INTÉRIEUR.
mmm mouton.
6° ANNÉE. - N° 565.
DIMANCHE, 4 OCTOBRE I84G.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Feuilleton.
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VIRES ACQUIRIT ECNDO.
YPRES, le 3 Octobre.
La croisade de l'épiscopat belge contre l'ensei
gnement laïc prend des proportions plus vastes.
Ce n'était que la ville d'Ypres et celle de Gand,
qui, jusqu'ici, avaient vu leurs établissements
d'instruction secondaire placés en interdit, mais
depuis l'avènement d'un ministère entièrement
dévoué au parti jésuitique, on ne s'arrête plus
en si beau chemin. Après l'athénée de Tournai,
le collège de la ville de Chimay a mérité, on
ne sait pourquoila colère de l'évêque de
Tournai. Dans cette dernière ville, un ecclésias
tique dirigeait l'établissement, et un beau jour,
sans daigner faire connaître ses motifs, ni même
sans en avertir l'autorité communale, l'évêque
a révoqué le directeur M. l'abbé Villain, de ses
fonctions.
Les lauriers cueillis par l'évêque de Tournai
empêchaient son collègue de Liège de dormir
aussi s'est-il empressé de chercher une querelle
d'allemand l'autorité communale de Yerviers,
et il a refusé un ecclésiastique pour donner
l'enseignement de la doctrine religieuse l'école
industrielle de cette ville.
Pour peu que. cela continue, l'exception de
viendra la règle et toutes les institutions laïques
se verront privées d'un aumônier. Au moins si
les moyens qu'on emploie pour discréditer l'in
struction secondaire communale sont difficiles
défendreon doit avouer qu'il y a quelque
chose d'audacieux refuser l'instruction reli
gieuse des jeunes gens belges, nos concitoyens,
tandis que d'un autre côté, l'état, la province et
la commune font au clergé un budget de six
sept millions.
Peut-être discutera-t-on un jour l'obligation
réciproque qui existe entre l'état et le clergé
car quoique celui-ci soit libre et indépendant,
la Constitution, en énonçant que les traitements
et pensions des ministres des cultes sont la
charge de l'étatn'a pu vouloir que le clergé
put se soustraire l'accomplissement de ses
devoirs et parmi ceux-là, nous croyons qu'il
faut comprendre l'instruction religieuse de la
jeunesse.
Mais au seindu cabinet actuel, qui s'occupe des
empiétements du clergé et de ses entreprises
sur les droits de l'état? En matière d'instruction,
le ministère deTheux ne demanderait pas mieux
que de l'aidei* clans ses projets et d'abdiquer tou
tes les prérogatives du pouvoir civil, en faveur
du parti-prêtre. Le monopole de l'instruction est
le but suprême de ses plus ardentes convoitises et
le chef du ministère n à-t-il pas, par son absence
la distribution des prix du concours, indiqué
combien peu le gouvernement se souciait de
l'enseignement laïc, et indirectement n'est-ce
pas pour le parti-jésuitique, un encouragement
lâcher d'emporter de haute lutte l'anéantisse
ment de l instruclion secondaire communale
Un arrêté royal du 20 septembre alloue un
subside de 2,500 francs la commission ad
ministrative des hospices civilsde la villed'Ypres,
pour l'aider couvrir les frais de la recon
struction de l'hospice des aliénés de celte ville.
Par arrêté royal du 23 septembre, le médecin
adjoint Dupureux est nommé médecin de ba
taillon.
Noirs recevons d'Ypres, une lettre remplie de
détails sur ce qui se pa$se et sur ce qui se pré
pareau sujet d'une jilace de notaire vacante
en ce moment Messinespar le décès de
M. Yictoor.
Comme d'ordinaire, des intrigues de toute
sorte sont mises en jeu par les nombreux con
currents et leurs protecteurs. II y a sur les rangs
des notaires d'autres résidences, plusieurs can
didats étrangers la famille du défunt, et enfin
deux neveux de celui-cidont l'un était pre
mier clerc et a quatorze années de stage dans
l'étude de feu son oncle; l'autre serait sans
antécédents dans la partie et déjà favorisé, de
puis peud'une place de receveur de l'enré-
gistrement dans une petite ville de la province
de Liège.
D'après notre correspondant, on s'attend
assez généralement voir, dans celte circon
stance encore agir M. le ministre de la justice
sous l'influence de considérations tout-à-fait
étrangères au notariat, parce qu'on voudrait
placer Messines quelqu'un qui puisse surtout
remplir, selon les vues du gouvernement, les
fonctions de bourgmestre, dont était aussi in
vesti M. Yictoor. On ajoute que le jeune rece
veur de l'enregistrement est vivement appuyé
par un des membres du cabinet.
Nous ne savons commentdans une telle
complication, M. d'Anethan pourrait concilier
les différents principes qu'il a déclaré avoir
adoptés ou qu'il a appliqués jusqu'à présent en
fait de nomination aux places de notaire. Mais
s'il faut un système nouveau, même tout parti
culier pour le cas en question, M. d'Anethan le
trouvera, et, au besoin, il en donnera l'expli
cation; celte explication ne dût-elle pas être
meilleure que celle qu'il a fournie au Sénat en
répondant M. de Haussydans la séance du
27 février dernier.
En effet, on se rappelle ces paroles du minis
tre Fidèle, disait-il aux principes rappelés
dans une de mes circulaires je ne suis guidé
dans la collation des places de notaires, que par
le mérite et les titres des candidats, et surtout
je n'admets point de traités prix d'argent
mais je m'écarte de ces principes en ce qui con
cerne les fils et neveux des notaires décédés ou
démissionnaires. Le fils, âgé, par exemple, de
vingt-six ans, aura toujours la préférence sur
un autre candidat, celui-ci fût-il même âgé de
trente-cinq ans, et eût-il par conséquent beau
coup plus de stage que le fils.
