sur la scène pour gagner mon pain et d'avoir le sourire sur les lèvres quand je portais la mort dans le cœur. Parmi nos camarades, il était une femme que ce duel toueha elle jouait les Dugazons grâce une longue expérience personnelle elle connaissait parfaitement le cœur humain. Elle s'était dit qu'au cune douleur n'est éternelle et voulait s'assurer la survivance d'une tendresse qui éclatait sous un si beau jour. Dès les premiers mo ments de mon abandon ses sympathies se manifestèrent de la manière la plus expressive affaissé sous le coup qui venait de me frapper je n'y pris pas garde et fis ces avances fort évidentes la plus cruelle des injures t celle de ne pas les apercevoir. Elle ne se re buta point; elle n'ignorait pas quele temps est un topique souverain, eile s'en remettait lui du soin de me guérir et de l'indemniser; C'était une Dugazou experte et qui savait attendre. En effet deux semaines ne s'étaient pas écoulées que déjà je ne pouvais me défendre d'nn sentiment de reconnaissance pour des soins si désintéressés et si attentifs. La Dugazon n'était pas dans la fleur de la jeunesse mais ses charmes gardaient encore un certain prestige et les brèches que les années y avaient faites étaient peu apparentes. En somme, la conquête pouvait s'avouer, ne fût-ce qu'à titre de consolation et de revanche. Je ne sais comment cela se fit, mais peine venais-je de faire ces réfléxions, qne je reçus un billet de Claire; un billet éploré plein d'une passion si vive que je doutais d'abord qu'il fut d'elle. En aucun temps même dans l'ivresse de nos amours elle n'avait trouvé des paroles si brûlantes des protestations si vraies. Elle ex pliquait l'acte fatal qui l'avait jetée dans les bras d'un vieillard et disait quels regrets amers elle était alors en proie, La vanité l'avait perdue elle expiait un vertige et allait mourir si je ne lui accordais pas mon pardon. En se livrant un homme qui avait trois fois son âge, elle avait cru ne pas engager sa liberté d'une manière aussi triste, aussi com plète. L'événement l'avait trompée; j'étais cruellement vengé. Son oomte était le plus jaloux des homme»; il la tenait enfermée dans un de ses châteaux aux environs de Pilnitz, et ne souffrait pas qu'elle vit d'autre personne que lui. C'était un odieux et insupportable esclavage, un abus de la force auquel elle s'arracherait, s'il le fallait, par la mort. Ensuite elle me rappelait les jours heureux que nous avions passés ensemble notre vie de théâtre, mêlée de bons et de mauvais instants, nos raccommodements, nos querelles tous ce» petits riens dont se compose la vie des amoureux. Jamais rien de si tendre de si doux que ces détails je ne croyais pas que Claire pût avoir une sensibilité aussi exquise; je la voyais sous un nouveau jour; j'étais heureux, je renaissais, je respirais plus librement; il nie sem blait que je n'avais rien perdu. La Dugazon eut tort ce jour-là. Dans sa lettre, Claire me donnait les moyens de lui répondre* De toute la domesticité qui encombrait son château, elle n'avait pu gagner qu'une villageoise dont elle payait les services prix d'or. Ce fut au moyen de cette messagère que s'engagea cette correspon dance. Tous les jours elle venait Dresde pour y porter un billet de la châtelain et recevait en échange quelques lignes de moi. Chaque jour les lettres de Claire devenaient plus sombres; souvent les larmes effaçaient jusqa'aux caractères, et il fallait cheroher sous ces témoignages de douleur l'expression de sa pensée. Cet amour de vieillard qui avait commencé par une idylle tournait insensible ment au drame. Rien n'était affreux comme les couleurs sous lesquelles la com tesse me peignait sou mari. C'était un maître jaloux, brutal, capri cieux. un surveillant fâcheux et incommode. Cette situation qui lui avait paru si désirable était un enfer anticipé ce château était une prison. Gomme conclusion ses plaintes Claire invoquait toujours la mort elle ne se sentait pas la force de porter plus loin cette croix et de prolonger plus longtemps ce martyre. L'Elbe coulait au pied du donjon c'était dans ses flots qu'elle devait chercher un abri contre tant de souffrances. Jugez de l'effet que produisaient ces lettres déchirantes j'en devenais furieux. Plus d une fois j ai parcouru les rues de Dresde les cheveux eu désordre le cou nu comme un homme désespéré. Je remontais le cours de l'Elbe croyant toujours y voir flotter la robe blauche d'une femme. Peu peu les idées de mort violente de meurtre, occupèrent ina pensée; des visions affreuse» et sanglantes m'obsédaient. Ciaire n'avait pas consenti a me dire où était ee ohà- teau qui la gardait prisonnière; elle ne voulait pas, disait-elle, exposer inutilement mes jours. J'essayai d'obtenir ce renseignement de sa messagère elle fut inpénétrable. J'en étais donc réduit dévorer inutilement ma rage ne savoir qui m'en prendre et où me rat tacher. Cette position altéra ma santé; je perdis le sommeil mes camarades me plaignaient sans me comprendre, et la Dugazon finit par déclarer que j'étais complètement fou. i> Le ton de la correspondance que j'entretenais avec Claire se ressentit de cette exaspération. Aux peintures sombres et tristes que

HISTORISCHE KRANTEN

Le Progrès (1841-1914) | 1846 | | pagina 1