INTÉRIEUR.
6e ANNÉE. N° 562.
JEUDI, 24 SEPTEMBRE 1846.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
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VIRES ACQUIRIT EDNDO.
YPRES, le 23 Septembre.
Les répartitions des troupes qui viennent de
quitter le camp, entre les diverses villes du pays,
est connue et la ville d'Ypres n'a pas lieu d'être
satisfaite du lot que lui a destiné M, le ministre
de la guerre. Déjà, dès vendredi dernier, des
bruits circulaient concernant les troupes qui
viendraient remplacer létat-ipajor et les deux
«scadrons du 1er Lanciers. On assurait qu'ont
seule batterie montée d'artillerie était accordée
la ville d'Ypres en compensation des troupes
qui l'avaient quittée. C'était incroyable et per
sonne, en effet, n'ajoutait foi celte nouvelle.
Mais samedi dans la journée, l'annonce officielle
des corps qui étaient destinés tenir garnison
Ypres, est arrivée. Le dépôt des Lanciers doit
se rendre Louvain une ballerie d'artillerie
montée les remplace et on nous donne un ba
taillon du 10e en compensation de notre gar
nison de cavalerie. Ces rumeurs n'étaient que
trop bien fondées! cette nouvelle laquelle
personne ne pouvait croire, était vraie!
Jusqu'ici jamais nous n'avons été aussi mal
partagés dans la répartition des garnisons, nous
devons le dire avec amertume, c'est la première
fois que le ministère de la guerre fait preuve
de mauvais vouloir l'égard de la ville d'Ypres,
qui certes, dans sa conduite vis-à-vis des auto
rités militaires, n'avait pas mérité cette injustice.
Après avoir dépensé plus de 225.000 francs
pour la construction de casernes, manège,
avoir loué une plaine d'exercice un kilomètre
de la ville, ne pas avoir de garnison de cava
lerie c'est être victime d'une iniquité révol
tante. Nous ne mettons pas en ligne de compte
les quarante-cinq chevaux de la batterie mon
tée car ils ne donnent pour établage qu'une
indemnité ridicule. Pour un capital de 225,000
francs que la ville a dépensé en constructions
militaires sur les instances du gouvernement
ne recevoir qu'une indemnité de 4 500 francs
par an, on doit l'avouer, c'est se jouer des de
niers des villes après les a voir attiré dans un piège.
On parle toujours de la situation malheureuse
des Flandres et de la décadence de l'industrie,
on ne sait pas comment venir au secours des
populations, et c'est alors qu'on enlève une
ville la moitié de sa garnison, qu'on ne lui laisse
qu'un dépôt. Cependant la ville d'Ypres n'a
d'autre industrie [que la dentelle qui tend se
déplacer par suite du retard dans la construc
tion du chemin de fer, et on saisit ce moment
l'approche d'un hiver qui menace d'être
rigoureux pour les classes indigentes, pour di
minuer l'effectif de la garnison.
Encore si d'autres villes n'étaient scandaleu
sement favorisées, par suite de la partialité et
de l'intrigue qui décident' de tout aujourd'hui,
nous pourrions nous résigner. Mais quel litre
possède Tournai avoir-quatre dépôts et une
garnison de plus de 2,500 hommes? Ce doit
être une mince ressource pour celte ville pros
père qu'une aussi forte garnison, tandis que
pour la ville d'Ypres, c'est tout. Sans garnison,
une multitude d'ouvriers qui travaillent pour
les dépôts, seront sans ouvrage, une source de
bénéfices pour les fournisseurs et le commerce
de détail sera tari.
Nous croyons que le Conseil communal qui
s'est réuni lundi, s'est occupé de la diminution
de la garnison et l'a prise en sérieuse considé
ration. Si nous sommes bien informés, une
députalion de membres du Conseil se rendra
Bruxelles pour faire des représentations au
ministre de la guerre et tâcher d'obtenir une
forte augmentation dans l'effectif de la garnison.
n
DISTRIBUTION DES PRIX AUX ELEVES DE D'ECOLE
PRIMAIRE GRATUITE.
