INTERIEUR.
6e ANNÉE. N° 366.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
JEUDI, 8 OCTOBRE 1816.
Fcuilleton.
On s'abonne Ypres, Marché
au Beurre, 21et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT,
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LePro
Tout ce qnî concerne la rédac
tion doit être adressé, franco, i
l'éditeur du journal, A Ypres.
Le P&ogkès parait Je Diman
che et le Jeudi de chaq ue semaine,
PRIX DES INSERTIONS.
Quinze centimes par ligne.
VIRES ACQUIRIT ECNDO.
YPBES, le 7 Octobre.
RÉPONSE A L'ORGANE DES FLANDRES.
Il s'édite Gand, par la grâce de l'évêque de
ce diocèse, un journal dont nous devons nous
occuper. Le pauvre sire, fatigué de sa nullité, de
son insignifiance, a probablement réquis une
assemblée en chapitre des hauts bonnets du
parti qu'il a mission de représenter dans la
presse périodique vafin d'aviser sur la tactique
employer pour se faire une célébrité. Usée
forcede pataugerdans la mixture qu'elle a voulu
remettre en honneur, celle feuille vient de
s'emparer d'une nouvelle roueriejésuitique trop
astucieuse, pour qu'elle en soit la mère. Nous
voulons parler de la ligue contre le paupérisme,
dans laquelle elle a voulu entraîner quelques
journaux libéraux.
A l'aide de la misère des Flandresl'Organe
des Flandres a voulu semer les germes d'uDe
nouvelle unionsœur de celle de 11330. Actuelle
ment il ne s'agissait que de combatlre.ce déplo
rable fléau qui étiole nos populations, dans un
certain jargon philanthropique bien approprié
I égoisme du parti clérical. Il importe cette
opinion de distraire l'attention des organes de la
presse libérale et de les engager dans la discus
sion des questions matérielles, afin de leur faire
négliger le coté politique et moral de la situation
du pays. Les journaux catholiques, en s'alliant
leurs adversaires, espéraient faire naître l'hé
sitation dans nos rangs et peut-être rejeter
sur nous la responsabilité des malheurs qui
déciment la classe ouvrière dans les Flandres,
tandis que, dans son omnipotence, la majorité
n'a fait preuve que de la plus coupable indiffé
rence.
Mais la mine a été éventée. Quelques jour
naux qui, de bonne foi et ne soupçonnant au
cune ruse s'étaient mis la suite du chef de
filedecelle ligue, ont reculé devant unealliance
même sur une question spéciale et qui ne peut
avoir aucun caractère politique. Le Journal de
Brinjes se moque de la ligue, et 1 Impartial,
dans un de ses derniers articles a expliqué le
but qu'il poursuivait, en des termes qui auront
rendu l'Organe des Flandres
Honteux comme un renard qu'une poule aurait pris.
Il nous a paru quand la feuille gantoise a
entamé sa chanson l'union des journaux pour
combattre le paupérismeque c'était un non-
sens qu'elle poursuivait, car si la presse peut
élucider des questions matériellesil faut
que le pouvoir mette en pratique les idées qui
l'issue de la discussion, ont paru les meilleu
res et les plus pratiques. Cette ligue nous pa
raissait excellente pour faire un lit de roses^au
ministère qui, au lieu d'agir, pouvait se draper
dans son indifférence. De toute cette polémi
que, dans notre opinion, il ne pouvait rien sur
gir d'utile. Le mal est connu, la cause en a été
discutée depuis bien longtemps, les moyens
d'empêcher le déplacement de celte industrie
ont été indiqués il y a des années. Pas n'était
besoin d'une ligue entre journaux de diverses
couleurs, pour mettre le ministère en demeure
d'agir d'une manière plus efficace que par des
aumônes. Mais comme on avait envie de conti
nuer le système de palliatifson a voulu faire
du bruit, pour couvrir tout ce qu'une pareille
impuissance avait de honteux pour le ministère
clérical.