Dans la presse et dans les pétitions on a
protesté énergiquement contre ces paroles
parce qu'on sait, par expérience, que les titres
des candidats ne sont pour rien dans la colla
tion des places qu'ils sont tous effacés par la
protection de quelque personnage du parti qui
persiste vouloir s'imposer au pays; que même,
une telle protection fait admettre des traités
prix d'argent et peut faire nommer notaires des
hommes jusque-là étrangers la carrière. On a
ditet nous répétonsque le fils ou un autre
parent d'un notaire, considérant la place comme
faisant partie de son patrimoine et sachant que
le seul titre de parent lui suffit, peut ne pas se
livrer l'élude ni faire un stage, et finir ainsi,
au préjudice de l'intérêt généralpar être
pourvu d'une fonction qu'il n'est point capable
de remplir.
On sait aussi que M. le ministre de la justice,
XI. ÉMOTIONS DE LAURE.
Pendant là journée qui suivit les confidences de Pierre Laure
Grandvai fut en proie des réflexions tumultueuses. Le récit de
cet homme lui revenait la pensée elle en repassait les détails, et
ne trouvait au fond de son cœur qu'une compassion douloureuse
pour tant d'infortunes. L'amant de Glaire avait été conduit vers
l'abîme par une sorte de fatalité cette femme s'était servie de lui
comme d'un instrument qu'elle avait brisé ensuite. Criminelil
l'avait été, mais d'une manière passive et plutôt par dévoûment que
par instinct. Le vrai coupable dans cette aventure c'était Claire
qui avait sacrifié cet homme son ambition et sa cupidité. Dans
ces conditions, un crime, quelque énorme qu'il fût, ne semblait pas
sans excuse la jeune fille Pierre se relevait ses yeux de toute la
générosité qu il avait eue envers sa complice du silence qu'il avait
gardé devant ses juges, enfin de cette auréole qu'aux yeux des
femmes gardent les criminels dont l'amour arme le bras.
1 Cependantmesure qu elle pénétrait plus avant dans cette re
cherche, Laure s'effrayait du sentiment qui s'éveillait eu elle. Pour
quoi cet intérêt l'égard d'un bandit que signifiaient ce souci
cette préoccupation pouvait-il y avoir jamais rien de commun
entre elle et lui? Cet homme était déchu, qu'importait le motif de
la déchéance Il était désormais séparé du monde par une barrière
que rien ne pouvait ni abaisser ni détruire, et c'était jouer un triste
jeu que de pousser plus loin des découvertes dans un semblable
passé. D'ailleurs si un premier crime avait été le fait d'un égare
ment combien d'autres crimes l'avaient suivi Que d'attentats
froidement médités, que de meurtres que de déprédations et de
violences N'était-elle pas aussi victime de l'une de ces expéditions
et son frère n'avait-il pas péri sous les mêmes voûtes où on la rete
nait prisonnière Elle, s'intéresser cet homme La fille et la sœur
de braves officiers se sentir touchée une heure, un moment, par les
confessions d'un bandit obscur quelle triste et lourde chute
Laure se sentait affaissée par cet examen de conscience et ac
coudée sur la table qui meublait sa cellulela tête entre ses mains,
l'œil fixe et sombre elle resta plongée dans une immobilité pro
fonde. On l'eût prise pour une statue tant sa pose resta longtemps
la même. Cependantsous le calme apparent se cachait un grand
combat intérieur. Pour l'excuser ou pour le flétrir, Laure s'occupait
toujours de Pierre; c'était une obsession que ni sa raison ni sa vo
lonté ne pouvaient vaincre. Elle avait beau en faire un homme
affreux, un réprouvé indigne de son attention sa pensée y retour
nait sans cesse tantôt avec des élans de colère tantôt avec un
sentiment de pitié.
A tout prendre Pierre avait été bon pour elle poliplein de
déférence et de respect. Tout, dans ses procédés, respirait une déli
catesse qu'elle n'avait jamais trouvée ailleurs ni au même degré ni
avec ce caractère. Là où elle aurait dû s'attendre des brutalités
odieuses, elle avait rencontré les égards les plus raffinés. Fallait-il
payer tout cela par des mépris et de la haine fallait-il refuser*
cet homme un peu de reconnaissance en retour de tels services
Tel était le combat qui se passait dans l'esprit de la jeune fille; les
impressions les plus contrai tes se succédaient. Elle se voyait en
gagée dans un chemin périlleux et de quelque côté qu'elle portât le
regard elle n'apercevait point d'issue. Sa curiosité l'avait menée si
loin qu'elle n'était plus dans ce souterrain sur le pied d'une prison
nière et d'une victime. Elle sentait murmurer en elle une sorte de
complicité involontaire qui la couvrait de honte et de confusion.
Confidente d'un bandit! Cette idée amenait une rougeur son-
daine sur ses joues et en s'interrogeant elle voyaitau delà de ce
titre de confidente, un autre titre qui la jetait dans l'épouvante et
le désespoir. Ce fut au milieu d'une de ces crises que Zéphyr frappa
la porte de sa cellule; elle ouvrit. Le matelot ôta son bonnet et la
salua respectueusement.
Pardon excuse, mademoiselle dit-il; soit dit sans vous déranger,
comment aimez-vous le poisson
Malgré l'amertume de ses pensées, Laure ne put se contenir, un
sourire effleura ses lèvres.
Le poisson dit-elle.
Oui insista Zéphyr le poisson Nos gens ont jeté le filet ce
matin du côté de Léaube, et la pêche a donné des soles des mulets,
des cabillaudstout le tremblement. Comment les aimez-vous