Une solennité aussi agréable aux autorités
communales qu'aux pères de famille, a eu lieu
lundi passé. Nous voulons parler de la distribu
tion des récompenses aux jeunes enfants de
l'école primaire gratuite, érigée sous les auspices
de la ville d'Ypres. Cette fête, pour ainsi dire
de famille, avait attiré aux Halles, une affluence
extraordinaire de monde. Grand nombre de
personnes voulaient s'assurer par elles-mêmes
des progrès de l'instruction dans celte institu
tion créée pour la classe indigente, A peine
comple-t-elle quelques années d'existence que
déjà les élèves qui y ont reçu leur éducation
sont devenus meilleurs, plus instruits et plus
moraux que ceux dont les parents ont négligé
l'éducation. On n'y reconnaîtrait plus ces enfants
quiavant de fréquenter l'école communale,
vagabondaient dans les rues de la ville la
piste de toutes les niches et de toutes les polis
sonneries.
Dans l'auditoire se trouvaient le bourgmestre
et les échevins, les membres du conseil com
munal et de l'instruction primaire. LIA ecclé
siastiques des paroisses de la ville assistaient k
la cérémonie qui a commencé par un discours
prononcé par M. Yanden Peereboom, echevin
spécialement chargé de la surveillance de l'in
struction primaire. Il a fait connaître les progrès
accomplisen aussi peu de temps par celte école,
quia pris une grande extension et qui est des
tinée améliorer la situation morale de la classe
indigente.
Après avoir fait connaître le nombre des en
fants qui fréquentent l'école du jour, il a in
diqué le nombre des élèves adultes des écoles
du soir et dominicale. Pendant l'année scolaire
la commission n'a eu qu'à se louer, a-l-il a jouté,
de la manière dont les élèves ont profilé des
leçons données par leurs professeurs dont le
zèle est aussi ardent que leur patience est iné
puisable. M. le Directeur-surveillant surtout
a fait preuve de connaissances étendues en pé
dagogie et a utilement coopéré mettre l'in
struction sur un bon pied.
Deux pièces ont été représentées par ces jeunes
enfants avec beaucoup d'ensemble et de ma
nière démontrer qu'ils comprenaient les rôles
qu'on leur-nvaitconfiés. Une de ces pièces était
en langue flamande, l'autre en français. Userait
difficile dedire laquelieaélé la mieux exécutée,
quoique celle en langue française a dû offrir
bien plus de difficultés ces jeunes acteurs qui
n'ont pas Ibabitude de s'exprimer en français.
Ensuite, M. le Directeur-surveillant a fait
l'appel des jeunes élèves dont la conduite et
1 application pendant l'année scolaireavaient mé
rité une récompense. Les prix leur ont été remis
par des membres de l'administration commu
nale du clergé et par quelques personnes no
tables qui en assistant celte solennité, ont
voulu se convaincre que l'école primaire gra
tuite remplit la satisfaction de tous, le but
pour lequel elle a été érigée.
Prôner sa ville et les produits de son terri
toire est très-louable, quand cela ne se fait pas
au dépens d'aulrui. Ce n'est pas ainsi cependant
qu'un correspondant du Nouvelliste des Flan-
Feuilleton.
1P11 [EMU IMUTOKh
X. LBS PETITS ANGES.
Pendant que Pierre achevait dans la cellule de sa prisonnière cet
examen de conscience, non loin de là des confidences s'échangeaient
entre quelques hommes de la troupe. Chez les malfaiteurs ce passe-
temps est habituel c'est qui déploiera plus de ressources d'élocu-
tion dans le récit de son Odyssée. On a souvent parlé de l'imagination
des Arabes; celle des voleurs n'est pas moins féconde, et ils ajoutent
nue assurance qui tient la profession. Rien d'ailleurs, de plus
édifiant que ces romans où les vertus du héros éclatent sous le plus
beau jour et où l'indépendance oratoire ne connaît aucune espèce
de limites.
Ce soir-là, l'intérêt delà veillée élait concentré dans un groupe
qui occupait l'un des angles de la grande salle. Une dame-jeaune
de vin de la Malgue était placée au milieu du cercle et le conteur
avait soin de temps autre d'y puiser quelques inspirations. Les
trois hommes importants du groupe, ceux qui avaient droit aux hon
neurs de la parole étaient le lieutenant Bouton-de-Rose le sous-
lieutenant Zéphyr et le simple bandit Rossignol. Les autres faisaient
galerie ils s inclinaient silencieusement devant la supériorité de
leurs camarades et la facilité d'élocution qui les distinguait c'était
se connaître.
Quant eux, il ne leur restait du langage humain qu'un grogne
ment sourd et c est 1 aide de cet instrument qu'ils soutenaient
l'orateur dans son récitcomme les chœurs dans le théâtre antique.