Un mot encore ce journal, dont la polémi
que n'est pas frappée au coin de la plus exquise
urbanité. Que le journal le Progrès soit pour
ainsi dire inconnu Gand, il n'y a en cela rien
qui doive étonner. Des journaux qui ont plus de
prétentions jouissent souvent du même inco
gnito, et dans celte classe, nous rangeons notre
contradicteur, qui est en outre entièrement in
connu dans l'arrondissement d'Ypres. Si pour
détruire les arguments que peut émettre un
journal, il suffit de le traiter de politique d'esta
minetnous pourrions nous moquer de [Organe
des Flandres, en le qualifiant de politique de sa
cristie et de rat d'église. Mais nous croyons que
c'est une polémique qui, outre qu'elle est de
mauvais goût, ne pourra jamais que prouver,
que les bonnes raisons pour combattre votre
adversaire vous font défaut.
Nos lecteurs nous pardonneront de revenir
si souvent sur la diminution de l'effectif de notre
garnison, sur la perte d'un état-major et d'un
dépôt de cavalerie, s'ils veulent prendre en
considération le tort fait la ville. Nous ne
pouvons pas assez insister sur celte déplorable
mesure, car, l'approche de l hiver qui proba
blement sera rude traverser, elle aura pour
effet immédiat de diminuer les ressources de la
classe ouvrière, le petit commerce de détail en
souffrira considérablement et tout un quartier
de la ville, dont les habitants n'avaient d'autres
moyens d'existence que ceux que leur fournis
sait la proximité de la caserne de cavalerie,
deviendra désert.
Il est difficile d'expliquer l'iniquité commise
l'égard de la ville d'Ypres, car jusqu'ici on
avait lieu de croire, qu'aucune plainte ne pou
vait se produire contre l'administration com
munale qui avait toujours été au-devant des
vœux du département de la guerre, pour tout
ce qui regardait les constructions militaires.
Des sommes énormes, eu égard aux ressources
de la ville d'Ypres, ont été dépensées pour faire
jouir nos habitants des bienfaits que produit
le séjour d'une bonne garnison.
Il est vrai qu'on a donné pour motif, que les
régiments de cavalerie ne pouvaient rester dis
loqués. Il parait qu'il est plus spécieux que réel.
Le tableau général de l'emplacement des corps
de l'armée vient d'être publié et nous voyons
encore des dislocations dans l'arme de la cava
lerie légère et même dans le régiment des Guides.
Le premier Lanciers envoie un escadron Saint-
Trond; le 2e Lanciers a deux escadrons qui
tiennent garnison àCharleroy; le premier Chas
seurs fournit un escadron Tirlemont et les
3e et 4e escadrons du deuxième Chasseurs sont
Mons.
Nous pouvons donc en conclure que le motif
allégué pour'justifier l'injustice commise l'é
gard de la ville, n'existe que pour elle et que les
régiments ne sont plus disloqués, du moment
que nos casernes de cavalerie qui ont absorbé
sans l'entretien ordinaire 225,000 francs ne
sont plus occupées et que nous n'avons plus
qu'un dépôt et un état-major.
Avant la révolution, nous jouissions assu
rément d'uue paix aussi profonde et l'armée
n'était pas plus forte qu'actuellement. Eh bien
toujours, Ypres, nous avons eu deux états-
majors de régiment et deux dépôts. Aujourd'hui
on nous enlève ces avantages, malgré les sacri
fices faits par la ville et cela pour favoriser
d'autres cités, qui peut-êtrene doivent ces
faveurs qu'à l'inquiétude qu'elles inspirent.
Il est difficile de ne pas partager l'opinion
que ce sont des motifs entièrement étrangers
au bien-être du service militaireauxquels
nous devons la perte d'une partie de notre gar
nison quand on consulte le tableau de l'em-
XI. ÉMOTIONS DE LAURE. [Suite).
Les visites de Pierre comblaient les vides de cette existence sou
terraine etquoiqu'elle en comprît le danger elle ne pouvait se
défendre d'y songer et de compter les heures de l'attente. Ce jour-là
elles furent longues Pierre ne parut pas il chargea Zéphyr d'an
noncer la jeune fille que les soins d'une expédition le retenaient au
dehors et qu'il rentrerait trop avant dans la nuit pour aller lui
présenter ses devoirs.
Ce contre-temps jeta Laure dans un découragement et un ennui
profonds elle éprouva une de ces crises qui atteignent les âmes les
plus fermes, un de ces moments de lassitude où il ne reste plus dans
le cœur qu un seul sentimentle dégoût de vivre. Elle essaya de se
vainore de dompter ce découragementses efforts échouèrent. La
nuit vint, mais une nuit triste, lourde, sans sommeil. Les paupières
de la jeune fille s'abaissaient de temps en temps sur ses yeux, comme
lasses de résister la loi de la nature maispeu d'instants après
elles se rouvraient par une sorte de contraction nerveuse, et comme
ai une force invisible les eût souleyécs.
Des visions incohérentes des rêves aflreux se mêlaient cet état
de somnolence et l'aggravaient.
Laure s'imaginait par fois qu'une main froide et glacee venait la
saisir la gorge, et, demi suffoquée, elle se mettait sur son séant,
rappelait ses esprits, et jetait un regard effaré autour d'elle. Rien
n'était changé dans sa cellule; sa veilleuse y répaudait une clarté
douce, et aucun bruit ne se faisait entendre.
Pour chasser ces spasmes, la jeune fille se leva, préférant la veille
ce sommeil fiévreux prit un livre et passa ainsi quelques heures.
Avec l'habitude qu'elle avait des bruits et des mouvements du sou
terrain il lui fut facile de se tenir au courant de ce qui s'y passait.
La troupe revint de son expédition vers le milieu de la nuit, et les
hommes après quelques mots échangés regagnèrent leurs gîtes.
En prêtant l'oreille Laure reconnut la voix du capitaine, et, quel
ques instants après, celle de Zéphyr, qui venait se coucher, non loin
de sa porte, selon sa coutume.
Jusque-là ces divers mouvements n'avaient rien d extraordinaire;
ils ressemblaient ce qui avait lieu chaque soir, et faisaient partie
des habitudes de cette vie souterraine.
Quelques instants aprèsle silence le plus profond régnait sous
ces soutes j l°ut monde excepté Laure, était livré au repos.
Phisoa lme la jeune fille allait regagner son lit quand un bruit
étrange attira son attention. C'était comme un chuchotement voix
basse et des paroles échangées entre plusieurs personnes, a ure tres
saillit ce bruit était inexplicable; il semblait partir de la voûte de
sa cellule comme d'un soupirail et ne répondait aucune des direc
tions dans lesquelles les hommes de la troupe avaient établi leurs
gîtes.
Laure, quoiqu'à peine arrivée dans le souterrain en connaissait
les dispositions.
Sa cellule était située au fond d'un boyau, parallèle la salle que
l'on nommait la sallp des morts et qui a joué un rôle dans cette his*
toire.
Peut-être par des fissures intérieures comme il en existe tant
ces profondeurs la voix communiquait-elle de cette caverne basse
et sonore jusqu'à la cellule de la jeune fille.
Elle souleva les tentures qui masquaient le plafond de sa chambre
et les sons arrivèrent en effet plus distinctement ses oreilles. Ce
pendant ils étaient encore assez confus pour qu'il fut impossible
d'en comprendre le sens. La jeune fille redoubla d'attention mais
les voix se turent et le silence régna de nouveau.
La curiosité de Laure était excitée au plus haut degré. Évidem
ment il se passait près d'elle quelque chose de mystérieux qu'elle
résolut d'éclaircir.