Sur les instances de l'assemblée, Bouton-de-Rose venait de décerner
la parole: son grade et ses talents lui en donnaient le droit. L'é
norme bouteille de vin fit le tour du cercle etaprès s'en être hu
mecté convenablement le lieutenant commença
Je suis né natif de Bretagne c'est assez vous dire que je suis
breton. Me patrie est Mériadec, près d'Auray, un pays des dieux où
j'espère bien aller finir mes jours quand nous aurons assez mangé
de poussière dans cette gueuse de Provence. 11 faut savoir que mon
père était un bon enfant qui se fit couper eu deux Quiberon. Pour
qui Du diable s'il le savait lui-même. Il alla au feu cause de mon
oncle, le curé de Crouny qui lui ditpour le décider, qu'il y ga
gnerait une situation avantageuse dans l'autre monde.
L'auteur de mes jours ajouta foi aux promesses de notre res
pectable parentmit sa fourche sur l'épaule en guise d'arme feu
et alla se faire démolir sous le fort de Pentbièvie par un boulet du
général Hoche. J'étais bieu jeune alors mais je me souviens tou
jours du moment où l'on nous rapporta ce qui restait de mon auteur;
un soulier et un chapeàu. Plus que ça d'héritage! Le reste avait été
dispersé dans les dunes et emporté par le flot,
Ma pauvre mère ne pouvait pas s'en consoler elle passa huit
jours la recherche des débris de son époux, afin de les ensevelir en
terre sainte elle ne trouva qu'une fièvre maligue dont elle mourut
un mois après.
Il faut voua dire que j'ai toujours eu des sentiments je m'en
flatte. J'étais orphelin ça ne pouvait passe passer comme ça. Mon
père et ma mère manquaient ma faible jeunesse il fallait que
quelqu'un en portât la peine. Je mis la main sur le Goupable c'était
mon oncle le curé de Grouny. Sans lui mon père ne se serait pas
fait détériorer par un projectile comme un ingénu qu'il élait et ma
mère la digne femme ne m'aurait pas laissé en ce bas monde
aussi solitaire que le pélican. C'est bon que je me le dis mon excel
lent oncle tu me le paieras; foi de neveu tu n'emporteras pas la
chose en Paradis. Il le sentaitl'ecclésiastique il me voyait venir
Aussi m'adminislrait-il des sermons de longueur, et me disait-il que
mes auteurs se trouvaient excessivement heureux dans le séjour des
anges. C'était ingénieux, mais voilà tout. Il voulait réparer la sottise
qu'il avait faite en envoyant mou père se battie avec une fourche
contre des boulets de canon mais il avait affaire un gaillard qui
ne se promenait pas facilement dans la lune. La dent que j'avais
contre lui élait encore jeune mais solide elle ne fit que croître et
embellir par une foule de circonstances qu'il n'est point indifférent
de vous énumérer. Zéphyr, passe-moi la fiole, ces souvenirs de mon
jeune âge m'altèrent considérablement.
Il y a de quoi tout ce qui vient de Bretagne est salé, exemple
le beurre, répliqua Zéphyr en passant l'ustensile sou chef.
La dame-jeanne fit de nouveau le tour de l'assemblée et revint
son point de départ. Bouton-de-Rose la souleva de son bras alhlé-
tique et s'en infusa une dernière cascade.
Histoire de se nettoyer le râtelier, dit-il et il continua
J'étais donc monté contre mon oncle le curé pour être com
plètement véridique j'ajouterai que ça datait de loin. Enfant je
lui avais servi de clerc, et, comme je lui sifflais quelquefois le jus de
ses burettes il me prodiguait les taloches en bon parent. Depuis
mes sept ans, je m'étais promis que je lui revaudrais ça, et je n'y ai
pas manqué. Eusuiteil voulait m'apprendre le latin la Bible les
Écritures, et voilà des choses qu'ou ne pardonne pas. Vous me direz
peut-être Ce sont des vétilles des piqûres d épingle...
Mais non mais non s'écrièrent les bandits.
Attendez mes petits amours nous ne sommes point encore au
bout du chapelet vous allez connaître le vénérable eoelésiastique
chaque chose en son temps. Mon père et ma mère étaut morts la
chaumière fut vidée, on vendit nos pauvres meubles, la huche les
matelas, tout jusqu'à mon lit je restai nu comme le jour où je vins
au monde. C'est bon, me dis-je cela regarde mon oncle; le tort est
de son côté il me doit un sort. Je volais les fruits des voisins je
saignais leurs poulets et quand ils se plaignaient je les envoyais